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La Chine menace de limiter ses exportations de terres rares

Alexandre Kateb, économiste, directeur du cabinet français Compétence Finance. [alexandrekateb.wordpress.com]
Pékin menace de limiter ses exportations de terres rares: interview d'Alexandre Kateb / Forum / 6 min. / le 31 mai 2019
Dans la guerre commerciale contre Washington, Pékin menace de réduire ses exportations de métaux rares, indispensables à de nombreuses industries de pointe aux Etats-Unis, dont l'armement. La Chine fournit aux Américains 80% de leurs terres rares.

Cette menace intervient au moment où de nouvelles surtaxes doivent entrer en vigueur samedi en Chine sur des produits américains, en représailles aux hausses de droits de douane annoncées par Donald Trump début mai sur des produits chinois (lire encadré).

>> Lire : La Chine accuse les Etats-Unis de "terrorisme économique"

Pékin entend limiter ses exportations de terres rares "aux pays qui se retournent contre la Chine", pour citer le ministre chinois du commerce. Ces dix-sept métaux indispensables à la fabrication des produits technologiques sont dits "rares" parce qu'ils sont difficiles à détecter, à exploiter et à isoler chimiquement. Et la Chine s'est imposée – de très loin – comme le premier producteur mondial.

Le quasi-monopole de la Chine

L'Empire du milieu produit 80% des terres rares et dessert près de deux tiers de la demande mondiale – alors que le pays possède moins de la moitié des réserves mondiales.

Un ouvrier sur le site d'une mine de terres rares dans la province de Jiangxi (octobre 2010). [Reuters - Stringer]
Un ouvrier sur le site d'une mine de terres rares dans la province de Jiangxi (octobre 2010). [Reuters - Stringer]

Pour Alexandre Kateb, économiste et directeur du cabinet français Compétence Finance, l'explication de ce quasi-monopole est à trouver notamment du côté de la facilité d'extraction – et à bas coûts – de ces éléments: "En Chine, il y a des gisements qui sont plus faciles à extraire et à transformer que dans d'autres régions du monde, notamment dans des sables argileux, au sud du pays".

Une des autres raisons, ce sont les règles environnementales: "En Chine, elles sont beaucoup plus laxistes que dans d'autres pays, comme les Etats-Unis par exemple: ces derniers dominaient le marché il y a vingt ans et ils ont arrêté l'exploitation des terres rares parce que c'était trop toxique", remarque ce spécialiste au micro de Forum sur la RTS . "Tout le monde avait intérêt que la Chine produise ces éléments parce que cela permettait d'évacuer ces activités polluantes des autres pays", ajoute-t-il.

Quid de la menace?

Si la Chine mettait sa menace à exécution, l'industrie technologique – américaine notamment – ne se retrouverait pas forcément dans une situation difficile: "Ces éléments appelés 'terres rares' ne sont pas si rares que cela: on les retrouve partout sur la Terre et ils ne sont pas plus rares que des métaux comme le cuivre, le zinc ou le fer, par exemple. Mais ce qui est difficile, c'est leur extraction", explique l'auteur de l'ouvrage "Les nouvelles puissances mondiales – Pourquoi les BRIC* changent le monde" (Ellipses, 2011).

>> Lire : L'exploitation des terres rares, industrie polluante au service de l'économie verte

Alexandre Kateb rappelle qu'il y a eu une situation de crise en 2010, lorsque la Chine avait interdit l'exportation de ces métaux: "Cela s'est traduit par des hausses de 5 à 10 fois du prix de certains de ces éléments. Notamment les plus rares et les plus nécessaires".

Et l'économiste de rappeler que les industriels avaient alors défini des stratégies de compensation: "Cela va des mines qui ont été ouvertes dans de nombreux pays – pour éviter la reproduction d'une telle crise – aux pratiques alternatives qui se sont mises en place – notamment l'extraction à partir des déchets de ces éléments et le recyclage des produits qui les contiennent. Grâce à ces stratégies, les menaces chinoises sont beaucoup moins effectives et crédibles qu'elles ne l'étaient il y a une dizaine d'années lors cette crise".

* BRIC: un acronyme en anglais pour désigner le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.

Interview radio: Romain Bardet

Adaptation web: Stéphanie Jaquet et l'ats

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La liste noire de Pékin

Pékin a sorti vendredi une nouvelle arme dans la guerre commerciale contre Washington, annonçant la création de sa propre liste noire d'entreprises étrangères "non fiables", en réponse à l'offensive américaine contre Huawei.

Samedi, 5410 produits américains seront taxés à hauteur de 10%, 20%, voire 25% sur un ensemble de marchandises américaines déjà pénalisées à leur entrée en Chine.

Cette mesure, qui vise 60 milliards de dollars d'importations annuelles – quasiment autant en francs – est une réponse aux droits de douane supplémentaires sur les produits chinois annoncés début mai par le président américain.

Cette nouvelle salve de Pékin cible notamment les produits cosmétiques, les articles de cuisine ou de sport, mais aussi les pianos, les préservatifs ou encore les jouets, qui seront taxés à hauteur de 25%.

Jusqu'où ira la surenchère? Un ancien vice-ministre du Commerce a mis en garde contre une guerre commerciale qui pourrait durer, selon lui, "plus de 30 ans, voire 50 ans".