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La protestation enfle en Chine contre les confinements anti-Covid

La Chine est agitée par des manifestations spectaculaires visant la politique anti-covid du gouvernement de Pékin.
La Chine est agitée par des manifestations spectaculaires visant la politique anti-covid du gouvernement de Pékin. / 19h30 / 2 min. / le 27 novembre 2022
Des protestations contre les confinements à outrance ont éclaté dimanche dans les rues de Shanghai, Pékin et d'autres villes de Chine dont Wuhan. La colère monte contre la draconienne politique de "zéro Covid" menée par les autorités du pays depuis 2020.

Confinements inopinés, massifs et interminables à la découverte du moindre cas, mises en quarantaine systématiques des cas contacts dans des camps et tests PCR négatifs exigés presque quotidiennement pour avoir accès à l'espace public exaspèrent de plus en plus la population chinoise.

Un mécontentement attisé par plusieurs affaires très médiatisées dans lesquelles les services d'urgence auraient été ralentis dans leurs interventions par les restrictions sanitaires, avec des conséquences fatales.

>> Lire aussi : Le correspondant de la RTS en Chine Michael Peuker arrêté après un direct au 19h30

Un incendie qui fait dix morts jeudi à Urumqi, la capitale de la province du Xinjiang (nord-ouest), a exacerbé ces récriminations. Les auteurs de nombreux messages circulant sur les réseaux sociaux ont affirmé que les mesures prises contre le Covid avaient aggravé ce drame, des voitures garées depuis des semaines pour cause de confinement dans l'étroite ruelle menant à l'immeuble en flammes ayant entravé l'arrivée des secours.

>> Lire à ce sujet : Manifestations contre les mesures anti-COVID chinoises dans le Xinjiang

>> Ecouter aussi le résumé de la situation dans Forum :

La population chinoise ulcérée par la politique « zéro Covid »
La population chinoise ulcérée par la politique « zéro Covid » / Forum / 2 min. / le 27 novembre 2022

"Xi Jinping démissionne!"

Dimanche soir, des policiers qui tentaient d'éloigner les gens des lieux d'une précédente manifestation se sont heurtés à des groupes de contestataires dans le centre de Shanghai, une mégalopole dont les 25 millions d'habitants ont connu au début de l'année pendant deux mois un épuisant isolement, a constaté un journaliste de l'AFP.

Plus tôt dans la journée, une foule s'était rassemblée dans la rue du nom de la ville où a eu lieu l'incendie fatal. Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux et géolocalisée par l'AFP montrait des manifestants scandant "Xi Jinping, démissionne ! PCC (Parti communiste chinois, ndlr), retire-toi!".

La police avait dispersé les contestataires dans la matinée, mais, dans l'après-midi, des centaines de personnes s'étaient rassemblées dans la même zone, a raconté un témoin.

Des manifestants qui arboraient des morceaux de papier vierge symbolisant la censure et des fleurs blanches se tenaient en silence à plusieurs carrefours.

Dans la soirée, des dizaines de policiers en gilets jaunes formaient une épaisse rangée, bouclant les rues où les manifestations avaient eu lieu. L'AFP a assisté à l'arrestation de plusieurs personnes qui avaient refusé de se disperser.

Centaines de manifestants à Wuhan

Dimanche soir, au moins 400 personnes se sont rassemblées jusqu'au petit matin sur les berges d'une rivière de Pékin, certaines criant: "Nous sommes tous des gens du Xinjiang! Allez le peuple chinois!", ont rapporté des journalistes de l'AFP présents sur place.

Les contestataires ont chanté l'hymne national et écouté des discours, tandis que, de l'autre côté du cours d'eau, une file de voitures de police attendait.

Une centaine d'agents en civil et de policiers en uniforme sont arrivés sur les lieux. Vers deux heures lundi (18H00 GMT), ils ont été rejoints par des cars de la police paramilitaire.

Finalement, les manifestants ont accepté de partir après avoir fait promettre aux forces de l'ordre que leurs revendications avaient été entendues.

Des centaines de personnes ont par ailleurs défilé dans les rues de Wuhan, dans le centre de la Chine, contre les restrictions sanitaires, presque trois ans jour pour jour après la détection du premier cas mondial de Covid-19 dans cette ville, selon des vidéos diffusées en direct sur les réseaux sociaux et géolocalisées par l'AFP.

Agitation dans des universités

Les manifestations ont gagné certaines universités, à l'image des 200 à 300 étudiants de la prestigieuse Université Tsinghua de Pékin qui se sont rassemblés sur leur campus.

Dans une université voisine, 100 à 200 personnes ont participé à une veillée funèbre en mémoire des victimes de l'incendie.

Des vidéos sur les réseaux sociaux ont par ailleurs montré une importante veillée à l'Institut des communications de Nankin (est), ainsi que de petits rassemblements à Xian (centre) et Canton (sud), mais l'authenticité de ces images n'a pas pu être vérifiée par l'AFP.

Les hashtags relatifs à ces événements étaient censurés sur la plateforme Weibo, et les vidéos sensibles étaient effacées des sites internet de partage Duoyin et Kuaishou.

La Chine a recensé dimanche 39'506 cas de Covid, un record quotidien qui reste très faible par rapport aux chiffres enregistrés ailleurs dans le monde au plus fort de la pandémie.

>> Ecouter aussi l'intervention de François Godement dans Forum :

Les manifestations contre la politique « zéro Covid » se multiplient en Chine: interview de François Godement
Les manifestations contre la politique « zéro Covid » se multiplient en Chine: interview de François Godement / Forum / 6 min. / le 27 novembre 2022

afp/oang

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Les dirigeants chinois "se retrouvent coincés"

"Les confinements sont plus étendus qu'ils n'ont jamais été depuis le début de la crise en 2019 (...) et des poches de contestation et d'agacement éclosent un petit peu partout, mais elles sont très rapidement contrôlées", explique Michael Peuker, correspondant de la RTS en Chine.

"Les autorités veulent sortir du zéro Covid (...) et ne veulent pas garder cette situation qui les paralyse économiquement. Mais comment le faire sans ensuite déclencher une avalanche de morts?", s'interroge le journaliste. D'autant que le pouvoir base la légitimité de son action sur "le fait qu'il n'y aurait eu officiellement que 5200 morts environ du Covid en Chine".

Or, "à l'heure actuelle, il n'y a pas assez de vaccins, la population est mal vaccinée, surtout les plus âgés, et le système de santé reste complètement lacunaire", constate Michael Peuker.

Le gouvernement "va supporter le coût économique tant qu'il sera jugé moins important que le coût politique", car "le Parti communiste a fait de cette crise une démonstration au monde et à son peuple de sa capacité de gouvernance". Si les dirigeants ont réagi très vite dans un premier temps, ils n'ont pas réussi en 3 ans à préparer la réouverture et "se retrouvent coincés face à un variant Omicron qu'ils ne savent plus comment gérer, comment le garder en cage, et ça les stresse beaucoup", analyse le correspondant.

>> Ecouter aussi l'interview de Michael Peuker, correspondant pour la RTS, sur le mécontentement qui augmente en Chine :

Un nouveau record quotidien de cas Covid en Chine depuis six mois. [Keystone/AP Photo - Ng Han Guan]Keystone/AP Photo - Ng Han Guan
La colère monte en Chine contre les restrictions COVID / Tout un monde / 8 min. / le 25 novembre 2022

Effets négatifs sur la Bourse de Hong Kong

Les différents indices de la Bourse de Hong Kong ont plongé en moyenne de plus de 3% lundi à l'ouverture, conséquence directe des manifestations à travers la Chine continentale.

L'indice Hang Seng a plongé de 3,26% points à l'ouverture, tandis que l'indice composite de Shanghai, la plus vaste mégalopole chinoise où des heurts ont éclaté avec des groupes de contestataires, a perdu 1,5% point. L'indice de Shenzhen, deuxième ville de Chine, a perdu 1,54%.