Philippe Conus: "Il est important que médecins et soignants se forment à l'éco-anxiété"

Pour Philippe Conus, qui organise début juillet à Lausanne une conférence annuelle de l’association mondiale d’intervention précoce en santé mentale, le changement climatique a clairement un impact sur la santé mentale. "Il s'agit là d'un problème de société majeur", souligne-t-il mercredi au micro de la RTS.

Il lancera lors de cette conférence un appel à traiter, et vite, ces questions. "L'objectif est d'éviter de fabriquer de nouveaux malades, comme c'est le cas avec le tabagisme. Il faut attaquer le problème à la racine". Ainsi, pour le chef du Service de psychiatrie générale du CHUV, la lutte contre l'eco-anxiété passe d'abord par la lutte contre le réchauffement climatique et la prise au sérieux de cette question.

Sentiment d'impuissance

Les troubles psychiques causés par le réchauffement climatique peuvent se traduire en anxiété, envies suicidaires ou plus largement en dépression. En outre, selon une étude de la revue Nature, les patients qui souffrent de troubles psychiatriques sont aussi ceux qui sont le plus susceptibles de mourir en cas de vague de chaleur.

Le sentiment d'éco-anxiété est amplifié par le sentiment d’impuissance. On se sent à la fois coupable et victime

"Le taux de suicide est doublé dans les régions qui souffrent de sécheresse", ajoute le médecin qui définit l’éco-anxiété comme la préoccupation éprouvée face aux futurs conséquences du changement climatique. "Ce sentiment est amplifié par le sentiment d’impuissance. On se sent à la fois coupable et victime".

"Je ne crois pas qu'on en fait trop"

Pour Philippe Conus, il est aussi important que les médecins et le personnel soignant se forment à ce trouble. Et cela le plus rapidement possible, au vu de l'urgence de la situation. "C’est à notre génération de prendre les choses en main et d’ouvrir les yeux. Je ne crois pas qu’on en fait trop, mais plutôt pas assez".

Selon une étude de The Lancet, publiée en 2021, trois quarts des 16-25 ans jugent leur futur effrayant et ont le sentiment d'avoir été abandonnés par leurs gouvernements. Dans le détail, plus de 50% des jeunes considèrent l'humanité comme "condamnée". Quatre jeunes sur dix disent également hésiter à avoir des enfants. Des chiffres inquiétants aux yeux de Philippe Conus.

>> Plus d'informations : Une étude décrit les craintes élevées des plus jeunes face au changement climatique

De l'importance de se reconnecter à la nature

Existe-il toutefois des clés pour soigner l'éco-anxiété? Oui, répond le spécialiste. "Il faut tout d'abord reconnaître la réalité de la préoccupation". Il importe également de ne pas trop passer de temps sur son téléphone en voulant se "surinformer".

Le chef du Service de psychiatrie générale du CHUV préconise également de rester en contact avec la nature pour voir que, même si elle est menacée, elle n'a pas complètement disparu. L’autre solution esquissée est de s’engager individuellement pour tranquilliser sa conscience, en rejoignant par exemple une association ou encore en s’engageant politiquement.

Enfin, soigner ce trouble passe également par la sensibilisation à l'école. "La santé mentale est un capital qu’on a en nous, il est donc important de sensibiliser les jeunes, sans vouloir toutefois les noyer d'informations. Il s'agit plutôt de leur donner des solutions pragmatiques".

>> Revoir le reportage de 36.9 sur "l'éco-anxiété" :

Propos recueillis par Frédéric Mamais/hkr