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30 km/h la nuit à Lausanne: stress pour les conducteurs, paix pour les riverains

Depuis la mi-septembre, 60 kilomètres de routes lausannoises sont passées au 30 km-h la nuit de 22h00 à 6h00 [PW]
30km/h nocturne: le blues du taxi / L'actu en vidéo / 2 min. / le 11 février 2022
En limitant la vitesse à 30 km/h la nuit, la capitale vaudoise donne des idées aux grandes villes suisses. Mais l'introduction de la mesure ne se fait pas sans tensions. L'émission "15 Minutes" est partie en reportage dans les nuits lausannoises.

Il est tard. La nuit est déjà bien entamée. Et vous roulez en pleine ville de Lausanne. La route est dégagée, personne à l'horizon. De quoi donner envie de presser sur l'accélérateur ou, en tout cas, de moins regarder le compteur.

Mais depuis la mi-septembre 2021, sur plusieurs axes de la ville, vous ne pouvez pas dépasser les 30 kilomètres heures entre 22 heures et 6 heures du matin. C'est la loi

Une mesure qui divise. Il y a celles et ceux qui travaillent la nuit et pour qui ces limitations sont parfois une entrave. Et puis il y a les riverains, dont la baisse des décibels est une aubaine après des années de "boules quies".

Retour au calme

Pendant 10 ans, Fanny Ollivier a vécu au bord d'une des artères les plus bruyantes de Lausanne. Toutes les nuits, elle entendait les automobilistes mettre les gaz pour monter l'avenue de Beaulieu. Il y a deux semaines, elle a déménagé pour un quartier plus tranquille.

"Le bruit a été un facteur déterminant. Aujourd'hui, mon mari ne fait plus d'insomnies et j'ai de la peine à me réveiller le matin. C'est une paix incroyable". Pourtant, avec le temps, elle s'était habituée au bruit de la route. Mais avec l'arrivée du 30 km/h la nuit, elle avait senti une vraie différence.

La Lausannoise Fanny Ollivier dort mieux depuis l'introduction du 30km-h la nuit [PW]
La Lausannoise Fanny Ollivier dort mieux depuis l'introduction du 30km-h la nuit. [PW]

Elle se couchait au calme, après 22 heures. Le réveil était, lui, plus difficile. "Je ne comprenais pas pourquoi je me réveillais tous les matins à 6 heures, sans mes heures de sommeil. J'ai réalisé après quelques semaines que le trafic reprenait à 50 km/h".

Pour la santé des riverains

Améliorer la qualité de vie et la santé des citadins, c'est ce qui a poussé la municipale lausannoise Florence Germond à introduire cette limitation de la vitesse. Le bruit est une source de stress, de fatigue et donc de maladie, peut-on lire sur le site dédié à cette mesure.

"Nous avons basé notre argumentaire politique sur les questions de santé publique, car les autorités ont une obligation légale d'assainir les tronçons routiers bruyants", explique la municipale socialiste. "C'est l'ordonnance pour la protection contre le bruit qui le dit. Elle n'est pas respectée dans beaucoup d'endroits en Suisse. Aujourd'hui, on se doit de le faire. La sécurité routière est également un argument, même s'il est moins mis en avant."

Aussi la journée?

Dans son bureau trône un panneau de limitation de vitesse à 30 avec en dessous un horaire de 22h00 à 22h00. "C'est un cadeau de mon équipe pour rigoler et dire qu'après on pourra faire des panneaux valables toute la journée."

Car, aujourd'hui, l'intention de la Municipalité de Lausanne est d'avoir une ville qui roule à 30 km/h, de jour comme de nuit, "mais en avançant pas à pas, avec la population", précise la municipale. Genève, Fribourg ou Zurich ont pris des contacts avec la capitale vaudoise qui fait office de pionnière.

Manque à gagner pour les taxis

Toutes les nuits, Philippe Bocion est dans sa voiture. Il peut faire plus de 100 km dans les rues lausannoises. Indépendant, il travaille comme VTC (Véhicule de Tourisme avec Chauffeur) avec l'application Uber. "En 5 ans, j'ai 14'285 courses au compteur". Depuis l'arrivée du 30km/h, il prie pour que les clients lui demandent de sortir de Lausanne.

"On est évidemment plus lent. Les clients attendent plus longtemps. Ils baillent dans la voiture et se disent que je pourrais mettre les gaz pour avancer. Je trouve que c'est beaucoup plus fatiguant et stressant que de tenir un 50 km/h".

Installation d'un panneau interdisant de rouler à plus de 30km/h, en septembre 2021, à Lausanne. [Keystone - Laurent Gillieron]Keystone - Laurent Gillieron
15 Minutes - Rouler à 30km/h entre 22h et 6h en ville de Lausanne / 15 minutes / 14 min. / le 12 février 2022

Le chauffeur aurait préféré qu'on finance des fenêtres triples vitrages ou qu'on refasse la route "comme une moquette". Sa crainte, désormais, est de voir les policiers faire des contrôles et amender. Jusqu'à présent, la tolérance est de mise. Des radars indicatifs attirent l'attention des automobilistes.

Des urgences moins rapides

Le problème est encore plus aigu pour les services d'urgence. Avec les feux bleus et sirène allumées, les ambulanciers peuvent aller plus vite que les 30 km/h imposés. Jusqu'à 70 km/h. Mais au-delà, ils s'exposent à une dénonciation pour délit de chauffard. C'est la loi sur la circulation routière, via sicura, qui fait foi.

"Lors d'un long trajet à travers la ville de Lausanne, la limitation à 30 km/h rallonge le temps d'arrivée de l'ambulance et peut avoir des conséquences graves pour les patients, principalement lors d'arrêts cardio-respiratoires", explique Charlotte Dématraz, vice-présidente de l'Association Cantonale Vaudoise des Ambulanciers (ACVA). "Chaque minute sans manœuvres de réanimation diminue les chances de survie de 10%, il est donc essentiel de ne pas perdre de temps lors de ce type d'intervention."

Selon les chiffres de la municipalité, les automobilistes roulent en moyenne entre 35 et 36 km-h la nuit dans les rues lausannoises. [PW]
Selon les chiffres de la municipalité, les automobilistes roulent en moyenne entre 35 et 36 km-h la nuit dans les rues lausannoises. [PW]

Autre souci. Pour être officiellement en urgence et rouler jusqu'à 70 km/h, l'ambulance doit allumer ses feux bleus et enclencher la sirène. Avant, sur certaines interventions, elle pouvait utiliser uniquement le gyrophare. "Cela engendre bien évidemment beaucoup de nuisances et nous rend, finalement, beaucoup plus bruyants qu'avant", estime l'ambulancière.

Un début de solution

Sur le terrain, c'est le sentiment d'oubli qui prédomine. "Nous n'avons pas de réponse claire", selon Laetitia Versel, ambulancière pour l'entreprise Star. "Je peux perdre mon permis, alors que si on prend la situation dans son ensemble, je pouvais rouler plus vite. Si je ne suis pas en urgence, rien ne me protège. Finalement, je perds du temps sur la douleur d'un patient qui augmente".

La municipale Florence Germond tempère. "Aujourd'hui, on a un procureur du Ministère public dans le canton de Vaud qui a annoncé dans les médias qu'il prendrait le 50 km/h comme référence. Le Conseil fédéral a, lui, envoyé aux Chambres une modification de la base légale pour faire en sorte que les feux bleus soient traités différemment des automobilistes". Mais tout prend du temps.

Charlotte Dématraz attend, elle, du concret. "Nous sommes toujours en attente d'un document officiel attestant la levée des restrictions 30 km/h lors des courses urgentes pour les ambulances de la part du Procureur général".

Coraline Pauchard, Pascal Wassmer

>> Écouter aussi le débat samedi dans Forum entre Xavier de Haller, vice-président du PLR lausannois, et Anne-Françoise Decollogny, ancienne élue PS lausannoise :

30 km/h la nuit à Lausanne. [Keystone - Jean-Christophe Bott]Keystone - Jean-Christophe Bott
Faut-il généraliser le 30km/h en ville? Débat entre Xavier de Haller et Anne-Françoise Decollogny / Forum / 9 min. / le 12 février 2022
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