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Evasion de Gorgier: un rapport liste les défaillances

L'homme était incarcéré dans la prison de Bellevue, à Gorgier (NE).
Le fugitif, Jean-Louis B., qui était détenu dans la prison Bellevue à Gorgier, s'était rendu le 1er juillet aux Rasses (VD) après plusieurs jours de cavale.
Le rapport d'enquête sur la fuite en juin d'un dangereux détenu incarcéré à Gorgier (NE) révèle toute une série de défaillances: imprudence des autorités, mauvaise appréciation de la dangerosité du détenu et collaboration lacunaire entre Berne et Neuchâtel.

La fuite de ce détenu de 65 ans lors d'une sortie accompagnée à la frontière du canton de Vaud avait tenu en haleine toute la Suisse. Après une cavale de plusieurs jours, le fugitif condamné pour assassinat et viols s'était rendu à la police. Cet homme qui avait déjà purgé 43 ans de prison était détenu au pénitencier bernois de Thorberg.

Dans son volumineux rapport de 107 pages dévoilé vendredi, l'ancien président du Tribunal fédéral Claude Rouiller dresse une liste de manquements commis par la direction de la prison de Bellevue à Gorgier, le Service pénitentiaire neuchâtelois (SPNE) et les autorités bernoises. Le directeur de la prison et son adjoint ont déjà démissionné.

"Cette affaire dépasse la problématique de Bellevue pour s'étendre à tout le système concordataire en Suisse", a expliqué vendredi Claude Rouiller devant la presse. Il a souligné que la fuite du détenu n'était pas le fruit d'une défaillance sécuritaire de l'établissement mais de dysfonctionnements.

Lien ambigu entre les protagonistes

Mandaté par le conseiller d'Etat neuchâtelois Jean Studer, Claude Rouiller constate que la formation des agents de Gorgier n'était pas appropriée pour accueillir des détenus sans perspectives de libération. Bellevue et le Service pénitentiaire cantonal ne se sont pas non plus demandés s'ils pouvaient prendre en charge ce condamné venu de Bochuz (VD).

Grief plus grave, la direction a agi avec imprudence en désignant une femme en qualité de référence de ce pervers sexuel. Pour l'ancien juge, la direction n'a pas mesuré à quel point le détenu était un grand manipulateur malgré des mises en garde.

Mesures de sécurité trop légères

La direction a fait preuve de légèreté en organisant sans demander de protection policière la sortie du Jurassien. "Elle n'a pas adopté des mesures de sécurité proportionnées au risque, comme si la conduite d'un détenu dangereux pouvait se dérouler au petit bonheur la chance", écrit Claude Rouiller.

L'enquête relève que la collaboration entre l'autorité d'exécution bernoise et l'autorité de détention neuchâteloise a été lacunaire. Des problèmes linguistiques ont parfois débouché sur une mauvaise interprétation. Berne, qui a placé ce sexagénaire à Gorgier, n'a pas toujours fourni les informations nécessaires.

ats/pbug

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Quelles conclusions tirer?

Le Conseil d'Etat neuchâtelois va étudier les recommandations de ce rapport pour empêcher que les dysfonctionnements qui ont permis la fuite du détenu ne se reproduisent. Il veut améliorer la formation du personnel, la transmission des dossiers et la coordination entre les cantons.

Le conseiller d'Etat Jean Studer prône une harmonisation des trois concordats qui déterminent les modalités d'exécution en Suisse. Ce détenu dépendait du canton de Berne, qui fait partie du concordat de la Suisse du Nord-Ouest et Suisse centrale alors que celui de Neuchâtel appartient au concordat latin.

Chaque canton a un intérêt financier à accueillir des détenus d'un autre concordat car l'enveloppe est plus élevée. Un détenu bernois rapportera ainsi plus d'argent au canton de Neuchâtel qu'un détenu gevenois, a illustré Jean Studer.