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Armes: un non ferme de Sylvie Perrinjaquet

La conseillère nationale neuchâtelois Sylvie Perrinjaquet refuse d'être "prise en otage" par les initiants. [Peter Schneider]
La conseillère nationale neuchâtelois Sylvie Perrinjaquet refuse d'être "prise en otage" par les initiants. - [Peter Schneider]
Laisser l'arme de service à l'arsenal ou permettre au soldat de la conserver à la maison? Créer ou non un registre fédéral des armes? Tels sont les enjeux principaux de la votation sur les armes le 13 février prochain. La conseillère nationale libérale-radicale neuchâteloise Sylvie Perrinjaquet fait partie de la co-présidence du Comité interpartis pour le "Non à l'initiative inutile des milieux de gauche sur le armes".

Tsrinfo: Quel est votre principal argument pour voter non le 13 février?

Sylvie Perrinjaquet: L'initiative ne résout aucunement le but prôné par les initiants, à savoir une diminution des homicides, en enlevant l'arme à la maison. Depuis son lancement, la situation a changé: le soldat ne ramène plus de munition chez lui et il a la possibilité de laisser l'arme à l'arsenal. Et l'armée sélectionne de manière plus pertinente ceux qui exécutent leur service militaire. Ces trois éléments ont permis un net recul des homicides avec l'arme de service.

Même si le chiffre est en baisse, près de 300 décès sont causés par des armes à feu chaque année en Suisse...

C'est toujours trop, mais le texte ne va pas régler le problème: si quelqu'un a une pulsion, il pourra toujours acquérir une arme par un autre moyen.

Mais l'arme de service est facile d'accès. L'enlever des foyers pourrait peut-être sauver des vies.

Rien ne permet de le dire avec certitude. Celui qui a l'intention d'attaquer quelqu'un ou commettre des violences domestiques pourra toujours passer à l'acte. De plus, on se focalise sur l'arme de service, mais c'est souvent une autre arme qui est utilisée.

Et l'interdiction des armes automatiques et des fusils à pompe?

C'est un faux débat, car ces armes sont déjà fichées et concernent peu de monde. Le vrai but des initiants, soutenus par le PS, est de supprimer l'armée. Ils lancent des initiatives successives pour l'affaiblir toujours plus. Ils veulent qu'il n'y ait plus d'armes en circulation et aimeraient même supprimer les sociétés de tir. Moi, j'ai confiance en l'armée de milice. Le citoyen apprend le maniement de son arme, il en a la responsabilité et peut la laisser à l'arsenal. Si on change de système, l'Etat prend le pouvoir sur le citoyen et je m'y oppose. Cette responsabilité et la liberté individuelle sont des fondements de notre démocratie.

En cas de oui, les armes illégales vont-elles vraiment augmenter?

Ce qui fait la force de l'armée suisse, c'est le milicien: il est familiarisé à l'arme, se rend compte de ses effets et ne cherche pas à en acquérir illicitement, parce qu'il connaît les conséquences. Si on abolit ce système, si les soldats manient de moins en moins les armes, les gens se débrouilleront pour trouver des armes ailleurs. Si on continue dans cette voie, dans 10 ou 15 ans, la relation entre le citoyen et l'arme sera totalement différente: à la place d'une arme de service contrôlée, on aura une arme issue du marché noir. Car il est malheureusement facile de trouver une arme, surtout à l'étranger, et de la ramener chez soi.

Si on compare avec l'étranger, on dénombre en Suisse beaucoup plus d'armes par habitant, n'est-ce pas étrange pour un pays si petit et neutre?

Au contraire! Il y a certes plus d'armes, mais moins de violences. La Suisse est un des pays qui comptent le moins d'homicides. Dans d'autres Etats, dès qu'on a interdit les armes à domicile, les crimes ont augmenté parce que les gens se procurent illégalement des armes et n'ont plus aucun entraînement pour les utiliser. L'Angleterre est un bon exemple: on a banni l'arme des foyers en 1997 et en 10 ans, les attaques armées et les suicides ont nettement crû. Les chiffres sont clairs et la Suisse ne va pas échapper à cette tendance si l'initiative passe.

Les femmes en particulier soutiennent l'initiative. Que leur répondez-vous en tant que femme qui s'y oppose?

Je me sens prise en otage par les initiants: ils utilisent le fait que je pourrais être victime un jour pour voter dans leur sens. Certes les femmes sont souvent victimes, mais souvent par d'autres armes ou par des coups. Si on interdit, rien ne changera. Et ce oui des femmes est également un moyen de dire qu'il ne faut pas banaliser le fait d'avoir une arme à la maison. Au PLR, certaines n'ont peut-être pas la même analyse que moi, mais le parti refuse majoritairement l'objet, y compris les femmes.

La plupart des médecins et psychiatres, des policiers et même certains officiers approuvent l'initiative, pourquoi ne pas leur faire confiance, eux qui connaissent bien le sujet?

Ceux qui soutiennent le texte sont témoins des violences et se disent qu'il pourra les faire diminuer. Je peux le comprendre, mais ils se trompent. C'est une fausse bonne initiative qui générera une hausse des violences.

Et pourquoi rejeter la création d'un registre fédéral des armes à feu? N'est-ce pas un moyen de simplifier la démarche en n'ayant qu'un seul fichier?

Ce registre n'est rien d'autre qu'une nouvelle manière de contrôler, qui démontre une volonté centralisatrice et une surveillance toujours plus forte de l'Etat. Or, les cantons remplissent très bien leurs fonctions avec leurs propres registres. Les cantons contrôlent et transmettent les informations à la Confédération en cas de besoin. C'est une politique de proximité, car les cantons sont très au fait des gens qui y habitent et qui possèdent une arme à feu. L'autonomie des cantons est donc un moyen plus efficace.

Propos recueillis par Frédéric Boillat

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Les enjeux du scrutin

L'initiative "Pour la protection face à la violence des armes" vise à durcir le régime d'autorisation et de contrôle des armes pour renforcer la sécurité.

Lancée après plusieurs drames, (tuerie de Zoug, meurtre de la skieuse Corinne Rey-Bellet), l'initiative a abouti dé but 2009 avec 107'000 signatures.

Elle exige que l'arme de service soit laissé à l'arsenal par le soldat, mais aussi que celui qui possède une arme à feu ou en fait le commerce justifie qu'il en a le besoin et les capacités.

Le texte demande aussi l'interdiction totale des armes automatiques et des fusils à pompe à des fins privées.

Selon les initiants, les armes sont trop facilement accessibles, ce qui occasionne trop d'abus. Plus de 2 millions d'armes actuelles ou anciennes de l'armée sont en circulation. En cas de oui, elles devraient prendre le chemin de l'arsenal et les soldats n'auraient plus le droit de conserver leurs fusils à la fin de leur service militaire.

Le but est un recul des décès par armes à feu (259 en 2008, dont 239 suicides).

La Confédération devrait aussi créer un registre national des armes à feu, remplaçant les cantons dans cette tâche.

Le texte est notamment soutenu par le PS, les Verts, les syndicats, les organisations féminines ou pour la paix, les Eglises, les médecins et le GSsA.

Le Conseil fédéral et le Parlement rejettent l'initiative, jugeant que la législation actuelle est suffisante et que rien ne permet de garantir que la nouvelle loi réduirait davantage les abus. Pour les autorités, c'est un usage responsable qui est déterminant.

L'UDC, le PLR, le PDC et le PBD rejettent le texte, mais certains, notamment les femmes PDC, adhèrent au projet.

Un argument souvent soulevé par les opposants est que l'initiative ne prend pas en compte le grand nombre d'armes illégales qui circulent en Suisse.