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La moitié des pays de l'UE demandent de "nouvelles solutions" pour les migrants

Un migrant africain tenant un drapeau de l'Union européenne à bord d'un ferry à destination d'Algésiras (en Espagne). [Reuters - Juan Medina]
Quinze Etats de l'UE veulent de "nouvelles solutions" pour les migrants / Le Journal horaire / 27 sec. / le 16 mai 2024
Alors que la grande réforme de la politique migratoire européenne vient à peine d'être adoptée, plus de la moitié des Etats membres de l'UE plaident pour de "nouvelles solutions" visant à transférer des migrants vers des pays tiers. Ce procédé soulève de nombreuses questions.

Ces propositions interviennent à trois semaines des élections européennes pour lesquelles les sondages prédisent une poussée des partis d'extrême droite.

Quinze pays (la Bulgarie, la République Tchèque, le Danemark, la Finlande, l'Estonie, la Grèce, l'Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, Malte, les Pays-Bas, l'Autriche, la Pologne et la Roumanie) ont adressé une lettre à la Commission européenne, estimant que des "efforts complémentaires" au Pacte européen sur la migration et l'asile étaient nécessaires.

Cette réforme, qui a obtenu mardi le feu vert final des pays de l'UE après des années d'âpres négociations, renforce le contrôle des arrivées dans le bloc et établit un système de solidarité entre les Etats membres dans la prise en charge des demandeurs d'asile. Elle s'appliquera courant 2026.

>> Pour en savoir plus, lire : L'UE adopte définitivement un pacte migratoire, avec des conséquences pour la Suisse

"Solutions pour prévenir l'immigration irrégulière"

La Commission a indiqué qu'elle allait examiner la lettre. "Actuellement tout notre travail et notre attention sont concentrés sur la mise en oeuvre" du pacte, a toutefois souligné une porte-parole, Anitta Hipper, interrogée lors du point de presse quotidien de la Commission européenne.

Les quinze pays demandent à Bruxelles "d'identifier, d'élaborer et de proposer de nouveaux moyens et de nouvelles solutions pour prévenir l'immigration irrégulière vers l'Europe". Ils plaident ainsi pour des mécanismes permettant "de détecter, d'intercepter et, en cas de détresse, de secourir des migrants en haute mer et de les emmener dans un lieu sûr d'un pays partenaire hors de l'UE, où des solutions durables pourraient être trouvées pour ces migrants".

Ils suggèrent aussi de suivre l'exemple de l'accord conclu par l'Italie avec l'Albanie, destiné à envoyer dans ce pays candidat à l'UE des migrants secourus dans les eaux italiennes afin que leurs demandes d'asile y soient traitées.

Afin d'éviter que les migrants dont la demande d'asile a été rejetée ne restent dans l'UE, ils proposent par ailleurs de coopérer avec des pays tiers afin d'y transférer ces personnes, en attendant qu'elles soient renvoyées dans leur pays d'origine.

Multiplier les accords avec les pays tiers

La loi européenne prévoit qu'un immigrant arrivant dans l'UE puisse être envoyé dans un pays extérieur au bloc où il aurait pu demander l'asile, à condition qu'il ait un "lien" suffisant avec ce pays tiers. Ce qui exclut à ce stade un modèle de type Royaume-Uni/Rwanda.

Mais les signataires de la lettre estiment que "l'application du concept de 'pays tiers sûr' dans la loi européenne sur l'asile doit être réévaluée", ainsi que ce critère du "lien" avec ce pays tiers.

Plus généralement, ils veulent multiplier les accords avec les pays tiers situés le long des routes migratoires, citant en exemple des partenariats déjà conclus, comme celui avec la Turquie pour retenir les réfugiés syriens en 2016, ou avec la Tunisie en 2023.

ats/juma

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Procédés controversés et "coûteux"

Camille Le Coz, directrice associée au centre de réflexion Migration Policy Institute Europe, note que "jusqu'à présent, aucun de ces modèles n'a réussi à être véritablement mis en oeuvre en Europe", y compris l'accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda.

"En termes légaux ces modèles posent de nombreuses questions et sont très coûteux en termes de mobilisation des ressources et au niveau opérationnel", explique-t-elle, soulignant que l'ouverture des centres d'accueil de migrants en Albanie prévus par l'accord avec Rome connaissait du retard.

Ces propositions seront "à l'agenda de la prochaine Commission, qui sera a priori assez à droite sur ces sujets", estime l'experte, qui note aussi que des pays comme la France, l'Allemagne ou l'Espagne n'avaient pas signé la lettre.