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Annoncer aux Suisses la fin du secret bancaire: "Une journée... difficile."

Hans Rudolf Merz, ancien conseiller fédéral PLR, à la tête du Département des finances (DFF), président de la Confédération en 2009, ici le 24 avril 2015. [Keystone - Gian Ehrenzeller]
Le secret bancaire suisse enterré il y a dix ans: interview de Hans-Rudolf Merz / Forum / 10 min. / le 7 mars 2019
Dix ans après la mort du secret bancaire en Suisse, l'ex-conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz se souvient de ce moment historique, qui a marqué la fin d'une tradition controversée mais solidement ancrée dans les moeurs helvétiques.

"Ce vendredi 13 mars 2009, la séance du Conseil fédéral a été normale", se souvient Hans-Rudolf Merz, président de la Confédération cette année-là. L'ex-ministre PLR a oeuvré au plus près de la décision historique d'abandonner le secret bancaire, lui qui a dirigé le département des Finances entre 2004 et 2010.

"Dans cet événement, il y a eu une phase préalable, qui avait déjà commencé en 2007", rappelle-t-il au micro de l'émission Forum jeudi. "Cette journée-là a été le développement d'une situation qui s'est présentée au Conseil fédéral six mois après la faillite de la banque Lehman Brothers aux Etats-Unis, événement qui a signifié le début d'une crise économique globale."

Pressions sur la Suisse

Six mois après cette banqueroute retentissante, le Conseil fédéral décidait en effet de reprendre les standards de l'OCDE relatifs à l'assistance administrative en matière fiscale. "La Suisse a ainsi choisi de faciliter à l'avenir l'assistance en cas de fraude fiscale et de soustraction d'impôts", explique l'ex-ministre.

C'est qu'à ce moment-là de la crise, la dette publique explose, également en Europe, et les Etats doivent faire face à des besoins énormes d'argent, quitte à exploiter toutes les ressources financières possibles. "Cela a finalement augmenté aussi la pression sur le fisc suisse, et plus particulièrement sur le secret bancaire", détaille Hans-Rudolf Merz.

Cette journée a été très difficile. Nos prédécesseurs au Conseil fédéral avaient toujours été en faveur du secret bancaire.

Hans-Rudolf Merz

Au moment d'annoncer cette décision à la presse, le collège des conseillers fédéraux n'en mène toutefois pas large. Le secret bancaire en Suisse date de la loi sur les banques de 1935 et assurait la protection de la sphère privée des clients, tout en ne protégeant pas des délits fiscaux.

"Ca a vraiment été une journée difficile", raconte Hans-Rudolf Merz, au moment de donner le premier coup de canif à cette tradition solidement ancrée dans la population. "On touchait à l'attachement des Suisses à la protection de la sphère privée. Nos prédécesseurs au Conseil fédéral, eux, avaient toujours défendu le secret bancaire. J'étais conscient que cela allait être une révolution aussi au niveau de la société."

Et de fait, les réactions politiques n'ont pas épargné le ministre et ses collègues. "La gauche m'a reproché d'avoir raté le développement international sur le plan fiscal: 'vous êtes trop hésitant'. La droite et les banques, elles, m'ont reproché d'avoir cédé à l'OCDE de manière prématurée, et d'avoir sacrifié le secret bancaire."

"Le bon moment pour agir"

La décision s'est toutefois imposée, sans issue. "Ma conclusion personnelle, aujourd'hui comme à l'époque, est que c'était le bon moment pour agir. Le Conseil fédéral n'avait pas le choix. Sans reprendre les standards de l'OCDE, nous aurions couru contre le mur", se souvient l'Appenzellois.

Premier affaiblissement du secret bancaire, l'adoption des standards de l'OCDE sur l'assistance administrative en 2009 constitue toutefois une version très atténuée de la fin du secret bancaire, en comparaison avec l'échange automatique d'informations aujourd'hui en cours. "A partir de là, le développement vers la situation actuelle a été inévitable et a commencé dès 2010", note l'ex-ministre.

"L'argent, c'est comme les eaux. Là où il y a une fissure, ça coule", illustre encore Hans-Rudolf Merz. "Même avec l'échange automatique d'informations, il y aura toujours des régions du monde où le secret bancaire ne pourra pas être retenu."

Propos recueillis par Pietro Bugnon et Elisabeth Logean

Adaptation web: Katharina Kubicek

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