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Sur les pistes de ski, le danger n'est jamais loin, même si blessures et décès restent stables

Mise au point - Danger sur les pistes de ski. [RTS]
Danger sur les pistes de ski / Mise au point / 11 min. / le 30 janvier 2022
Deux décès médiatisés, ceux du comédien Gaspard Ulliel et d'une petite Genevoise de 5 ans en France voisine, ont remis en évidence le danger qui guette les adeptes du ski de piste. Chaque année en Suisse, des dizaines de milliers de personnes se blessent en pratiquant ce sport et entre cinq et dix perdent la vie.

"J'ai chuté, le choc contre le sol n'était pas tellement violent, mais mon genou s'est tordu et le ski ne s'est pas détaché": interrogée dimanche dans Mise au point, une touriste venue d'Arménie a fini sa journée de ski aux urgences de Sion après un vol dans l'hélicoptère d'Air Glaciers. "C'était vraiment un bel endroit pour se casser la jambe", ajoute-t-elle, philosophe...

Comme cette jeune femme, 76'000 personnes se blessent chaque année en Suisse en dévalant les pistes, souvent insouciantes du danger qui guette. Ce chiffre, qui peut paraître impressionnant, n'est pour autant pas en augmentation. Et la blessure demeure souvent bénigne, même si les séjours à l'hôpital sont nombreux.

Dans une minorité de cas toutefois, l'issue peut être fatale, comme ces dernières semaines pour l'acteur Gaspard Ulliel, fauché à 37 ans lors d'une collision à ski, ou pour une Anglaise de 5 ans résidant à Genève, percutée sur une piste bleue de Flaine (F) par un homme de 40 ans qui allait trop vite et qui a été mis en examen pour homicide involontaire. Il y a quelques jours encore, un touriste espagnol s'est aussi tué en sortant de la piste à Zermatt (VS).

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Un nombre de morts qui demeure stable

Des vies brisées qui font réfléchir sur le danger d'un sport toujours plus facile à pratiquer. Est-il devenu plus périlleux de dévaler les pistes ou ne s'agit-il que de malchance due au hasard? Là aussi, le nombre de morts sur les pistes de ski reste stable depuis une vingtaine d'années, avec entre 1 et 10 skieurs tués chaque année en Suisse, alors que quelque 3,5 millions d'amateurs et amatrices de sports de neige se rendent en montagne tous les hivers.

Depuis l'an 2000, 124 skieurs et skieuses, dont 17 enfants, ont perdu la vie sur les pistes du pays, à savoir 98 hommes et 26 femmes, 94 résidents suisses et 30 étrangers, selon des statistiques du Bureau de prévention des accidents (bpa). A ceux-ci s'ajoutent 14 victimes qui pratiquaient le snowboard.

Au final, le nombre de morts sur les pistes balisées demeure faible en comparaison avec les victimes pratiquant le ski de randonnée en montagne, ainsi que le ski ou le snowboard hors piste. Et encore bien davantage si l'on recense les randonnées en montagne ou l'alpinisme.

En moyenne annuelle, ce sont entre 8 et 12 personnes pratiquant du ski ou du snowboard hors piste qui perdent la vie chaque année en Suisse, contre plus de 40 pour la randonnée en montagne et plus de 20 pour l'alpinisme. Un à deux décès annuels sont recensés pour la luge et la raquette à neige.

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Concernant les causes de décès dans les sports de neige, ce sont surtout les avalanches qui induisent le plus de décès, et en premier lieu hors des pistes. Suivent les chutes d'une certaine hauteur, alors que les collisions représentent moins de 10% des cas.

Une vitesse élevée et pas forcément contrôlée

Mais pourquoi la pratique du ski peut-elle être dangereuse? Selon le bpa, le risque des blessures dues aux sports de neige a presque diminué de moitié depuis les années 1970. Et ce grâce à une nette amélioration du matériel et de la sécurisation des pistes.

Revers de la médaille, le matériel performant, conjugué au développement du ski carving et à des pistes sans bosses ni obstacles, permet de dévaler les pentes de plus en plus en plus vite. Grisés par la vitesse, les skieurs et skieuses confirmés atteignent rapidement les 80-90 km/h et nombre d'entre eux se prennent présomptueusement pour Marco Odermatt, sans pouvoir réellement contrôler leur vitesse.

Les gens ne se rendent pas compte de la vitesse à laquelle ils skient

Paul-Victor Amaudruz, responsable des pistes à Verbier

"Je crois pas que le ski est plus dangereux qu'avant, mais on le pratique différemment qu'il y a 30 ans. Grâce aux évolutions technologiques, on est plus vite tentés par l’adrénaline", explique Paul-Victor Amaudruz, responsable des pistes à Verbier. "Et les gens ne se rendent pas compte de la vitesse à laquelle ils skient."

A une telle vitesse, si on ne contrôle pas bien ses lattes, l'accident est vite arrivé, surtout quand, les beaux jours, ce sont 15'000 personnes qui se pressent dans les stations les plus prisées. Et à 80 km/h, les blessures en cas de collision sont les mêmes que lors d'un accident de voiture, donc potentiellement dévastatrices: membres cassés ou foulés, organes internes touchés et surtout d'importants dégâts à la tête, même avec le casque. Avec parfois de longs séjours à l'hôpital, des séquelles à vie et des décès.

Distraction, vitesse et surestimation

Il est au final difficile de prévenir ces accidents. Toujours selon le bpa, plus de 90% d'entre eux sont imputables à une faute des personnes qui en sont victimes, en premier lieu la distraction, la surestimation de ses capacités, une vitesse trop élevée, le manque de condition physique et un mauvais équipement.

Comme en témoigne cette jeune femmes interrogée dans Mise au point, il est souvent complexe de dégager un coupable et même de comprendre ce qu'il s'est exactement passé lors d'une collision: "J'étais de mon côté de la piste et lui est arrivé très vite depuis l'opposé (...) Mais peut-être qu'on allait finalement les deux trop vite, que lui ne m'a pas vue et que je n'ai pas eu le temps de m'arrêter. Je ne suis pas fâchée, cela peut arriver à tout le monde."

Je ne suis pas fâchée, cela peut arriver à tout le monde

Une femme victime d'un accident de ski

Chevilles ouvrières de l'ombre mais essentielles, les patrouilleurs veillent quotidiennement afin d’assurer un maximum de sécurité sur le domaine, et ce bien avant l'ouverture des pistes. Mais le balisage et les panneaux incitant à la prudence qui sont installés chaque matin de façon stratégique sont loin d'être toujours respectés.

Tout un chacun peut aussi agir pour réduire les risques. Le bpa donne en priorité quatre conseils aux skieurs: ajuster la vitesse, porter un casque, faire vérifier ses fixations chaque année et respecter les règles en vigueur. Mais d'autres règles de conduite s'ajoutent: garder ses distances avec les autres skieurs, surtout lors des dépassements, ne s'arrêter que dans les endroits avec visibilité ou regarder vers l'amont avant de tourner. Savoir s'arrêter avant une trop grande fatigue évite aussi les chutes, souvent nombreuses, en fin de journée.

Pour Christian Hofmann, patrouilleur à Verbier, le risque zéro n'existe pas. Et d'estimer que "si le gens se comportaient sur les routes aussi vite qu'ils skient, on aurait mille morts de plus chaque année". A ses yeux, toutefois, la grande majorité des skieurs se comportent bien, alors qu'une petite minorité "font les fous".

Reportage TV: Carol Haefliger

Adaptation web: Frédéric Boillat

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