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"Sans la loi sur l'électricité, la Suisse sera handicapée sur son chemin vers la transition énergétique"

L'invité de La Matinale - Christian Petit, directeur général de Romande Energie
L'invité de La Matinale - Christian Petit, directeur général de Romande Energie / La Matinale / 14 min. / le 23 mai 2024
Le peuple suisse est appelé le 9 juin à se prononcer sur la loi sur l'électricité, qui vise à renforcer la sécurité d'approvisionnement du pays. Pour le directeur de Romande Energie, Christian Petit, cette loi est essentielle à la transition énergétique.

Invité dans La Matinale de jeudi, Christian Petit est catégorique: la Suisse doit augmenter sa production d'électricité si elle veut sortir des énergies fossiles. "Aujourd'hui, nous consommons à peu près 60 terawatt-heure (TWh) chaque année", indique-t-il.

Or, la société s'électrifie, avec une multiplication des voitures électriques ou encore des pompes à chaleur. De plus, la Suisse se dirige vers une sortie du nucléaire. Elle aura donc besoin de 50 TWh supplémentaires, estime le directeur de Romande Energie.

"C'est ça l'enjeu de la loi: trouver 50 TWh d'électricité pour que notre société fonctionne sans énergie fossile en 2050", dit-il. "Sans cette loi, la Suisse sera handicapée sur son chemin vers la transition énergétique".

Risque de pénurie

Christian Petit craint surtout un manque de ressources en hiver et souligne que la Suisse dépend aujourd'hui des importations à cette période. Celles-ci ne sont toutefois pas garanties, car les pays de l'Union européenne font également leur transition énergétique et risquent de privilégier les échanges avec les autres Etats européens, estime le directeur de Romande Energie.

"Pour l'instant, la profession n'est pas rassurée", déclare-t-il. "La Suisse risque une pénurie d'électricité dans les 15 à 20 hivers à venir, puisque nous n'avons pas structurellement aujourd'hui les capacités de production nécessaires dans notre pays pour produire de l'électricité en hiver".

La Suisse risque une pénurie d'électricité dans les 15 à 20 hivers à venir

Christian Petit, directeur de Romande Energie

Pour faire face aux pénuries, la loi sur l'électricité prévoit notamment de développer de grands parcs solaires et éoliens, qui présentent de nombreux bénéfices, selon Christian Petit. "Le parc solaire en altitude a cet avantage d'être au-dessus du stratus. Donc, en hiver, il est très souvent ensoleillé", explique-t-il. "Et l'éolien, par nature, produit plus de 60% de son productible électrique également en hiver".

"Foisonnement des énergies"

Si ces grands parcs solaires et éoliens permettent de garantir une production d'électricité hivernale, "il ne s'agit pas d'en faire le cheval de bataille de cette votation".

Alors qu'une étude de la Confédération montre que le développement de l'énergie solaire sur les toits, façades et infrastructures existants peut couvrir 110% des besoins annuels en électricité en Suisse, Romande Energie met aujourd'hui la priorité sur ce type d'installation, en déployant "100'000 m2 de panneaux solaires sur des toitures commerciales chaque année".

La grande force de la Suisse, c'est son potentiel hydroélectrique. Si nous avons aussi un peu d'éolien et du solaire, nous aurons tous les jours de l'électricité

Christian Petit, directeur de Romande Energie

Mais pour Christian Petit, la véritable clé d'une transition énergétique réussie est "le foisonnement des énergies". "Dans notre pays, il ne fait pas beau tous les jours, nous n'avons pas du vent tous les jours, nous n'avons pas de la pluie tous les jours, mais nous avons tous les jours un peu de ces trois éléments", fait-il valoir.

"La grande force de la Suisse, c'est son potentiel hydroélectrique. Si nous avons aussi un peu d'éolien et du solaire, nous aurons tous les jours de l'électricité. Et avec un peu de stockage, cette transition énergétique est tout à fait atteignable", indique-t-il.

Préserver la nature

Pour les opposants, la loi sur l'électricité veut sacrifier la nature sur l'autel de la production d'énergie en permettant, notamment, l'installation de parcs solaires à peu près partout. Si Christian Petit reconnaît que, "comme toutes les lois, elle n'est pas parfaite", il estime cependant qu'une pesée d'intérêts a été faite et que "les droits de la nature sont préservés".

Cette loi - et c'est sa beauté - est un bijou de compromis suisse

Christian Petit, directeur de Romande Energie

"Je crois que cette loi - et c'est sa beauté - est un bijou de compromis suisse", affirme-t-il. "Il est explicité dans la loi que, lors de la définition des zones destinées aux installations solaires et éoliennes, les cantons doivent tenir compte des intérêts de la protection du paysage et des biotopes, de la conservation des forêts, ainsi que des intérêts de l'agriculture", ajoute-t-il.

>> Lire aussi : Vera Weber: la loi sur l'électricité "va affaiblir la protection de la nature en Suisse"

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Emilie Délétroz

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