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Du cacao illégal dans le chocolat suisse

Le cacao illégal de Nestlé
Le cacao illégal de Nestlé / Mise au point / 17 min. / le 20 janvier 2019
Le cacao de Côte d’Ivoire est au cœur de la recette des branches Cailler et des autres produits Nestlé. La multinationale promet du chocolat suisse 100% commerce équitable, ainsi que du chocolat respectueux de la nature. Pourtant, une enquête de la RTS révèle comment du cacao illégal issu de forêts protégées serait utilisé par Nestlé.

Le parc de Maraouhé, en Côte d’Ivoire, est une des dernières forêts sauvages du pays. C’est l’un des refuges des derniers éléphants ivoriens, qui ne seraient plus qu'au nombre de 200 à 400.

Cette forêt est pourtant menacée par le cacao. Avec un sol fertile, elle est remplacée par des plantations illégales.

Seuls 3,3% du prix du chocolat revient au cultivateur

A l’intérieur du parc, David (nom connu de la rédaction), un très jeune agriculteur, exploite une plantation de cacao. Une production illégale, mais vitale pour lui: "Je vends mes fèves de cacao pour faire vivre ma famille. Je vends à différents intermédiaires. A la belle époque, je vendais à la coopérative Kavokiva (Cette coopérative est présentée sur le site web de Nestlé comme un partenaire local de la multinationale, NDLR)", explique-t-il dimanche dans Mise au Point.

David gagne un peu plus d’un franc suisse par kilo. Il a vendu 300 kilos en 2018. Il fait partie de ces milliers de petits cultivateurs de cacao qui vivent dans la plus grande pauvreté. Seuls 3,3% du prix du chocolat final revient aux paysans, selon International Cocao Organization (ICCO).

Fausse coopérative et label non respecté

Le cacao de David passe par des coopératives des villes limitrophes du parc Maraouhé. Ces coopératives n’ont souvent rien d’un regroupement d’agriculteurs, travaillant ensemble pour améliorer leur vie. Il y a un patron et il achète à des dizaines de pisteurs des fèves à la provenance douteuse.

Une fois dans les entrepôts, les fèves sont mélangées avec du cacao d’autres plantations. La traçabilité du cacao est ainsi perdue. Ces sacs avec du cacao mélangé sont revendus comme cacao UTZ, lettres qui désignent un label de commerce équitable. Un label UTZ qui se retrouve sur les emballages de nombreux chocolatiers, notamment Cailler (Nestlé). Cette certification se veut pourtant une preuve du respect de la protection de la nature.

80% de la forêt de Côte d’Ivoire a disparu

La RTS a pu remonter la filière. Les sacs avec du cacao illégal terminent dans une centrale régionale de Cargill, un géant des matières premières qui a son siège à Genève. Nous avons confronté Cargill à nos découvertes: du cacao certifié, acheté et vendu par Cargill, provient du parc protégé du Marahoué. Par écrit, le représentant de Cargill conteste: "Cargill n’achète pas de cacao dans des parc nationaux ou des réserves conformément à nos engagements. Nous travaillons sur une traçabilité de 100% de notre chaîne d’approvisionnement. Nous faisons de bon progrès."

Sur place, des employés de Cargill expliquent revendre le cacao à Nestlé et l’exporter vers l’Europe. Le groupe Nestlé se défend de favoriser la déforestation.

Comme son fournisseur Cargill, la multinationale de Vevey répond qu’elle contrôle scrupuleusement ses filières d’approvisionnement. Elle indique avoir injecté des dizaines de millions pour améliorer la protection de la nature et le niveau de vie des planteurs.

Et Nestlé de préciser: "Le cacao produit de manière illégale n’a aucune place dans notre chaîne d’approvisionnement. Le cacao que nous utilisons dans le cadre du plan cacao de Nestlé est produit de manière responsable, et ne provient pas de forêts classées. Nous enquêterons immédiatement sur toutes les allégations faites dans l’émission et nous prendrons les mesures qui s’imposent si elles sont fondées."

Malgré l’engagement des différents acteurs de la chaîne du cacao, le constat reste amer. Près de 80% de la forêt sauvage de Cote d’Ivoire a disparu ces 20 dernières années. Ceci en grande partie à cause des plantations de cacao. Les moyens ne manqueraient pourtant pas, le marché du chocolat pesant près de 100 milliards.

François Ruchti/boi

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