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Médecins et militants climatiques condamnés à Lausanne

Les médecins Blaise Genton et Valérie D'Acremont, avec 10 autres personnes, ont été condamnées pour avoir participé à une manifestation d'Extinction Rebellion, le 14 décembre 2019. [Keystone - Laurent Gillieron]
Valerie d'Acremont et Blaise Genton ont été jugés coupables pour leur activisme climatique / Le 12h30 / 1 min. / le 11 février 2022
Les militants du climat ont essuyé une nouvelle défaite en justice à Lausanne. Douze personnes, dont les médecins Valérie D'Acremont et Blaise Genton, ont été condamnées vendredi pour avoir participé à une manifestation d'Extinction Rebellion le 14 décembre 2019.

Ce jour-là, ces douze personnes, accompagnées par d'autres activistes, avaient participé à un sit-in et bloqué la rue Centrale à Lausanne pour alerter la population à l'urgence climatique. Refusant de quitter les lieux, ils avaient été évacués à tour de rôle par la police.

Le Tribunal d'arrondissement de Lausanne a estimé que cette manifestation, qui n'avait pas été autorisée, avait constitué "un usage indu" de l'espace public, et d'autant plus sur "un axe essentiel" à la circulation au centre-ville. Le juge Lionel Chambour a aussi relevé qu'une ambulance avait été "retardée" en raison du blocage de la rue.

>> Lire : Hauts fonctionnaires et activistes du climat ensemble devant la justice

"D'autres moyens possibles"

Le magistrat a également reproché aux militants de ne pas avoir obtempéré aux sommations de la police. Il a indiqué que les forces de l'ordre s'étaient montrées suffisamment "tolérantes" en donnant du temps aux activistes pour partir d'eux-mêmes.

Pour le juge, le dérèglement climatique n'est "ni contesté, ni contestable" et "la sincérité" des militants ne fait "aucun doute". Il a toutefois estimé que les activistes avaient d'autres "moyens possibles" pour mener leur combat.

Se référant à un arrêt du Tribunal fédéral, il a souligné que, du point de vue du droit, l'urgence climatique ne correspondait pas à un "danger durable et imminent".

"Déçue mais pas surprise"

Interrogée dans l'émission Forum, Valérie D'Acremont, infectiologue et conseillère communale à Lausanne, s'est dite "déçue que la justice ne reconnaisse pas l'imminence du danger que représente le changement climatique et la perte de la biodiversité, qui a un impact sur la santé". Mais elle n'est pas surprise de cette décision. "Avec tous les autres, j'essaie de faire passer un message qui est difficile à entendre", souligne-t-elle.

La scientifique dit également ne pas être intimidée par cette condamnation. "Je vais continuer à dire ce que j'ai à dire lorsque je constate que des choses ne vont pas", sourit-elle. "Les scientifiques ont le devoir, quand ils constatent des choses, de sortir de leur tour d'ivoire pour le communiquer aux populations", poursuit-elle. "Comme le fait l'OMS quand elle dit que la crise climatique est le plus grand risque sanitaire du 21e siècle."

>> L'interview complète de Valérie D'Acremont :

Deux personnalités de la santé condamnées parmi les militants du climat: interview de Valérie D’Acremont (vidéo)
Deux personnalités de la santé condamnées parmi les militants du climat: interview de Valérie D’Acremont (vidéo) / Forum / 4 min. / le 11 février 2022

Sanctions différentes

Le juge a prononcé des peines pécuniaires allant de 15 à 20 jours-amende avec sursis. Cette différence de traitement vient notamment du fait que quatre élus communaux figuraient parmi les prévenus, dont Valérie D'Acremont. Le tribunal a jugé bon de les punir plus sévèrement.

Chaque militant devra aussi payer une amende de 300 francs. Sauf Valérie D'Acremont et Blaise Genton, pour qui l'amende a été fixée à 1000 francs, compte tenu de leur situation financière. Les frais de justice - entre 300 et 700 francs selon les cas - sont aussi à charge des prévenus.

"Une honte"

Ce verdict a suscité la colère des militants et du public venu les soutenir. "C'est une honte ! Vous ne comprenez rien", a lancé une prévenue au juge en sortant de la salle d'audience.

"Vous êtes du mauvais côté de l'histoire", a ajouté une autre. "Nous affrontons une pandémie depuis deux ans, et vous estimez qu'il n'y a pas de danger imminent !", a renchéri un autre activiste.

Devant le tribunal, la colère n'est pas retombée. "Durant nos plaidoiries, nous avons tout essayé pour faire comprendre au juge la situation, l'inquiétude des gens. Mais il n'en a pas tenu compte. Nous ne sommes pas parvenus à effriter sa carapace en béton armé", a commenté Blaise Genton.

Les militants ont d'ores et déjà annoncé qu'ils feraient appel de ce jugement. "Nous irons jusqu'à la Cour européenne des Droits de l'Homme s'il le faut pour être reconnus dans notre droit", a indiqué Valérie D'Acremont dans Forum.

ats/kkub

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De rares acquittements

Ce procès faisait partie de la série dite du "procès des 200", entamée en septembre dernier et qui voit défiler les militants au tribunal pour divers faits de désobéissance civile à Lausanne entre 2019 et 2020. Alors qu'environ une moitié a déjà été jugée, seuls cinq activistes ont pour l'instant bénéficié d'un acquittement.

Ce dernier procès en date sortait particulièrement du lot en raison de la présence de Valérie D'Acremont et Blaise Genton. Les deux médecins d'Unisanté, qui sont par ailleurs mariés, sont des figures du monde de la santé. Ce sont notamment des visages connus dans la lutte contre le coronavirus: Valérie D'Acremont comme infectiologue et Blaise Genton en tant que responsable de la campagne de vaccination vaudoise.