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Mario Monti formera un nouveau gouvernement

La position de Mario Monti est critiquée: un accord fiscal avec la Suisse permettrait de ramener environ 15 milliards d'euros en Italie. [ALESSANDRO DI MEO]
Le poste de chef de gouvernement devrait échoir à Mario Monti. - [ALESSANDRO DI MEO]
L'ancien commissaire européen Mario Monti, convoqué au siège de la présidence de la République italienne en début de soirée, a été chargé de former un nouveau gouvernement par Giorgio Napolitano. Il en prend donc la tête. La page Berlusconi achève de se tourner.

La nomination de Mario Monti comme nouveau chef du gouvernement est intervenue à l'issue d'une intense journée de consultations politiques au palais présidentiel. Des consultations destinées à assurer un consensus et une majorité parlementaire à Mario Monti.

Selon la Constitution, sa nomination doit encore être approuvée dans les dix jours par les deux chambres du Parlement. Le successeur de Silvio Berlusconi à la tête du gouvernement italien prêtera ensuite serment devant le président de la République. Portrait d'un homme surnommé parfois le "cardinal".

Compétent et indépendant

Mario Monti, homme pondéré de 68 ans aux compétences économiques reconnues, se situe aux antipodes du bouillant "Cavaliere", accusé d'avoir miné la crédibilité du pays avec les scandales et procès qui ont émaillé son gouvernement.

Surnommé parfois "le cardinal", Mario Monti s'est taillé une réputation de compétence et d'indépendance comme commissaire européen pendant dix ans (1994-2004).

Amateur de vélo, Mario Monti reconnaît lui-même qu'il n'est "pas très sociable". "Même si je ne suis pas très bon pour me les rappeler et les raconter, j'aime beaucoup les blagues. Berlusconi a un vrai talent pour les raconter", expliquait-il en 2005 dans une de ses rares interviews.

Sénateur à vie

Nommé sénateur à vie mercredi par le président Giorgio Napolitano, il a déjà été quasiment adoubé par la directrice générale du FMI, Christine Lagarde: "C'est un homme de grande qualité avec lequel j'ai toujours eu un dialogue fructueux et extrêmement chaleureux", a-t-elle affirmé.

Très discret depuis que son nom occupe la une des journaux, le nouveau chef du gouvernement italien a au cours des derniers mois multiplié les interventions sur la crise. "Il faut réaliser des réformes impopulaires en unissant les franges plus plus sensées de chaque parti politique", avançait-il le 23 septembre. "Je crois qu'une certaine connaissance des problèmes ne nuit pas", a-t-il modestement glissé récemment. Certains commencent à pointer du doigt le fait qu'il soit depuis 2005 conseiller international de la banque Goldman Sachs, symbole des excès de Wall Street.

Doctorat en économie

Né le 19 mars 1943 à Varese (nord), Mario Monti fait ses armes à la prestigieuse université Bocconi de Milan, considérée comme la meilleure faculté d'économie d'Italie. Il poursuit ses études aux Etats-Unis à l'université de Yale, où il étudie auprès du prix Nobel James Tobin, père du projet de taxe sur les transactions financières qui porte son nom.

En 1970, il commence à enseigner à l'université de Turin, qu'il quitte en 1985 pour devenir professeur d'économie politique à la Bocconi, où il occupe successivement les postes de directeur de l'Institut d'économie politique, recteur, et enfin président en 1994, une fonction qu'il occupe encore.

Entrée en politique en 1994

En 1994, il est présenté par le premier gouvernement de Silvio Berlusconi pour un poste de commissaire européen au président de la Commission, Jacques Santer, qui lui confie le Marché intérieur. En 1999, le gouvernement de gauche de Massimo D'Alema le confirme à la Commission, où il reçoit du président, son compatriote Romano Prodi, le très convoité portefeuille de la Concurrence. Il conforte ainsi son image d'homme au-dessus des partis.

Sous son égide, la Commission a renforcé ses activités antitrust, infligeant une amende de près de 500 millions d'euros à Microsoft, et Mario Monti peaufiné son image de commissaire dur en affaires et "imperméable aux pressions". Quelle que soit la nature de son interlocuteur, Mario Monti "n'aime pas, quand il y a des règles, avoir l'impression qu'elles sont court-circuitées", assure-t-on dans son entourage. Le commissaire est "un cardinal", "quelqu'un de très difficile à pénétrer".

Courtoisie du père de famille

Très "courtois", cet homme marié depuis 40 ans (à la même femme) et père de deux enfants n'en reste pas moins ferme. "Avec des mots très polis, il vous envoie au bûcher de l'inquisition s'il estime que cela est juste et nécessaire", estime cette source, tout en saluant la compétence du docteur en économie.

Dans un article de février 2000 intitulé "Super Mario", The Economist le présente comme "l'un des plus puissants bureaucrates européens", avant de le décrire comme "un adepte de la persuasion plutôt que de la polémique". "Il a un tel air d'autorité que même la calvitie n'a pas osé le défier", ironise l'hebdomadaire britannique en allusion à son abondante chevelure poivre et sel.

A l'issue de son séjour à Bruxelles, Mario Monti revient à ses activités académiques et signe des éditoriaux dans le Corriere della Sera, quotidien de référence en Italie. Il appartient également au club très fermé du groupe Bilderberg, qui rassemble une centaine d'hommes politiques, financiers, et banquiers de toute la planète.

agences/olhor


MARIO MONTI: "L'ITALIE PEUT VAINCRE LA CRISE DE LA DETTE"

Mario Monti a affirmé dimanche soir que l'Italie "peut vaincre" la crise de la dette grâce à "un effort collectif". "Je travaillerai (...) pour sortir rapidement d'une situation qui présente des aspects d'urgence et que l'Italie peut vaincre grâce à un effort collectif", a-t-il affirmé lors d'une brève intervention devant la presse.

"L'Italie doit redevenir un élément de force, et non de faiblesse, dans une Union européenne dont nous avons été fondateurs et dont nous devons être protagonistes", a-t-il également souhaité.

"Les consultations que je mènerai seront conduites rapidement mais avec attention. Je retournerai voir le président de la République quand je serai en mesure d'ôter toute réserve", a-t-il affirmé, alors que le président de la République Giorgio Napolitano a dit espérer que le gouvernement serait formé d'ici la fin de la semaine.

Sur le plan économique, Mario Monti s'est fixé pour objectif d'"assainir la situation financière et de reprendre le chemin de la croissance tout en restant attentif à l'équité sociale". "Nous le devons à nos enfants. Nous devons leur donner un avenir concret fait de dignité et d'espérance", a-t-il conclu.

L'Union européenne a salué quant à elle dimanche la nomination de Mario Monti et a souligné qu'elle continuerait à surveiller le processus de réformes en Italie.

La désignation de Mario Monti par le président Giorgio Napolitano "envoie un nouveau message encourageant (qui montre) la détermination des autorités italiennes à surmonter la crise", ont déclaré dans un communiqué commun le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le président de l'UE Herman Van Rompuy.

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Berlusconi reste mobilisé

Le chef du gouvernement italien sortant Silvio Berlusconi s'est dit prêt dimanche soir à soutenir un gouvernement technique, tout en promettant de rester impliqué dans la vie politique italienne, notamment au Parlement. "Nous sommes prêts à favoriser les efforts du président de la République (Giorgio Napolitano) pour donner immédiatement au pays un gouvernement au profil technique", a déclaré Silvio Berlusconi dans un message télévisé quelques minutes seulement avant la nomination de l'ex-commissaire européen Mario Monti pour lui succéder.

"Nous ferons notre devoir. Nous ferons front commun pour sauver l'euro et l'Union européenne, mais l'Italie doit faire les réformes nécessaires", a-t-il ajouté. Dans cette intervention solennelle, enregistrée au Palais Chigi, siège du gouvernement, le "Cavaliere", 75 ans, a précisé qu'il n'était pas question pour lui de retraite politique.

"Je redoublerai mon engagement au Parlement et dans les institutions pour rénover l'Italie. Je ne me rendrai pas tant que je n'aurai pas rénové l'architecture de l'Etat", a-t-il dit, après dix ans au pouvoir en 17 ans de vie politique.

"J'ai remis ma démission par sens de la responsabilité et de l'Etat, pour éviter à l'Italie une nouvelle attaque de la spéculation financière", a-t-il dit, se déclarant "triste" que ce "geste responsable et généreux ait été accueilli par des sifflets et des insultes". Dans le même registre émotionnel, il a "remercié ceux qui nous ont donné affection et soutien jusqu'à maintenant". Reprenant les termes mêmes qu'il avait employés lors de son entrée en politique en 1993, il a répété, comme pour boucler une boucle, "l'Italie est le pays que j'aime".