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Les délits de pornographie explosent chez les mineurs

Les délits de diffusion d’images pédopornographiques en hausse chez les mineurs. [depositphotos - Lashkhidzetim]
Les délits de diffusion d’images pédopornographiques en hausse chez les mineurs / La Matinale / 5 min. / le 27 mars 2024
Le nombre de délits liés à la pornographie chez les mineurs, comme envoyer un "nude" (photo de nu, en anglais), a été multiplié par douze en dix ans.

En Suisse, 83 mineurs étaient dénoncés à la police en 2012, contre 1024 en 2022. En Suisse romande, si on comptait 10 dénonciations il y a 12 ans, ce sont 240 cas qui sont rapportés en 2022. C'est la tranche d'âge des jeunes de 10 à 14 ans qui comprend le plus grand nombre de dénonciations pour pornographie.

Récemment encore, en Valais, un garçon de douze ans a été interpellé chez ses parents pour avoir publié des photos pornographiques sur WhatsApp.

>> Lire également : Des groupes WhatsApp massifs et problématiques signalés aux parents d'élèves valaisans et Quand la pornographie s'immisce dans le smartphone des ados

Un délit plus facile à commettre qu'on le pense

Il ne suffit que de quelques clics pour commettre le délit. Par exemple, le fait d'envoyer une photo de soi-même nu est déjà une faute.

>> Sur le sujet, lire : Les "nudes" entre mineurs sous le coup de la loi

Les mineurs qui sont créateurs et diffuseurs (de contenus pornographiques) commettent deux infractions

Pascal Fontaine, adjudant-chef de la prévention de la criminalité pour le canton de Vaud

Pascal Fontaine, adjudant-chef de la prévention de la criminalité pour le canton de Vaud, détaille que poser nu revient à être "créateur" et partager l'image à être "diffuseur". "Ils (les mineurs, ndlr) commettent deux infractions", souligne-t-il dans La Matinale mercredi.

Lorsqu'il les rend attentifs, les mineurs "sont tout surpris". C'est pour cela que police et école travaillent sur la prévention, pas seulement pour parler du risque d'être victime, mais aussi auteur.

Le programme As de coeur, qui était surtout orienté vers des questions comme le consentement, a ainsi été complété avec un module sur les nudes et le sexting. En classe, Céline Blaser, l'une des animatrices, demande aux élèves ce qu'ils feraient si on leur demandait d'envoyer une photo d'eux nus. "C'est touchant", confie-t-elle, "car il y a un garçon qui disait 'Normalement, on ne doit pas le faire, mais on peut faire confiance. Quand on est amoureux de quelqu'un, normalement, ça ne devrait pas poser problème'."

Plusieurs explications

Plusieurs explications justifient cette hausse du nombre de délits commis. D'une part, n'étant pas tous au fait des risques encourus, ces jeunes enfreignent la loi sans en avoir conscience. D'autre part, ils évoquent aussi l'immédiateté propre aux réseaux - un contenu très vite transféré sans vraiment le vérifier - et parlent de situations de vengeance après une rupture ou encore de la pression du groupe.

"Ils seraient amenés à faire des gages dans le cadre de certains jeux et puis parce qu'il y aurait ce besoin de se faire accepter par leur groupe (...) et bien voir", relate Céline Blaser qui s'appuie sur ce que les élèves lui confient.

Ce n'est pas impossible qu'un mineur qui a un casier judiciaire américain puisse être affiché comme délinquant sexuel

 Pascal Fontaine, adjudant-chef de la prévention de la criminalité pour le canton de Vaud

La dénonciation via les géants du web est une autre explication à cette hausse. Ils ont d'ailleurs l’obligation de le faire.

"Les signalements parviennent à la police fédérale", détaille Pascal Fontaine, "puis aux polices cantonales pour traiter ces plaintes. On identifie et convoque ces personnes et ce rapport repart ensuite à la police fédérale qui le renvoie au FBI américain. Et là, on ne sait pas trop ce qu'ils font avec. Ce n'est pas impossible qu'un mineur ait alors un casier judiciaire américain et qu'il puisse être affiché comme délinquant sexuel."

>> Lire : Bruxelles veut contraindre les plateformes à mieux lutter contre la pédopornographie

Peines encourues

Les peines sont fixées au cas par cas. Le Tribunal des mineurs jurassien précise qu'il privilégie la prévention. Mais en pratique, des peines de prestation personnelle (travail d'intérêt général ou participation à des séances de sensibilisation) et des peines privatives de liberté ont déjà été prononcées.

Le canton de Zurich a ainsi musclé ses interventions. Il arrête de plus en plus souvent les mineurs quand ils sont dénoncés pour pornographie.

A noter que la responsabilité pénale commence très tôt: à dix ans.

>> Pour aller plus loin sur le sujet de la pédopornographie, écouter le grand débat Forum :

Le grand débat - Pédopornographie, comment lutter ?
Le grand débat - Pédopornographie, comment lutter ? / Forum / 17 min. / le 24 juillet 2020

Sujet radio: Alexandra Richard

Adaptation web: Julie Marty

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