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Armes: Géraldine Savary demande aux femmes de voter

Géraldine Savary espère que les femmes et les jeunes se mobiliseront pour faire accepter l'initiative. [Jean-Christophe Bott]
Géraldine Savary espère que les femmes et les jeunes se mobiliseront pour faire accepter l'initiative. - [Jean-Christophe Bott]
La conseillère aux Etats socialiste vaudoise Géraldine Savary est membre du comité à l'origine de l'initiative "Pour la protection face à la violence des armes", qui a abouti en 2009. Convaincue qu'il est aujourd'hui obsolète de garder son arme d'ordonnance à la maison et qu'un registre national remettra de l'ordre face à la gestion "laxiste" des armes par l'armée, elle explique pourquoi elle glissera un "oui" dans l'urne le 13 février.

Tsrinfo: L'initiative s'attaque à l'arme d'ordonnance, mais il y a beaucoup d'autres armes qui resteraient en circulation, même si le texte passait.

Géraldine Savary: Il y a 1,7 million d'armes militaires qui traînent dans le pays et ne servent pas à la sécurité intérieure. Ce sont des sources de danger potentiel. Et le texte introduirait aussi notamment un registre fédéral des armes (contre 26 cantonaux) et la clause de nécessité (devoir de prouver qu'on a besoin d'une arme).

Les collectionneurs, chasseurs et tireurs sportifs se sont élevés contre le texte. Que leur répondez-vous?

Qu'ils n'ont rien à craindre pour leur passion. Ils ne sont véritablement pas touchés par le texte, car l'article constitutionnel demande des exceptions pour eux. Pour les tireurs, s'ils sont inscrits dans une fédération, cela aura valeur de document pour acquérir une arme. Pareil pour les chasseurs, qui doivent déjà s'inscrire auprès des cantons et remplir des formulaires pour obtenir un permis de chasse. C'est donc une bureaucratie très légère. L'initiative est vraiment faite pour contrer les gens qui abusent des armes.

Dans cette campagne, on parle beaucoup du vote des femmes. Selon vous, quel rôle l'électorat féminin pourrait jouer dans cette votation?

Le ministre de la Défense Ueli Maurer estime que les femmes, ne faisant pas l'armée de façon obligatoire, n'ont pas assez de discernement pour parler des armes. J'espère donc qu'elles utiliseront l'arme qu'elles ont à disposition, leur droit de vote. C'est clair qu'elles sont sensibles à ces questions parce qu'elles sont les premières victimes en cas de violence domestique ou de tentative d'homicide. Elles sont aussi sans doute plus soucieuses de la qualité de la sécurité au sein des familles et à ce titre, plus sensibles à ce que les armes soient à l'arsenal.

Depuis 2008, on ne peut plus avoir de munitions chez soi. Une mesure que vous jugez insuffisante?

C'est une bonne mesure. Le Parlement l'a d'ailleurs introduite sous la pression de l'initiative et de l'opinion publique. Pour la première fois, l'armée et la Confédération reconnais sent qu'il existe un lien direct entre la présence d'armes à feu dans les foyers et les cas d'homicides dans les familles. C'est bien, mais c'est insuffisant, car le contrôle sur les munitions ne se fait pas. Par exemple, lors des tirs d'essais, personne ne vérifie si vous avez tiré toutes les cartouches qu'on a mis à votre disposition. Chacun peut donc rentrer à la maison avec des munitions en poche.

Dans son message, le Conseil fédéral dit que rien ne prouve que le texte ferait diminuer les cas d'abus d'armes, ni les suicides. Qu'en dites-vous?

Je suis convaincue du contraire. Et les chiffres de l'Office fédéral de la statistique le démontrent: moins de soldats signifie moins d'armes. Et moins d'armes signifie moins de suicides et d'homicides. Jusqu'à présent, personne n'a formellement démenti ce lien de cause à effet, également démontré par les recherches du professeur Martin Killias et par une récente étude du psychiatre Thomas Reisch parue dans le Bulletin des médecins suisses. Son étude démontre qu'entre 40 et 45% des suicides commis avec une arme en Suisse le sont avec l'arme militaire.

Pour vous, la protection contre le suicide est l'argument principal pour voter oui le 13 février?

Je rappelle qu'il y a quand même trois fois plus de suicides par armes à feu en Suisse que dans les autres pays européens. Il y a environ 300 morts par an dues aux armes à feu. La vie humaine a une valeur absolue et je pense que le fait de déposer le fusil à l'arsenal et de devoir remplir des papiers (pour ceux qui prouvent leur besoin et veulent acheter une arme) est un moindre mal face à des vies humaines. C'est ma responsabilité de politicienne de faire cette pesée d'intérêts et d'essayer de prévenir des drames. Et ici, pour moi, le choix est très rapidement fait.

Certains reprochent à l'initiative de s'attaquer à une tradition helvétique et de chercher à abolir l'armée...

Je conteste totalement ces arguments. Le fait d'avoir son arme à domicile date des années 50. Ce n'est donc pas une tradition, plutôt une habitude. Et concernant l'armée, elle n'a jamais démontré que son avenir se jouait sur le fusil à la maison. Je dirais qu'une armée efficace et moderne doit se tourner vers d'autres pistes. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît qu'il serait impossible d'avoir tout à coup une menace telle que chacun, là tout de sui te, aille chercher son arme, puis ses munitions, et sorte dans la rue pour tirer sur cette menace. Alors pourquoi ne pas déposer l'arme à l'arsenal?

Actuellement, il y a un peu plus de 600 armes déposées dans les arsenaux cantonaux. C'est vraiment très peu!

Jusqu'il y a deux ans, on devait payer pour déposer son arme. C'est un comble! Maintenant c'est gratuit, mais on voit que ça ne fonctionne pas. Les gens ne le font pas volontairement, soit parce qu'ils oublient, soit parce qu'ils ne veulent pas se déplacer. C'est aussi pour cela qu'on a lancé l'initiative. Parce que toutes ces de mi-mesures sont insuffisantes et qu'il faut casser cette habitude de l'arme à la maison. Jusqu'ici, l'armée a été laxiste et a laissé de côté ce problème. Raison pour laquelle il y a des armes qui traînent et qu'on trouve au marché noir. Il faut que cela cesse.

La double majorité du peuple et des cantons est nécessaire pour que l'objet passe. Êtes-vous confiante?

Non, je suis plutôt pessimiste. On est dans un débat de valeurs et personnellement, je pars perdante. Il est toujours très délicat de faire passer une initiative. Là, il sera difficile d'avoir la majorité des cantons. Et au niveau du peuple, si on obtient 48-49% de gens qui l'acceptent, je serais déjà contente, car le débat a eu lieu et c'est important. Mais cette fois-ci encore, les opposants avaient plus de moyens pour la campagne et ils ont ta pissé les villes avec leurs affiches. Mon regard se tourne vers les femmes et les jeunes. Se mobiliseront-ils?

Propos recueillis par Julie Mégevand

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Les enjeux du scrutin

L'initiative "Pour la protection face à la violence des armes" vise à durcir le régime d'autorisation et de contrôle des armes pour renforcer la sécurité.

Lancée après plusieurs drames, (tuerie de Zoug, meurtre de la skieuse Corinne Rey-Bellet), l'initiative a abouti dé but 2009 avec 107'000 signatures.

Elle exige que l'arme de service soit laissé à l'arsenal par le soldat, mais aussi que celui qui possède une arme à feu ou en fait le commerce justifie qu'il en a le besoin et les capacités.

Le texte demande aussi l'interdiction totale des armes automatiques et des fusils à pompe à des fins privées.

Selon les initiants, les armes sont trop facilement accessibles, ce qui occasionne trop d'abus. Plus de 2 millions d'armes actuelles ou anciennes de l'armée sont en circulation. En cas de oui, elles devraient prendre le chemin de l'arsenal et les soldats n'auraient plus le droit de conserver leurs fusils à la fin de leur service militaire.

Le but est un recul des décès par armes à feu (259 en 2008, dont 239 suicides).

La Confédération devrait aussi créer un registre national des armes à feu, remplaçant les cantons dans cette tâche.

Le texte est notamment soutenu par le PS, les Verts, les syndicats, les organisations féminines ou pour la paix, les Eglises, les médecins et le GSsA.

Le Conseil fédéral et le Parlement rejettent l'initiative, jugeant que la législation actuelle est suffisante et que rien ne permet de garantir que la nouvelle loi réduirait davantage les abus. Pour les autorités, c'est un usage responsable qui est déterminant.
L'UDC, le PLR, le PDC et le PBD rejettent le texte, mais certains, notamment les femmes PDC, adhèrent au projet.

Un argument souvent soulevé par les opposants est que l'initiative ne prend pas en compte le grand nombre d'armes illégales qui circulent en Suisse.