Modifié

5G: quel opérateur couvre le mieux votre région? Nos cartes exclusives

Transmetteurs réseau 5G. [Depositphotos - ©Scharfsinn]
La Suisse compte 50ʹ000 modules émetteurs 5G, une donnée plus pertinente que le nombre dʹantennes / On en parle / 9 min. / le 14 mars 2024
Après trois ans de procédures, la RTS a obtenu des données inédites sur les antennes 5G en Suisse. Elles dévoilent d'importantes disparités entre les trois opérateurs du pays et les régions couvertes par la "vraie" 5G.

En mars 2021, le développement de la 5G bat son plein. Trop lent pour les enthousiastes, beaucoup trop rapide pour les sceptiques. Cette nouvelle technologie doit décupler le débit d'informations transmises par les ondes.

Pour y voir plus clair, la RTS demande alors d'accéder aux données d'exploitation des antennes que les opérateurs de téléphonie doivent transmettre à l'Office fédéral de la communication (OFCOM). Nous les avons enfin obtenues après un long bras de fer avec Swisscom, Sunrise et Salt. Durant la procédure, qui s'est prolongée jusqu'au Tribunal administratif fédéral (lire encadré), le nombre d'antennes 5G a doublé en Suisse.

Le pays en compte aujourd'hui environ 10'000. Plus que les antennes, les données se focalisent sur les modules émetteurs, ces gros boîtiers blancs ou gris clair accrochés en haut des mâts. Une même station de base peut en accumuler une vingtaine, juste pour la 5G. De quoi réjouir les gros consommateurs ou inquiéter des voisins électrosensibles.

Recherchez votre commune ci-dessous pour afficher, par opérateur, la carte des antennes dans votre région. La taille des points correspond au nombre de modules 5G par mât. Les stations partagées par plusieurs opérateurs apparaissent en gris.

Sur l'application, la navigation sur la carte est meilleure en la consultant depuis ce lien

Sans surprise, les villes regorgent d'antennes 5G. Le plus grand nombre d'émetteurs par km2 se trouve dans l'agglomération genevoise, plus précisément à Genève et Carouge, les communes les plus densément peuplées du pays.

Le développement s'avère également important sur certains grands axes, le long d'autoroutes et de lignes ferroviaires. Dans les régions plus rurales, la couverture varie davantage d'un opérateur à l'autre.

50'000 émetteurs à travers le pays

Leader du marché, Swisscom se taille la part du lion. Le géant bleu possède plus de 5700 antennes 5G à travers le pays, pour un total d'environ 31'500 modules 5G. Bien plus que ses concurrents, Sunrise et Salt.

Ce dernier dispose de 6200 modules 5G. Cinq fois moins que Swisscom. Sunrise en détient 11'700.

Les réseaux sont-ils achevés avec ces quelque 50'000 modules dispersés à travers le pays? Si les opérateurs affirment tous avoir atteint une excellente couverture, aucun n'a voulu détailler ses plans pour l'avenir. Seule certitude: ils prévoient de continuer à étendre leurs couvertures et leurs capacités avec de nouvelles antennes.

Des régions mieux couvertes que d'autres

Avec davantage d'émetteurs, Swisscom possède-t-il un meilleur réseau que ses concurrents? Pas nécessairement partout. La qualité d'un réseau dépend aussi d'autres facteurs, comme la technologie utilisée ou le nombre de clients dans une région. Régnant sur près de 60% du marché, l'ancienne régie fédérale a besoin de plus de capacités que ses concurrents pour assurer le trafic des données.

Mais avec cinq fois moins de modules 5G, Salt n'arrive évidemment pas à quadriller le territoire de la même manière. Il en résulte des zones peu, voire pas couvertes par le troisième opérateur du pays.

Celui-ci n'a par exemple aucun émetteur 5G dans le district des Franches-Montagnes (JU). Son réseau s'avère aussi moins développé dans les régions de Sion, Conthey ou encore La Broye, où Swisscom possède dix fois plus de modules.

Des antennes implantées "là où cela s'avérait réellement nécessaire"

Interrogé par la RTS, Salt reconnaît qu'il y a "des disparités dans la priorité au développement de la 5G d'un district à l'autre ou d'un canton à l'autre". Le groupe procède à des "investissements ciblés".

"Les améliorations ont été implantées en priorité là où cela s'avérait réellement nécessaire pour répondre à la demande existante des clients", poursuit l'opérateur. Sa porte-parole rappelle également que le développement de leur réseau reste entravé par "de nombreuses oppositions émanant de la population et des autorités locales".

Sur l'ensemble du pays, seules deux régions ne sont pas dominées par Swisscom: Sunrise arrive en tête dans le petit district d'Oberklettgau (SH) et le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures.

Selon Sunrise, Swisscom profite encore aujourd'hui de son héritage. "Lors de la libéralisation du marché des télécommunications il y a environ 25 ans, le monopoleur disposait déjà d'un réseau mobile de plusieurs milliers de sites", explique son porte-parole. Le numéro deux du pays affirme avoir "réussi à rattraper ce retard" et être aujourd'hui "au coude-à-coude dans les critères de référence du secteur".

>> Ecouter le développement de La Matinale sur la couverture 5G:

Plus de 90% de la population en Suisse utilise quotidiennement Internet, selon l'OFS. [Keystone]Keystone
Enquête inédite sur les data des antennes 5G / La Matinale / 4 min. / le 14 mars 2024

La "vraie" 5G révélée

Attention, les antennes évoquées jusqu'ici regroupent les différents types d'antennes 5G. Toutes ne permettent pas d'obtenir les connexions "ultra-rapides", jusqu'à 2 Gbit/s, vantées par les opérateurs. D'après les données obtenues, seul un tiers des émetteurs peuvent proposer de telles bandes passantes, 3 à 4 fois plus rapides que le meilleur débit en 4G.

Deux tiers des modules émettent aux mêmes fréquences que les précédentes générations. Il s'agit de la "5G de base" ou "fausse 5G". A part un temps de latence plus faible et un intérêt marketing, ces modules présentent peu de différences par rapport à la 4G, notamment au niveau du débit de données. Ils permettent surtout de décharger le réseau 4G, parfois saturé.

La "vraie" 5G, aussi appelée "5G+" par certains opérateurs, ce sont les hautes fréquences (3,4 à 3,8 GHz). Ces bandes permettent de transmettre un volume de données beaucoup plus important. Mais le signal porte sur une plus petite distance que les basses fréquences et il n'aime pas les obstacles, comme les arbres ou les bâtiments. En milieu urbain, la portée se limite à quelques centaines de mètres.

Là encore, Swisscom dispose du plus grand nombre d'émetteurs à hautes fréquences. La différence avec ses concurrents se montre toutefois plus faible. Le numéro un du marché compte environ 8850 modules 5G à hautes fréquences, contre 5750 pour Sunrise et 2150 pour Salt.

Le géant bleu possède au moins un module 5G+ dans la moitié des communes du pays (1043). Il affirme couvrir 81% de la population avec cette technologie. Sunrise et Salt en détiennent dans respectivement 839 et 463 municipalités.

Craintes face à l'explosion du trafic par les ondes

Les nouvelles antennes à environ 3,5 GHz permettent de regarder la télévision en haute définition avec sa connexion mobile. A ces fréquences, les opérateurs optent souvent pour des antennes adaptatives.

Au lieu de rayonner dans toutes les directions comme une antenne conventionnelle, ce type d'émetteur concentre le signal uniquement en direction des appareils connectés. Pour l'heure, la moitié des modules à hautes fréquences du pays sont équipés de cette technologie, soit environ 8000 émetteurs.

Le développement de ces nouvelles antennes inquiète Olivier Bodemann, fervent opposant à la 5G. Il n'est pas convaincu par les antennes adaptatives, qui envoient un signal dirigé, mais momentanément plus puissant.

"S'il y a un seul utilisateur, le rayonnement global est plus faible qu'avec un émetteur traditionnel. Mais s'il y en a des milliers, ce n'est pas le cas. Notamment à l'extérieur, où l'on peut être très exposé", explique cet ingénieur électricien EPFL et fondateur d'ElectrosmogTech.

Olivier Bodemann met en cause le boom des abonnements mobiles avec données illimitées, qui provoque un cercle vicieux: "De plus en plus de personnes n'utilisent plus que leur connexion mobile. C'est devenu moins cher que la fibre optique. En conséquence, le trafic de données par les ondes explose. Il faut alors davantage d'antennes et le rayonnement augmente".

L'Office fédéral de l'environnement reconnaît que les antennes adaptatives peuvent "générer brièvement des niveaux d'exposition plus élevés qu'avec des antennes conventionnelles". Mais il se montre toutefois rassurant: "Pour la même quantité de données, l'exposition globale ne sera pas plus élevée qu'avec les antennes conventionnelles".

Pas d'effets sur le cerveau à court terme

Une récente étude française s'est intéressée pour la première fois aux effets des ondes 5G à hautes fréquences (3,4 à 3,8 GHz) sur le cerveau. Les chercheurs n'ont pas mesuré d'altération significative dans l'activité cérébrale des volontaires exposés durant de courtes durées.

Plus la fréquence des ondes est élevée, moins elle pénètre dans les tissus, selon les chercheurs. Ils s'attendent ainsi à moins d'effets qu'avec les émetteurs des générations précédentes. Ils concluent toutefois que "les impacts potentiels de l'exposition chronique à la 5G restent inconnus".

D'autres études sont en cours. En Suisse, sept projets de recherche, soutenus par la Confédération, étudient notamment les effets des rayonnements sur le cerveau, le sommeil, la peau, la production de spermatozoïdes et les insectes.

Valentin Tombez

Publié Modifié

Les grandes étapes de la procédure pour obtenir les données

Au bout de la patience, il y a la transparence. Il a fallu près de trois ans pour enfin obtenir les données d'exploitation des antennes 5G. La demande d'accès a suivi un long parcours, avec toujours de longues attentes entre chaque prise de position. Retrouvez ci-dessous les principales étapes de la procédure.

Mars 2021: demande d'accès aux données d'exploitations des antennes 5G, en vertu de la loi fédérale sur la transparence (Ltrans) auprès de l'Office fédéral de la communication (OFCOM).

Juillet 2021: l'OFCOM accorde un accès partiel aux fichiers. Il refuse uniquement de transmettre la colonne précisant à quel opérateur appartiennent les antennes.

Juillet 2021: les trois opérateurs s'opposent à la décision de l'OFCOM et demandent une médiation devant le Préposé fédéral à la transparence. La RTS demande de son côté un accès complet aux données, y compris la colonne précisant à quel opérateur appartiennent les antennes.

Novembre 2021: à l'issue de la procédure de médiation, qui s'est déroulée par écrit, le Préposé fédéral à la transparence recommande d'octroyer un accès complet aux données.

Décembre 2021: l'OFCOM suit la recommandation du préposé et rend une décision octroyant à la RTS l'accès complet aux données.

Février 2022: les opérateurs font recours contre la décision de l'OFCOM auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF). Ils demandent l'annulation de la décision de l'OFCOM et qu'aucune donnée ne soit transmise à la RTS.

Février 2022 à février 2023: procédure devant le TAF, avec plusieurs prises de position.

Septembre 2023: le TAF rend son jugement et rejette le recours des opérateurs, condamnés à payer les frais de justice. Il octroie à la RTS l'accès complet aux données.

Octobre 2023: les opérateurs ne déposent pas de recours au Tribunal fédéral, le jugement du TAF entre en force.

Novembre 2023: l'OFCOM transmet à la RTS les données de mars 2021.

Novembre 2023: la RTS formule une nouvelle demande pour obtenir les données d'exploitation actuelles.

Janvier 2024: l'OFCOM transmet à la RTS les données de novembre 2023.

Grâce à l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, les données sont maintenant accessibles, sur demande, auprès de l'Office fédéral de la communication.