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"Où voulez-vous que j'aille?" Ces Ukrainiens qui restent malgré les bombes

A Kiev, les habitants tentent tant bien que mal de retrouver une vie normale. [AFP - Andrea Filigheddu]
La vie continue pour ceux qui sont restés à Kiev / Tout un monde / 7 min. / le 1 avril 2022
Malgré la guerre, de nombreux Ukrainiens ont fait le choix de rester dans leur pays, y compris dans les zones à risque. A Kiev, ces résistants s'accrochent à des petits gestes du quotidien pour tenir le coup.

Au total, plus de dix millions de personnes, soit plus d'un quart de la population, ont dû quitter leur foyer, soit en traversant la frontière pour se réfugier dans les pays limitrophes, soit en trouvant refuge ailleurs en Ukraine.

>> Le suivi en direct de la guerre en Ukraine : Le recentrage de l'effort de guerre russe dans l'est laisse présager un conflit "prolongé", selon le Pentagone

L'art dramatique reprend ses droits dans ce théâtre de Kiev qui sert également de refuge au voisinage. [RTS - Maurine Mercier]

Dans la capitale, Alex, 41 ans, a vu son petit théâtre de quartier se métamorphoser. Au centre de ce qui était une scène trônent désormais une table et des chaises. Alex et ses amis ont décidé de ne pas partir: ici, ils donnaient des cours de théâtre aux enfants.

"On ne peut plus le faire parce que la plupart des enfants ont fui la ville. On a dû à peu près tout arrêter. Mais il y a deux jours, on a donné un nouveau spectacle. Pouvoir continuer à faire du théâtre est très important pour moi. Ça signifie qu'on est toujours en vie", raconte cet Ukrainien dans l'émission Tout un monde de la RTS.

Aujourd'hui, le théâtre sert d'abri nocturne. Le lieu permet aussi aux habitants de se sentir unis. "On ne peut pas rester éternellement dans cet état de tension psychologique. Il faut essayer tant bien que mal de retrouver une sorte de vie normale."

"Se sentir en vie, c'est quelque chose!"

Tatiana enseigne dans ce théâtre de Kiev. La jeune femme y a fêté ses 31 ans. "Ils m'ont fait un gâteau. Je crois que ça a été l'un des plus beaux jours de ma vie. Quand il y a tellement de tristesse autour, se sentir en vie c'est quelque chose!", livre-t-elle.

Tatiana a essayé de partir, mais elle est revenue. Être hors de Kiev était trop pénible. "Le bruit des sirènes et des explosions, c'est notre réalité maintenant. Je n'essaie pas de le nier, mais c'est comme si on était entre deux réalités. D'un côté, je suis Tatiana, je dirige un théâtre et je veux mettre en scène une pièce. Et de l'autre je suis là, assise, à écouter ces sirènes. Oui, je pourrais partir à l’étranger. Mais jamais le pays n’a traversé de moment si compliqué. Je ne crois pas être capable de partir dans ce moment de crise."

Un quartier défiguré par les bombes

A quelques kilomètres plus à l’ouest de Kiev, un quartier résidentiel a été touché pour la première fois par les bombes russes. Sur la route qui y mène, les militaires sont tendus. Aux checkpoints, ils refusent de laisser les journalistes accéder aux lieux. Ils disent redouter des saboteurs russes, mais craignent aussi que certaines informations ne révèlent la vulnérabilité de ces quartiers que le système de défense anti-aérien ukrainien ne parvient pas à suffisamment protéger.

Deux policiers ont finalement accepté de laisser passer l'envoyée spéciale de la RTS, à condition de ne rien photographier et de ne pas donner le nom du quartier. Les autorités ukrainiennes ont évoqué un bâtiment endommagé. En réalité, dix bombes russes ont frappé simultanément les lieux.

Le coin supérieur d'un bâtiment de trois étages a été arraché. Une personne qui passait par là au pire des moments a été tuée. L'immeuble abritait aussi quelques bureaux. Un employé – encore choqué -  est venu récupérer des dossiers encore intacts. "On ne peut pas deviner où cela va tomber, c’est incompréhensible", lâche-t-il.

Rire pour tenir

Aux alentours, les maisons sont éventrées, les toits brisés et les vitres soufflées. "Un missile est tombé ici aussi. Un couple a été tué sur place", indique la police.

Un de nos voisins a été tué. Les vitres, on les remplacera. Mais lui, on ne pourra pas le ramener à la vie

Un habitant de Kiev

Quelques centaines de mètres plus loin, des grandes barres d’immeubles sont sérieusement endommagées. "Où voulez-vous que j'aille? Je ne quitterai pas ma terre. Je suis là depuis que cette maison a été construite. J'y suis avec mon chien et on ne partira pas. Un de nos voisins, dans l’immeuble, a été tué. Les vitres, on les remplacera. C’est rien. C’est matériel. Mais lui, on ne pourra pas le ramener à la vie", déplore un habitant.

Une femme arrive, un cadre serré contre elle. Elle aussi refuse de s'en aller. Elle a fait imprimer la photo du voisin décédé. Les policiers ont les traits tirés, mais eux aussi refusent de flancher. "Ces derniers jours, on nous a équipés. Mais ce n’est pas un casque ou un gilet qui nous sauvera d'un missile. Ce que je fais pour résister à tout ça? Sincèrement? Je parle beaucoup à ma famille. Et puis on essaie de rire de tout cela le plus possible. Pour tenir", souffle un policier.

>> Des habitants de Kiev se terrent toujours dans leurs abris. Ecouter le reportage de La Matinale :

Des Ukrainiens se terrent toujours dans leurs abris (ici à Kharkiv). [Keystone/AP - Efrem Lukatsky]Keystone/AP - Efrem Lukatsky
Des habitants de Kiev se terrent toujours dans leurs abris / La Matinale / 1 min. / le 30 mars 2022

Maurine Mercier/gma

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Le Royaume-Uni frileux face à l'accueil des réfugiés ukrainiens

Si une grande partie des pays européens ont réservé un bon accueil aux réfugiés ukrainiens, d'autres comme le Royaume-Uni sont plus frileux. Jusqu’à présent, il a autorisé environ 20’000 Ukrainiens à se rendre sur son territoire, un chiffre similaire à celui de la Suisse et nettement inférieur à l’Allemagne, qui a déjà accueilli environ 300’000 d'entre eux.

Cette situation est liée à la politique du Premier ministre britannique Boris Johnson, qui a fait du contrôle des flux migratoires un pilier de sa politique. Et la guerre en Ukraine n’y fait pas exception.

Un "cauchemar" pour réunir les familles

"Quand on est arrivés à la frontière anglaise, ils ont refusé ma mère. On nous a dit qu'elle était maintenant en sécurité en France et qu'elle n'avait pas besoin de venir au Royaume-Uni", a ainsi témoigné vendredi dans le 19h30 de la RTS une universitaire d'origine ukrainienne qui raconte le cauchemar qu'a constitué le fait de faire venir sa mère à Londres.

Mais cette position a heurté la plupart des Britanniques. Avec cette intransigeance, Boris Johnson prend le risque d'aller à l’encontre d'une opinion publique profondément touchée par la guerre. Pour calmer les esprits, le gouvernement a lancé un nouveau programme qui permet aux résidents de sponsoriser la venue de réfugiés ukrainiens.

>> Le reportage de Clément Bürge à Londres dans le 19h30 :

Royaume-Uni: la population britannique peut désormais sponsoriser la venue de réfugié·e·s ukrainien·ne·s
Royaume-Uni: la population britannique peut désormais sponsoriser la venue de réfugié·e·s ukrainien·ne·s / 19h30 / 2 min. / le 1 avril 2022