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Réchauffement: "Les montagnes changent, il faut l'accepter"

Montagnes en surchauffe: le défi des guides
Montagnes en surchauffe: le défi des guides / L'actu en vidéo / 2 min. / le 26 août 2022
Des glaciers qui fondent, des pierres plus visibles et instables: le changement climatique redessine les paysages de haute montagne. En cet été très chaud, certains itinéraires ont été déconseillés, notamment à la Jungfrau ou au Cervin. 15 Minutes s'est rendu à Zermatt pour voir comment les professionnels s'adaptent.

Cet été, l'isotherme du 0 degré est monté au-delà de 5000 mètres d'altitude, une température extrême en haute-montagne. Avec elle, la fonte des glaciers s'accélère. Au sommet du Petit Cervin, à 3800 mètres, les stigmates de cet été caniculaire et très sec sont visibles. Le Cervin est presque noir, la Dent Blanche ne porte pas bien son nom et les crevasses sont nombreuses.

>> Lire : Le volume des glaciers suisses a été divisé par deux depuis 1931

Benedikt Perren et son groupe se préparent pour rejoindre le Breithorn. Un itinéraire que le guide de montagne de Zermatt connaît par coeur. Mais cette année, certaines choses ont changé. "Nous avons un mur de glace à grimper. Habituellement il y a de la neige. Aujourd'hui c'est de la glace. Il faut bien s'assurer." Sur le glacier qui mène au sommet, les crevasses sont également nombreuses.

Avant l'été, la neige n'avait en plus pas été très abondante en début d'année. Des conditions qui ont même forcé les guides à renoncer à certaines courses. "Cette année, c'est la première fois que l'on n'est pas monté sur le Cervin pendant une période", raconte Benedikt Perren. "La neige a fondu jusqu'au sommet. Normalement, elle tient les rochers en place. Sans elle, il y a beaucoup de chutes de pierres." Pour ce guide expérimenté, tout est question d'adaptation: "Les montagnes changent, il faut l'accepter."

>> Ecouter le reportage de 15 Minutes :

Chaleur en altitude: faudra-t-il revoir notre pratique de la montagne? [RTS - 15 Minutes]RTS - 15 Minutes
Chaleur en altitude: faudra-t-il revoir notre pratique de la montagne ? / 15 minutes / 14 min. / le 26 août 2022

Interventions en hausse

Les nombreuses semaines de beau temps qu'a connues la Suisse ont poussé les autorités à réagir. Il y a quelques jours, la police cantonale valaisanne et l'association suisse des guides de montagne ont lancé un message de prévention à l'égard des alpinistes.

Les interventions d'Air Zermatt sont en hausse cette année. [RTS - 15 Minutes]
Les interventions d'Air Zermatt sont en hausse cette année. [RTS - 15 Minutes]

D'ailleurs, sur la base d'Air Zermatt, les hélicoptères font des allers et retours. "On est déjà à près de 1700 interventions cette année", précise Gerold Biner, le directeur général d'Air Zermatt. "C'est environ 400 de plus qu'en 2021." Une hausse principalement due à la météo. "Les gens sortent tous les jours", précise Anjan Truffer, chef secouriste. "Cela augmente automatiquement les interventions." En été, celles-ci concernent d'ailleurs aussi les adeptes de randonnée, de VTT ou d'autres activités en montagne.

Mais le danger évolue également: plus de chutes de pierres, plus de crevasses. "Il faudra peut-être adapter les itinéraires et les horaires", ajoute Anjan Truffer, qui est aussi guide. "Si ça continue comme ça, on devra monter en mai ou en juin puis s'arrêter lorsqu'il fait trop sec. Ce sont des choses qu'il s'agira d'évaluer saison par saison. C'est dans l'ADN des bons montagnards de s'adapter."

Vers un assèchement de la montagne

Si les professionnels de la montagne voient les effets du réchauffement climatique sur le terrain, d'autres l'étudient. Pour Jacques Mourey, chercheur en géographie à l'Université de Lausanne, cet été a été très particulier. "Habituellement, on voit surtout les glaciers fondre. Mais cette année, ce qu'on voit le plus, c'est un assèchement généralisé de la haute montagne".

Ces huit dernières années, le chercheur a identifié vingt-cinq nouveaux processus liés au changement climatique qui peuvent affecter la pratique de l'alpinisme: de nouvelles crevasses, des chutes de pierres beaucoup plus fréquentes, des glaciers plus raides.

Une modification du paysage qui nécessite une évolution de la pratique en montagne: "Je ne pense pas que ce sera la fin de l'alpinisme. Par contre il faudra se réinventer", estime Jacques Mourey.

>> L'interview dans Forum d’Emmanuel Reynard, géographe, professeur à l'UNIL, directeur du Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne :

Le professeur Emmanuel Reynard (UNIL). [RTS - Stéphane Gabioud]RTS - Stéphane Gabioud
Le dérèglement climatique rend la montagne de plus en plus dangereuse: interview d’Emmanuel Reynard / Forum / 7 min. / le 27 août 2022

Guillaume Rey et Coraline Pauchard

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