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Trois activistes pro-climat acquittés par le Tribunal pénal fédéral après un appel à boycotter l'armée

Le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. [Keystone/Ti-Press]
Les activistes qui avaient appelé à la grève militaire ont été acquittés par le Tribunal pénal fédéral / Forum / 2 min. / le 27 juillet 2023
Les militants climatiques qui avaient appelé au refus des obligations militaires sont acquittés. Le Tribunal pénal fédéral n'a pas suivi les réquisitions du Ministère public de la Confédération qui les avaient condamnés à des jours-amende.

La Cour des affaires pénales a acquitté jeudi les trois Vaudois, âgés aujourd'hui de 21, 23 et 32 ans, de l'accusation de provocation et incitation à la violation des devoirs militaires. Les frais de la cause sont mis à la charge de la Confédération et les trois militants sont indemnisés pour leur défense.

Les accusés avaient été condamnés pour avoir publié, en mai 2020 sur le site de la Grève du climat, un article intitulé "L'Armée, je boycotte". Ils y appelaient à ne pas aller au service militaire ou à ne pas payer la taxe, par "éthique, morale, responsabilité écologique et sociale".

"Porter atteinte à la protection de la population"

Le conseiller national UDC Jean-Luc Addor avait interpellé le Conseil fédéral à ce sujet, qui avait rétorqué qu'il n'avait pas l'intention d'intervenir face à une tribune relevant de la liberté d'expression. L'élu UDC avait alors dénoncé les militants au MPC, suite à quoi le Département de justice et police avait autorisé l'ouverture d'une procédure pénale en février 2021.

>> Lire : Perquisitions à la Grève du climat Vaud après un appel à la grève militaire

Grève du climat Vaud avait vivement dénoncé une violation grave de la liberté d'expression, mais les trois hommes avaient été condamnés en décembre 2022, par une ordonnance pénale du procureur fédéral Marco Renna, à des peines pécuniaires avec sursis allant de 50 à 60 francs par jour. En outre, le plus jeune des activistes - déjà condamné par la justice vaudoise pour des actions militantes - avait écopé d'une amende de 300 francs pour avoir publié le texte et l'avoir envoyé directement à plus de 200 personnes, en majorité des journalistes.

"En incitant au refus de servir, de surcroît en pleine crise Covid où les militaires ont joué un rôle essentiel, les prévenus ont porté atteinte au système mis en place pour protéger la population", avait argué Marco Renna, se défendant par ailleurs de toute dimension "politique" dans ce verdict.

Sanction "pas pertinente"

C'est contre cette décision que les activistes ont fait recours auprès du Tribunal pénal fédéral de Bellinzone. L'audience publique s'est déroulée début mai.

La défense a souligné le caractère disproportionné de l'instruction et des perquisitions menées. Un appel à se questionner sur la pertinence de l'armée doit pouvoir se faire sans crainte de rétorsion, a-t-elle plaidé, ajoutant que sanctionner des individus opposés à l'armée n'est pas pertinent du point de vue pénal.

"Une compétence réservée au Parlement"

"On doit faire une pesée d'intérêts entre la liberté d'expression et la sécurité du pays", a réagi Jean-Luc Addor dans l'émission Forum de la RTS. "Plus concrètement, il s'agit de garantir la capacité opérationnelle de l'armée. On était en pleine opération contre le coronavirus, où le pays a appelé l'armée à la rescousse parce que les hôpitaux étaient complètement submergés", rappelle-t-il aussi.

Jean-Luc Addor poursuit: "Cette pesée d'intérêts que ce juge unique a cru pouvoir faire aujourd'hui, c'est en fait le législateur qui l'a faite en édictant une disposition légale de droit commun qui punit des appels abstraits à refuser de donner suite à des ordres de marche. Je me demande si ce juge unique ne s'est pas arrogé une compétence qui est réservée au Parlement, celle d'abroger une loi ou d'en faire lettre morte".

"La loi doit être constitutionnelle"

L'avocat et élu Vert au Grand Conseil vaudois David Raedler, qui a défendu l'un des trois activistes du climat devant le tribunal de Bellinzone, ne partage pas le même point de vue.

"La loi existe, mais la loi doit être constitutionnelle. Elle doit respecter notre Constitution et notamment la liberté d'expression. A ce titre-là, être dans une situation où on fait valoir publiquement une opinion - qui peut certes déranger - est quelque chose qui est naturellement protégé et qui doit être protégé dans une société démocratique."

>> Les interviews de Jean-Luc Addor et David Raedler dans Forum jeudi soir :

Le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS). [Keystone]Keystone
Acquittement des activistes du climat: interview de Jean-Luc Addor et David Raedler / Forum / 8 min. / le 27 juillet 2023

>> L'interview dans La Matinale de l'un des trois jeunes Vaudois acquittés :

Le bâtiment du Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. [Keystone - Pablo Gianinazzi]Keystone - Pablo Gianinazzi
Acquittement des militants climatiques qui ont refusé le devoir militaire, réactions d’un des acquittés / La Matinale / 49 sec. / le 28 juillet 2023

ats/jop/asch

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