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Des milliers de personnes ont manifesté pour un libre accès à l'avortement en Hongrie

"La décision la plus difficile qu'une femme doit prendre n'est pas la votre": une pancarte brandie lors d'une manifestation pro-avortement à Budapest. [AFP - Attila Kisbenedek]
En Hongrie, pressions sur le droit à l'avortement / Tout un monde / 5 min. / le 29 septembre 2022
Plus de 5000 personnes, dont majoritairement des femmes, ont manifesté mercredi à Budapest pour protester contre la modification de la loi sur l'avortement. Désormais, une femme qui désire interrompre sa grossesse devra suivre un examen médical protocolaire obligatoire.

Ce mercredi, la journée internationale du droit à l'avortement a concerné tout particulièrement les manifestantes hongroises, qui font face à un durcissement législatif. Dans ce pays, les personnes qui souhaitent réaliser un avortement devront passer une échographie afin d'être averties de la santé de l'embryon.

Dans le même ordre des nouvelles mesures natalistes imposées par le gouvernement de Viktor Orban, les femmes devront aussi écouter le rythme cardiaque foetal. L'obstétricien doit rendre "clairement identifiable" les fonctions vitales de l'embryon.

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Le droit à l'avortement existe depuis les années 50 en Hongrie, mais Viktor Orban le réduit progressivement à l'aide d'une politique ultra-conservatrice. Depuis l'entrée en vigueur début 2012 d'une nouvelle Constitution, la Hongrie défend "la vie du foetus dès sa conception".

L’objectif de ce décret est d’humilier les femmes, en leur imposant un stress supplémentaire.

Julia, militante féministe hongroise

L'échographie comme dissuasion

Plus de 5000 personnes ont manifesté mercredi soir dans la capitale hongroise. [AFP - Attila Kisbenedek]
Plus de 5000 personnes ont manifesté mercredi soir dans la capitale hongroise. [AFP - Attila Kisbenedek]

Dóra Dúró, députée et membre du parti d'extrême-droite hongrois Jobbik, se félicite que l'échographie soit rendue obligatoire. Selon elle, l'échographie pourrait dissuader les femmes d'avorter. "Il faut leur montrer qu’un foetus de 10 semaines est un être vivant, il suce son pouce et son coeur bat", a-t-elle déclaré à la télévision.

Plusieurs associations dénoncent en revanche le tournant réactionnaire du gouvernement. "Ces modifications de loi m'ont vraiment mise très en colère. Malheureusement, on s’y attendait un peu, parce que ça fait un moment que le gouvernement développe un discours ultra-conservateur", s'est exprimée Julia, militante féministe de 28 ans. "L’objectif de ce décret est d’humilier les femmes, en leur imposant un stress supplémentaire."

Avant, les femmes avaient la pilule du lendemain comme option. Aujourd’hui, ce médicament est illégal en Hongrie.

Julia Spronz, avocate spécialisée dans les droits des femmes

"La vie doit être protégée depuis la conception"

Le constat est partagé par Julia Spronz, avocate spécialisée dans les droits des femmes, qui n'est également pas surprise par ce changement législatif. "Ils ont rajouté cette phrase dans la Constitution: 'La vie doit être protégée depuis la conception'. Ensuite, des politiciens de la majorité gouvernementale ont commencé à exprimer des opinions très conservatrices sur la question", explique-t-elle.

Le gouvernement de Viktor Orban a progressivement rendu l'accès à l'avortement plus difficile, déclare l'avocate. "Avant, les femmes avaient aussi la pilule du lendemain comme option. Et aujourd’hui, ce médicament est illégal en Hongrie."

Pour faire une demande d'IVG, une femme doit rencontrer un conseiller familial, puis appeler un numéro accessible uniquement 30 minutes par jour, raconte Julia Spronz.

Contraire au code éthique, selon un médecin

La manifestation à Budapest a rassemblé majoritairement des femmes. [AFP - Attila Kisbenedek]
La manifestation à Budapest a rassemblé majoritairement des femmes. [AFP - Attila Kisbenedek]

L'examen médicale obligatoire imposée par ces nouvelles mesures peut avoir des conséquences négatives. "Le problème, c’est qu’on détecte la grossesse après la quatrième semaine. Mais on ne peut voir ou entendre l’activité de l’embryon qu’une semaine plus tard", explique le docteur Zsombor Kunetz, l’un des rares médecins qui parle à la presse.

Le docteur précise que ce délai est injuste car il entraîne un retard sur la décision de garder ou non l'enfant : "Notre code éthique dit que plus une IVG a lieu rapidement, moins il y a de risques de complication. C’est un fait établi."

‎Propos recueilli: Florence La Bruyère
Adaptation web: Raphaël Dubois avec ats

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