Publié

Poubelles qui rotent, Clean-up Days, applications mobiles: comment lutter au mieux contre le littering?

L'abandon de déchets sur la voie publique coûte quelque 200 millions de francs par an en Suisse. [Keystone - Jean-Christophe Bott]
L'abandon de déchets sur la voie publique coûte quelque 200 millions de francs par an en Suisse. - [Keystone - Jean-Christophe Bott]
L'abandon de déchets sur la voie publique coûte environ 200 millions de francs par an en Suisse, sans compter les dégâts que le plastique ou les mégots occasionnent à la biodiversité. A l'instar de Préverenges qui a récemment annoncé la suppression des poubelles publiques, les collectivités rivalisent d'imagination pour tenter de résoudre cette problématique.

La Confédération ne possède toujours pas de loi fédérale visant à uniformiser la lutte contre les déchets sauvages. Aux villes et aux cantons, donc, de se débrouiller pour traquer les immondices délaissées sur la voie publique. En Suisse romande, il est de plus en plus courant d'être verbalisé si l'on jette ses mégots, ses canettes ou ses chewing-gums par terre. Mais le montant des prunes distribuées a tendance à varier d'une ville à une autre.

A Lausanne par exemple, l'abandon de déchets sauvages, ou littering, coûte 150 francs. Même chose à Yverdon-les-Bains. A Genève, il n'en coûte que 100 francs, à Zurich 80 francs, ou encore 50 francs à Fribourg.

>> Lire aussi : L'idée d'unifier les amendes pour le littering revient au Parlement

Malgré tout, pour lutter contre le littering, infliger de simples amendes ne suffit pas toujours. C'est pourquoi, chaque année, les communes, les cantons ou encore les associations proposent des solutions plus ou moins originales pour essayer d'en venir à bout. Petit tour d'horizon non exhaustif de certaines d'entre elles qui ont ou vont voir le jour en Suisse romande.

Suppression totale des poubelles publiques

Dès le 13 juillet 2022, Préverenges (VD) enlèvera toutes les poubelles de sa plage pour responsabiliser les citoyens à la problématique des déchets. [Keystone - Jean-Christophe Bott]
Dès le 13 juillet 2022, Préverenges (VD) enlèvera toutes les poubelles de sa plage pour responsabiliser les citoyens à la problématique des déchets. [Keystone - Jean-Christophe Bott]

La dernière idée en date vient de Préverenges. Pour inciter les gens à limiter leurs déchets, la commune vaudoise supprimera, dès le 13 juillet prochain, ses poubelles publiques situées sur les bords du Léman. L'objectif: encourager les baigneurs à emporter leurs déchets avec eux, et, par conséquent, en produire moins.

>> Lire aussi : Pour inciter les gens à limiter leurs déchets, une commune va supprimer ses poubelles publiques

En moyenne quelque 20 tonnes de déchets sont produites chaque été sur la plage de Préverenges, comme l'a indiqué, lors de la soirée d'information du 31 mars, le municipal en charge de la Voirie. A noter que dans un premier temps, des bénévoles seront chargés d'informer les citoyens de cette nouvelle règle, en plus de la pose d'affiches et de messages publiés sur les réseaux sociaux.

"On sait que c'est un programme idéaliste. Tout ne fonctionnera pas dès le début, mais on s'adaptera", a-t-il encore souligné. Si ce premier été sera un test lors duquel la communication sera privilégiée, la municipalité se donne en tout trois ans pour faire un bilan, en misant sur le civisme des gens.

Quoi qu'il en soit, cette solution radicale laisse perplexe Océane Dousteyssier, psychologue sociale spécialisée en sciences comportementales, reçue à Forum le 19 avril dernier. "En théorie, on peut penser que retirer toutes les poubelles devrait permettre de responsabiliser les citoyens vis-à-vis de leur propre production de déchets. Mais en pratique, on va se rendre compte que, même si les gens sont pleins de bonnes intentions, il est difficile de faire évoluer les habitudes", expliquait-elle.

>> Voir l'interview complète de Océane Dousteyssier, dans Forum (19.04.2022) :

Enlever les poubelles des plages pour inciter les baigneurs à emporter leurs déchets: interview d'Océane Dousteyssier
Enlever les poubelles des plages pour inciter les baigneurs à emporter leurs déchets: interview d'Océane Dousteyssier / Forum / 5 min. / le 19 avril 2022

Journées dédiées au ramassage des ordures sauvages

La 30e édition des "Clean-up Days" auront lieu en septembre 2022. [Keystone - Martial Trezzini]
La 30e édition des "Clean-up Days" auront lieu en septembre 2022. [Keystone - Martial Trezzini]

Chaque année depuis 2013, une opération d'actions de nettoyage nationale a lieu durant tout un week-end au mois de septembre. Organisés par la Communauté d'intérêts pour un monde propre (IGSU), ces "Clean-Up Days" réunissent des dizaines de milliers de bénévoles de tous horizons. L'an dernier, ils étaient quelque 45'000 à s'être mobilisés au travers de 600 actions différentes.

>> Lire aussi : Le "Clean-Up Day" mobilise 45'000 bénévoles contre les déchets abandonnés en Suisse

Soutenu par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), ce week-end s'inscrit dans le cadre d'une action mondiale à laquelle participent chaque année pas moins de 180 pays.

L'idée, bien entendu, est de ramasser le plus d'ordures possibles, mais c'est également un moyen de sensibiliser et d'éduquer les gens. Et pas seulement les enfants, comme l'expliquait au 12h45 Käthi Jaun, qui avait initié une action de nettoyage dans la quartier de Mâche à Bienne l'automne dernier. "L'idée ici est de ramasser les déchets en mêlant les générations, parce que ce n'est pas un problème qui concerne seulement les jeunes ou les vieux, mais tout le monde."

>> Regarder le reportage à Bienne lors des derniers Clean-Up Days, dans le 12h45 (18.09.2021) :

Ce week-end a lieu dans le monde entier l’opération Clean-Up Day, c’est-à-dire ramasser les déchets sur la voie publique
Ce week-end a lieu dans le monde entier l’opération Clean-Up Day, c’est-à-dire ramasser les déchets sur la voie publique / 12h45 / 2 min. / le 18 septembre 2021

Autre action notable s'inscrivant dans le sillage des "Clean-Up Days" , le "Clean-Up Tour" organisé chaque printemps en montagne par Summit Foundation. Depuis sa création en 2001, cette fondation environnementale à but non lucratif s'est notamment donné pour mission de diminuer l’impact des activités humaines en organisant notamment une tournée de plusieurs stations de ski suisses et même italiennes pour ramasser les déchets une fois la neige fondue.

>> L'interview de Théo Gürsoy, chef de projet du "Clean-up Tour" de la Summit Foundation, dans Forum (17.07.2020) :

Forum des idées - "Clean-up Tour", des opérations de ramassage de déchets en montagne
Forum des idées - "Clean-up Tour", des opérations de ramassage de déchets en montagne / Forum / 7 min. / le 17 juillet 2020

Des poubelles qui rotent

En 2014, la la Ville de Lausanne a installé une vingtaine de poubelles sonores pour sensibiliser les gens de manière ludique à la problématique du littering. [keystone - Jean-Christophe Bott]
En 2014, la la Ville de Lausanne a installé une vingtaine de poubelles sonores pour sensibiliser les gens de manière ludique à la problématique du littering. [keystone - Jean-Christophe Bott]

Si cette campagne de sensibilisation remonte à 2014 déjà, son originalité a eu le mérite de faire le buzz, au point que de nombreux Lausannois s'en souviennent encore.

Dans le cadre de cette action ludique baptisée "Slurp, nourrissez les poubelles", Lausanne avait habillé une centaine de poubelles dites "requins" aux couleurs de gentils monstres dévoreurs de déchets urbains, et en avait même rendu une vingtaine sonores qui, au moment d'y jeter un déchet, disaient "merci", se léchaient les babines ou même rotaient.

"Nous espérons faire sourire et que les passants se souviennent longtemps de cette action. Nous ne voulons pas leur faire la morale, juste les sensibiliser", déclarait le municipal de l'époque en charge de la Voirie, Olivier Français, dans les colonnes de 24heures.

Si aujourd'hui, les poubelles lausannoises sont redevenues silencieuses, la Ville avait tiré un bilan plutôt positif de l'expérience. "Disons qu'elles n'ont pas fait le bonheur de tous, mais qu'elles ont au moins suscité le débat. Le bilan est malgré tout très positif. Ces poubelles sont au moins très utilisées, et on a constaté moins de déchets sauvages à la Louve, sur la place de l'Europe ou encore sur le toit de la Fnac", s'était réjoui Philippe Lenoir, délégué à la propreté du domaine public.

Sculptures de déchets

Une des deux installations mises en place par la ville de Genève en juin 2021 pour sensibiliser les citoyens au littering. [Keystone - Martial Trezzini]
Une des deux installations mises en place par la ville de Genève en juin 2021 pour sensibiliser les citoyens au littering. [Keystone - Martial Trezzini]

Pour marquer les esprits, certaines villes, associations ou artistes décident parfois de confronter directement les citoyens à leurs propres détritus. L'Objectif? Tenter de créer chez eux une prise de conscience pour les pousser à terme à en produire moins.

Certaines communes le font de manière plus ou moins brute, comme Lausanne en août 2019. La capitale vaudoise avait à l'époque exposé sur une de ses places très fréquentées trois bennes remplies de 4,5 tonnes de déchets, soit l'équivalent de ce qui est ramassé chaque jour dans ses rues en moyenne.

>> Lire aussi : A Lausanne, 4,5 tonnes de déchets sauvages sont ramassées chaque jour

Genève a fait de même l'an dernier avec deux installations géantes formant le mot "Stop" situées sur les deux rives du lac, à la Plage des Eaux-Vives et au quai Wilson. "On veut interpeller les gens, rappeler les bons gestes, rappeler qu'on n’est pas des consommateurs de l’espace public mais qu'on est tous coresponsables", détaillait alors Marie Barbey-Chappuis, conseillère administrative de la Ville, dans le 12h45.

>> Lire aussi : Genève lance une nouvelle campagne contre les déchets sur la voie publique

Pour marquer les esprits, d'autres villes optent pour l'art, à l'image de Sion en septembre dernier. La capitale valaisanne avait commandé à l'artiste Julien Loutz une sculpture faite de plastiques usagés pour attirer l'attention des badauds.

>> Regarder le Sujet 12h45 :

Une statue réalisée à partir de déchets trône durant 3 mois sur la place du Midi à Sion
Une statue réalisée à partir de déchets trône durant 3 mois sur la place du Midi à Sion / 12h45 / 1 min. / le 19 septembre 2021

Challenges sur les réseaux sociaux

La première édition de la campagne #Stop2Drop qui a eu lieu 7 au 22 mars dernier a permis le ramassage de près d'un million de mégots. [Stop2Drop - gabriel design print]
La première édition de la campagne #Stop2Drop qui a eu lieu 7 au 22 mars dernier a permis le ramassage de près d'un million de mégots. [Stop2Drop - gabriel design print]

Les mégots de cigarettes jetés à même le sol constituent également un véritable fléau contre lequel les communes romandes se battent d'année en année, à coups de campagnes d'affichage ou encore d'opérations géantes de ramassage.

Il faut dire qu'une cigarette contient quelque 4000 substances, dont 250 sont nocives pour la santé et 50 sont cancérigènes: une bonne partie de ces éléments s'accumulent dans le filtre qui met 10 à 15 ans à se décomposer. Un seul mégot peut polluer jusqu'à 40 litres d'eau, comme l'indique l’Association suisse pour la prévention du tabagisme. Le littering de mégots dans les rues coûte ainsi plus de 65 millions de francs chaque année au contribuable, selon l’Office fédéral de l’environnement.

Outre les opérations de ramassage régulièrement organisées en Suisse, un challenge a été lancé depuis juillet 2019 sur les réseaux sociaux avec le hashtag #FillTheBottle. Le principe est simple: il suffit de remplir une bouteille de mégots trouvés par terre, puis de poster le résultat de sa collecte sur Twitter, Facebook ou encore Instagram. Imaginée par une jeune française, l'initiative a depuis été reprise à l'étranger, et notamment en Suisse récemment au travers de l'opération #Stop2drop.

>> Lire aussi : Près d'un million de mégots collectés en deux semaines par des classes

Organisée par l'Association suisse pour la prévention du tabagisme et soutenue par différents centres cantonaux de prévention et des associations de protection de l’environnement, la première édition de Stop2drop, qui s'est tenue du 7 au 22 mars dernier, a permis de récolter près d'un million de mégots de cigarettes. Ce qui correspond à 1350 bouteilles en PET pleines. Fort de ce premier succès, l'Association est en train de réfléchir à pérenniser l'opération qui a mobilisé des élèves de toutes les régions de Suisse et du Liechtenstein.

Autre idée originale qui a essaimé dans les festivals ces dernières années: les "voting ashtrays", soit les "cendriers de vote". Inventé en Grande-Bretagne, ce concept qui invite les fumeurs à voter entre deux propositions a été repris en Suisse, notamment par Summit Foundation.

Vous êtes plutôt kebab ou sushis? Petit sirop ou grand mojito? Iron Maiden ou Muse? A l’occasion de l’édition 2016 du Paléo Festival, la fondation environnementale basée à Vevey a développé un cendrier mural ludique permettant aux gens de donner leurs avis sur une thématique en jetant leurs mégots d'un côté ou d'un autre. Ce concept privilégiant une communication ludique et non-moralisatrice a depuis été repris par de nombreuses manifestations à travers le pays.

Une application pour nettoyer collectivement les bords du Léman

En 2019, l'Association pour la sauvegarde du Léman (ASL) a lancé une application pour smartphone pour nettoyer les bords du lac, et même au delà. [Net'Léman]
En 2019, l'Association pour la sauvegarde du Léman (ASL) a lancé une application pour smartphone pour nettoyer les bords du lac, et même au delà. [Net'Léman]

En 2019, l'Association pour la sauvegarde du Léman (ASL) a lancé une application pour smartphone pour nettoyer les bords du lac, et même au-delà. Ce nouvel outil permet aussi de recueillir des données sur la provenance des déchets. Son nom? "Net'Léman", soit le même que les journées de nettoyage des rives et fonds du lac organisées par l'ASL depuis 2005.

Lancée grâce à une campagne de financement participatif, l'application accompagne les volontaires dans leur action de ramassage. Elle permet de trier, compter et géolocaliser les détritus trouvés. Chaque utilisateur peut également voir où d'autres nettoyages ont été organisés et quels sont les résultats de chaque action. Installable depuis le site du même nom, "Net'Léman" propose aussi des informations sur le tri des déchets.

Depuis ses débuts en 2019, 1165 actions de nettoyage ont été lancées en Suisse et en France voisine, indique l'application. Plusieurs tonnes de déchets ramassés y ont été répertoriés, dont 271 kg de bouteille en PET, 5794 kg de ferraille ou encore 1777 kg de verre.

>> Lire aussi : Une application pour nettoyer collectivement les bords du Léman

Fabien Grenon

Publié

Le littering coûte quelque 200 millions de francs par année à la Suisse

L’abandon de déchets sur la voie publique entraîne de gros frais pour les communes. Selon le dernier recensement de l'Office fédéral de l'environnement,  les coûts totaux s’élèvent, pour l’ensemble de la Suisse, à environ 200 millions de francs par année, qui grèvent le budget des communes à hauteur de 150 millions, et celui des entreprises de transports publics de 50 millions.