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Des (ex-)détenus, un youtubeur déjanté, un leader pestiféré... Ces élus européens qui détonnent

Un youtubeur de 24 ans, un leader d'extrême droite mis sur la touche par son parti, un ex-ministre polonais qui a passé quelques jours derrière les barreaux et une militante assignée à résidence font partie des 720 personnes élues au Parlement européen. [KEYSTONE, AFP ET REUTERS]
Un youtubeur de 24 ans, un leader d'extrême droite mis sur la touche par son parti, un ex-ministre polonais qui a passé quelques jours derrière les barreaux et une militante assignée à domicile font partie des 720 personnes élues au Parlement européen. - [KEYSTONE, AFP ET REUTERS]
Les élections européennes de la semaine dernière ont réservé leur lot de surprises. Parmi les 720 élus, certains se distinguent par leur profil atypique, leur passé (ou présent) judiciaire ou leur relation tumultueuse avec leur propre parti.

Agé de 24 ans, le youtubeur Fidias Panayiotou est désormais également député européen. Le Chypriote aux 2,6 millions d'abonnés s'est fait connaître pour ses vidéos loufoques.

Le vidéaste a par exemple passé une semaine dans un cercueil. Il n'a en revanche aucune expérience politique et n'a proposé aucun programme lors de la campagne.

Le youtubeur, qui fait ses premiers pas en politique, a fêté son succès électoral  avec ses supporters à Nicosie dimanche. [REUTERS - Yiannis Kourtoglou]
Le youtubeur, qui fait ses premiers pas en politique, a fêté son succès électoral avec ses supporters à Nicosie dimanche. [REUTERS - Yiannis Kourtoglou]

Résultat de celui qui se décrit comme un "faiseur d'erreurs professionnel": près de 20% des suffrages du pays insulaire.

"Les partis devraient considérer cela comme un avertissement et qu'ils doivent se moderniser et écouter le peuple", a lancé Fidias Panayiotou sur la chaîne publique CyBC.

Alvise Perez, l'influenceur d'extrême droite

L'eurodéputé chypriote ne sera pas le seul créateur de contenus sur les réseaux sociaux à siéger dans l'hémicycle européen. Luis "Alvise" Pérez Fernández, qui a récolté 4,5% des voix en Espagne, entre également dans cette catégorie. Mais son créneau est tout autre. Le trentenaire s'est démarqué depuis le début de la pandémie par ses propos anti-establishment, marqués à l'extrême droite, qu'il diffuse sur différentes plateformes.

L'influenceur a lancé au mois d'avril sa formation politique, La fête est finie (Se acabo la fiesta), pour les européennes. Sa liste a obtenu trois sièges.

Son discours devant ses partisans à Madrid après sa victoire donne le ton: "Les tomates (espagnoles) ont besoin de plus de papiers pour sortir du pays que les immigrés clandestins pour y entrer", a-t-il déclaré. "La fête est finie parce que, je suis triste de le dire, l'Espagne est devenue une fête pour les criminels, les corrompus, les mercenaires, les pédophiles et les violeurs", a-t-il aussi dit.

>> Relire le suivi des élections européennes : La grande coalition de la droite, des socialistes et du centre reste majoritaire au Parlement européen

Fredi Beleri, élu maire et prisonnier en Albanie

Fredi Beleri, 52 ans, est au centre d'un scandale et de tensions entre l'Albanie - qui n'est pas membre de l'UE - et la Grèce, deux pays dont il a la nationalité.

L'électorat grec l'a choisi pour siéger au Parlement européen au côté de 20 autres eurodéputés. Il figurait sur la liste du parti Nouvelle Démocratie (droite) du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, qui envoie sept élus à Strasbourg.

L'année passée, il avait été élu maire de la ville albanaise d'Himara. Mais il n'a jamais occupé ses fonctions. La raison: une arrestation pour achats de votes et une condamnation en mars dernier. L'homme, membre de la minorité grecque en Albanie, conteste le verdict et estime être détenu pour des raisons politiques.

Lors des élections municipales, son opposant et maire sortant était soutenu par le Premier ministre Edi Rama. Après son arrestation, Fredi Beler a reçu l'appui du gouvernement grec, le ministère des Affaires étrangères déclarant que sa peine était "de toute évidence disproportionnée par rapport à la gravité du délit supposé". Tirana, de son côté, insiste sur le fait qu'il avait été condamné en 1997 à une peine avec sursis pour possession d'armes. Une peine qui a été réduite par la suite.

Une élection qui ouvre la voie à une libération

Pour Ilaria Salis, élection pourrait rimer avec libération. L'Italienne est en effet assignée à résidence à Budapest depuis ce printemps. Avant cela, la militante d'extrême gauche a été incarcérée pendant plus d'un an.

L'enseignante de 39 ans est accusée de s'être déplacée dans la capitale hongroise pour s'attaquer à un rassemblement néo-nazi.

Elle était apparue au tribunal enchaînée et menottée en début d'année. Ce traitement avait provoqué une forte émotion dans la péninsule.

Les images de la militante entravée avaient créé une forte émotion en Italie. [AFP - ATTILA KISBENEDEK]
Les images de la militante entravée avaient créé une forte émotion en Italie. [AFP - ATTILA KISBENEDEK]

Son élection en Italie avec le petit parti Alleanza Verdi e Sinistra (Alliance des Verts et de la gauche, AVS) lui permet de demander l'immunité parlementaire, qui empêche la détention et suspend tout procès, selon son avocat, qui a indiqué qu'elle devrait faire cette requête d'ici à la mi-juillet.

"Ilaria est devenue, malgré elle, le symbole d'une Europe dont nous ne voulons pas, celle d'Orban (le Premier ministre nationaliste hongrois, ndlr) qui piétine la démocratie, mais aussi celui d'une Europe possible, où tous les droits seront appliqués complètement à toutes et à tous", a dénoncé à l'agence AGI Nicola Fratoianni, l'un des deux leaders d'AVS.

De son côté, Ilaria Salis a remercié sur Instagram les personnes qui ont voté pour elle. "L'antifascisme, en plus d'être une valeur humaine et une perspective politique, est aussi une communauté résistante et solidaire", a-t-elle lancé.

Un ex-ministre polonais et son second au coeur d'une saga judiciaire

En Pologne, ce sont deux nouveaux eurodéputés du parti Droit et Justice (droite eurosceptique) qui ont eu affaire à la justice. Mariusz Kaminski, ministre de l'Intérieur de 2019 à 2023, et son bras-droit, l'ex-secrétaire d'Etat Maciej Wasik, ont fait un bref passage par la case prison cette année.

Un protestataire porte une pancarte en soutien à Mariusz Kaminski (gauche) et Maciej Wasik lors d'une manifestation contre le nouveau gouvernement pro-européen de la Pologne, le 11 janvier 2024. [NURPHOTO via AFP - BEATA ZAWRZEL]
Un protestataire porte une pancarte en soutien à Mariusz Kaminski (gauche) et Maciej Wasik lors d'une manifestation contre le nouveau gouvernement pro-européen de la Pologne, le 11 janvier 2024. [NURPHOTO via AFP - BEATA ZAWRZEL]

Les deux hommes sont au centre d'un long feuilleton judiciaire. Ils ont été condamnés en 2015 pour abus de pouvoir lorsqu'ils étaient aux commandes du bureau polonais de lutte contre la corruption. Une grâce accordée par le président Andrzej Duda leur a permis d'échapper à la prison. L'affaire a connu un énième rebondissement ces derniers mois, avec une nouvelle condamnation, une détention de quelques jours, et une seconde grâce présidentielle.

Une tête de liste qui n'est plus en odeur de sainteté

Pour terminer, rendons-nous en Allemagne, où le parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) s'est placé en deuxième place du scrutin, derrière la CDU, mais devant les socialistes du chancelier Olaf Scholz.

L'AfD a toutefois exclu de sa délégation au Parlement de l'UE sa tête de liste Maximilian Krah. L'eurodéputé de 47 ans a en effet défrayé la chronique lors de la campagne en enchaînant les scandales.

Maximilian Krah est mis au ban de l'AfD. [KEYSTONE - BRITTA PEDERSEN]
Maximilian Krah est mis au ban de l'AfD. [KEYSTONE - BRITTA PEDERSEN]

L'avocat avait notamment estimé qu'un SS n'était pas "automatiquement un criminel". Ses dérapages ont poussé les dirigeants de son parti à le mettre sur la touche fin mai.

>> A lire sur le sujet : L'AfD prive sa tête de liste aux Européennes de campagne et Le parti d'extrême droite allemand AfD exclu du groupe ID au Parlement européen

Le Rassemblement national avait d'ailleurs choisi juste avant de couper les ponts avec l'AfD au sein du législatif européen. Les deux partis étaient réunis au sein du groupe Identité et démocratie. Mais la formation française a estimé que son allié subissait "une emprise de groupements radicaux en son sein".

Maximilian Krah est également pointé du doigt pour sa proximité supposée avec la Russie et la Chine. Par ailleurs, il est éclaboussé par une enquête du parquet allemand, qui soupçonne son assistant parlementaire d'avoir espionné pour le compte de Pékin. Cet Allemand d'origine chinoise a été arrêté fin avril. La Chine, quant à elle, nie ces accusations.

Antoine Michel avec les agences

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