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L'exploitation de la centrale électrique de secours de Birr jugée non conforme

Le Tribunal administratif fédéral critique la construction des centrales électriques de secours en 2022, autorisée par le Conseil fédéral
Le Tribunal administratif fédéral critique la construction des centrales électriques de secours en 2022, autorisée par le Conseil fédéral / 19h30 / 1 min. / le 23 février 2024
Le Conseil fédéral n'aurait pas dû édicter l'ordonnance sur l'exploitation de la centrale de réserve de Birr (AG), qui doit alimenter la Suisse en cas de pénurie d'électricité. Selon le Tribunal administratif fédéral, les conditions légales n'étaient pas remplies.

Le gouvernement se fondait sur la loi sur l'approvisionnement économique du pays. Cette dernière lui permet, en cas de pénurie grave, de prendre des mesures limitées dans le temps, explique le Tribunal administratif fédéral (TAF) dans un arrêt publié vendredi. Or, il estime que l'hypothèse d'une pénurie "grave" n'a pas suffisamment été étayée.

Le Conseil fédéral a approuvé l'ordonnance relative à l'exploitation de centrales et de groupes électrogènes de réserve pour les cas de pénurie déclarée ou imminente le 21 décembre 2022. C'est sur cette base qu'il a délivré au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) l'autorisation d'exploiter la centrale de Birr jusqu'au 31 mai 2023, soit pour cinq mois, et, ce, pour faire face à la crainte d'une pénurie d'électricité pendant l'hiver 2022-2023.

>> Relire : La centrale à gaz de réserve de Birr (AG) sera opérationnelle en février

Opposition à une installation polluante

La centrale temporaire de Birr, avec ses 8 turbines à gaz, a été construite en urgence parce que la Suisse craignait de manquer d’électricité durant l’hiver 2022-2023. L'installation peut fonctionner au gaz ou au pétrole, mais en cas d’utilisation, les normes minimales de pollution seraient dépassées (voir encadré). L'exploitation a été autorisée fin 2022, pour une durée de 5 mois.

>> Les explications dans l'émission Forum :

Le Conseil fédéral n’aurait pas dû autoriser la centrale électrique de Birr selon le Tribunal administratif fédéral
Le Conseil fédéral n’aurait pas dû autoriser la centrale électrique de Birr selon le Tribunal administratif fédéral / Forum / 2 min. / le 23 février 2024

Soutenus par la Grève du climat, des riverains ont fait opposition en vain contre cette autorisation. Déboutée, l'une d'entre eux s'est adressée ensuite au TAF. Elle estimait que la situation en matière d'approvisionnement en électricité durant l'hiver 2022-2023 ne correspondait pas à une pénurie grave. En conséquence, le Conseil fédéral n'était pas habilité à édicter l'ordonnance et à délivrer l'autorisation d'exploiter.

Dans son arrêt, le TAF confirme que le gouvernement est en principe compétent pour prendre des mesures visant à assurer l'approvisionnement du pays en électricité. S'il dispose d'une latitude importante, il reste cependant tenu par la loi et la Constitution.

Hypothèses peu convaincantes

Examinant la menace d'une pénurie d'électricité durant l'hiver 2022-2023, les juges de Saint-Gall ont estimé que le DETEC n'avait pas exposé de manière convaincante les hypothèses sur lesquelles il s'était fondé. Par conséquent, il n'est pas possible de conclure qu'on se trouvait dans une telle situation et les conditions nécessaires à l'implantation et l'exploitation de la centrale de Birr n'étaient pas réalisées.

Le Tribunal administratif fédéral retient aussi que, vu l'impact environnemental d'une telle installation, l'Etat devait respecter le principe de proportionnalité. Soit examiner si d'autres solutions plus respectueuses des différents intérêts en présence étaient envisageables. La cour admet donc le recours et conclut que l'autorisation d'exploiter la centrale n'était pas conforme à la loi.

"Jugement historique"

Dans un communiqué, la Grève du climat salue ce "jugement historique". En construisant cette centrale, le Conseil fédéral a pesé "sur l'accélérateur fossile" sans base légale. Ce faisant, il a ignoré la population et l'impact sur l'environnement.

Le mouvement exige que la centrale de Birr soit immédiatement démantelée. En outre, les contrats passés entre la Confédération et les centrales de Cornaux (BE) et Monthey (VS) devraient être résiliés et l'appel d'offres pour de nouvelles centrales fossiles d'ici 2041 retiré.

La loi prévoit leur démantèlement en 2026, mais avant cela, leur existence n'est pas remise en cause. Une nouvelle autorisation d’exploitation pourrait même être accordée en cas de pénurie imminente. 

Concernant Birr, l'autorisation d’exploitation était limitée dans le temps et n'est plus en vigueur aujourd’hui. La centrale de Birr n’a d’ailleurs jamais été utilisée. 

Cet arrêt est définitif et ne peut pas être attaqué devant le Tribunal fédéral. (arrêt A-1706/2023 du 19 février 2024)

juma avec ats

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Valeurs limites d'émission relevées

Afin de permettre l'utilisation de la centrale de Birr, la Confédération avait décidé d'augmenter temporairement les valeurs limites autorisées pour les émissions d'oxyde d'azote et de monoxyde de carbone.

Selon l'Office fédéral de l'énergie, la centrale de réserve de Birr émetttrait entre 2,8 et 4,8 tonnes d'oxyde d'azote par jour et entre 2,8 et 6,6 tonnes de monoxyde de carbone. Les émissions varient selon qu'elle utilise du gaz ou du pétrole. Dans la mesure du possible, les huit turbines devaient fonctionner au gaz, avait précisé l'OFEN à fin octobre.