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Les évacuations d'étrangers se poursuivent au Soudan, où aucune issue n'est en vue

La Suisse a fermé son ambassade à Khartoum. Les diplomates et leurs familles on été rapatriés avec l’aide des forces françaises.
La Suisse a fermé son ambassade à Khartoum. Les diplomates et leurs familles on été rapatriés avec l’aide des forces françaises. / 12h45 / 1 min. / le 24 avril 2023
Plusieurs pays mènent des opérations de rapatriement de leurs ressortissants du Soudan, où la guerre entre armée et paramilitaires fait rage depuis plus d'une semaine. Les violences, principalement à Khartoum et au Darfour, ont fait des centaines de morts, sans aucune issue en vue.

Explosions, raids aériens et tirs n'ont pas cessé de résonner dans la capitale soudanaise Khartoum et dans d'autres villes, mais les capitales étrangères sont parvenues à négocier des passages avec les deux belligérants: l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Il a fallu "profiter d'une petite fenêtre d'opportunité", a indiqué un porte-parole du gouvernement anglais, à Londres. Selon lui, "avec des combats intenses à Khartoum et la fermeture du principal aéroport", théâtre de combats dès le premier jour des hostilités, le 15 avril, "une évacuation temporaire plus large était impossible", a-t-il poursuivi.

Les violences, principalement à Khartoum et au Darfour, dans l'ouest du pays, ont fait selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) plus de 420 morts et 3700 blessés.

De nombreuses évacuations

Plus de 1000 ressortissants de l'Union européenne (UE) ont été évacués, a indiqué lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, évoquant une "opération complexe". En plus de l'UE, qui a une délégation à Khartoum, sept pays membres (France, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Grèce et République Tchèque) sont représentés dans la capitale. Quelque 1500 ressortissants européens vivaient dans le pays avant le début du conflit, selon un responsable européen.

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a annoncé l'évacuation du personnel diplomatique du Royaume-Uni et de leurs familles. La Norvège a également annoncé l'évacuation de ses diplomates. "Un premier groupe" de Chinois, plusieurs dizaines de Sud-Africains et des centaines de ressortissants de pays arabes sont aussi sortis, par la route, la mer ou les airs, alors que les Etats-Unis avaient déjà annoncé samedi soir que l'armée avait mené une opération pour évacuer un "peu moins d'une centaine" de personnes, dont plusieurs diplomates étrangers.

>> Lire aussi : Plusieurs pays évacuent leur personnel diplomatique et ressortissants du Soudan

De son côté, la Suisse a annoncé lundi avoir fermé son ambassade et rapatrié les sept membres de son personnel, ainsi que cinq accompagnants, en collaboration avec des pays tiers.

>> Lire en détail : La Suisse ferme son ambassade au Soudan et évacue son personnel

La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatique. D'autres pays se préparent à extraire leurs ressortissants du Soudan. De nombreuses personnes attendent toujours une place dans les longs convois de voitures blanches ou les bus qui partent en continu de Khartoum. A l'arrivée à Djibouti, où sont stationnées de nombreuses troupes étrangères, des familles hagardes débarquent au milieu de militaires qui organisent l'incessant ballet des évacuations.

probabilité, d'autres ressortissants ont quitté le pays, pas forcément par la voie aérienne.

>> Voir également le sujet du 19h30 sur les efforts diplomatiques que doit déployer la Suisse :

La Suisse doit multiplier ses efforts diplomatiques pour obtenir l’aide de ses partenaires étrangers
La Suisse doit multiplier ses efforts diplomatiques pour obtenir l’aide de ses partenaires étrangers / 19h30 / 1 min. / le 24 avril 2023

Un avenir incertain

Mais si de nombreux étrangers sont partis, qu'adviendra-t-il des Soudanais, se demandent experts et humanitaires. "J'ai peur pour leur avenir", admet sur Twitter l'ambassadeur norvégien Endre Stiansen. "Maintenant, les armes et les intérêts personnels pèsent plus que les valeurs et les mots: tous les scénarios sont mauvais", poursuit-il. Les cinq millions d'habitants de Khartoum, eux, n'ont qu'une idée en tête: quitter la ville en proie au chaos.

Les deux camps s'accusent d'avoir attaqué des prisons pour faire sortir des centaines de prisonniers et de piller maisons et usines. Des affrontements ont éclaté aux abords de plusieurs banques, aussitôt vidées.

Dans un pays où l'inflation est déjà à trois chiffres en temps normal, le kilo de riz ou le litre d'essence s'échangent désormais à prix d'or. Or, l'essence est la clé pour s'échapper: il en faut beaucoup pour rejoindre l'Egypte voisine, à 1000 kilomètres au nord, vers laquelle des milliers de Soudanais espèrent désormais se tourner. Ou pour rallier Port-Soudan, à 850 kilomètres à l'est, et espérer monter dans un bateau, comme l'ont fait les tout premiers évacués du pays, les Saoudiens.

>> Lire à ce sujet : La lutte pour l'or en toile de fond des violents combats au Soudan

"Alors que les étrangers qui le peuvent s'enfuient, l'impact des violences sur une situation humanitaire déjà critique au Soudan s'aggrave", prévient l'ONU. Prises sous les tirs croisés, ses agences et de très nombreuses organisations humanitaires ont suspendu leurs activités. Cinq humanitaires, dont quatre de l'ONU, ont été tués et, selon le syndicat des médecins, près des trois quarts des hôpitaux sont hors-service.

L'ONU a par ailleurs annoncé lundi que son émissaire au Soudan, Volker Perthes, restait dans le pays.

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Pillages et attaques au Darfour

Des Soudanais ont déjà fui en Egypte et au Soudan du Sud, qui compte 800'000 réfugiés au Soudan. Parmi eux, des femmes et des enfants retraversent désormais dans l'autre sens, selon l'ONU. Au moins 20'000 Soudanais se sont réfugiés au Tchad, frontalier du Darfour.

Cette région de l'ouest, la plus pauvre du pays, a été ravagée dans les années 2000 par une guerre ordonnée par le dictateur Omar el-Béchir, déchu en 2019, et menée notamment par les miliciens Janjawids, le gros des troupes du général Daglo. Aujourd'hui inaccessible, elle est de nouveau en proie aux pillages, attaques et exactions.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) rapporte que "10 véhicules et six camions de nourriture ont été volés", soit "4000 mètres cube d'aliments" qui n'iront pas aux 45 millions de Soudanais, dont plus d'un sur trois souffrait de la faim avant le confit.

Celui-ci a dégénéré en guerre samedi. Mais il couvait en réalité depuis des semaines entre les deux généraux. Alliés pour le putsch de 2021, ils ne sont pas parvenus à s'entendre sur l'intégration des FSR aux troupes régulières.

Avec les deux camps engagés dans une guerre de l'information, il est impossible de savoir qui contrôle les institutions du pays ou les aéroports et dans quel état se trouvent les infrastructures.

agences/iar

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