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Face au danger d'avalanche, savoir "rester humble"

Avalanches 15 Minutes vidéo: Forrest Schorderet est à la recherche de son frère Lake, enseveli sous une avalanche. Saint-Luc, le 20 mars 2021. [Forrest Schorderet]
Avalanches 15 Minutes vidéo / L'actu en vidéo / 2 min. / le 21 janvier 2022
Chaque hiver, les avalanches font plus d'une dizaine de victimes en Suisse. Les campagnes de sensibilisation se succèdent. Le Valais vient d'ailleurs d'en lancer une. Mais les messages de prévention font-ils le poids face à l'appel de la poudreuse? Un reportage de l'émission 15 Minutes.

La mort blanche. Une hantise de toute personne en quête de sensations fortes dans la neige. Ce 20 mars 2021 ensoleillé restera gravé dans la mémoire du freerider Forrest Schorderet.

Sous ses yeux, son frère Lake, 22 ans, est emporté par une avalanche à Saint-Luc. Grâce aux caméras qu'ils avaient sur leur casque, toute la scène a été immortalisée: "Ce n'est jamais facile de regarder ces images, de voir mon frère qui se fait ensevelir", témoigne-t-il aujourd'hui, la voix encore empreinte d'émotion. Il se décrit alors comme "en état de choc": "J'ai vraiment imaginé le pire, à un moment".

Les bons réflexes

"Appelle les secours! Je me mets en recherche!", lance-t-il à ses amis, ce jour fatidique. Tout de suite, le jeune homme enclenche son DVA – pour détecteur de victime d'avalanche – comme poussé par son instinct. Bien formé face à ce genre de situation, il sait que chaque seconde compte.

Très rapidement, il localise l'endroit où son frère se trouve, sous presque deux mètres de neige: "Lake, je vais te sauver! Je te le promets!", crie-t-il.

La mésaventure des frères Schorderet a complètement changé leur pratique. Et c'est aussi pour cela qu'ils ont rendu publique leur vidéo, histoire de faire de la prévention et "montrer que ça n'arrive pas qu'aux autres". Il faut savoir "prendre les bonnes décisions, mesurer les risques", prévient Forrest.

>> Ecouter le reportage de 15 Minutes :

Un panneau pour expliquer comment rechercher une victime d'avalanche. Verbier, janvier 2022. [RTS - Guillaume Rey]RTS - Guillaume Rey
15 Minutes - Prévention contre les avalanches: en fait-on assez? / 15 minutes / 14 min. / le 22 janvier 2022

S'informer et se former

Rien qu'en Valais, onze personnes sont mortes sous la neige la saison dernière. Dans le canton, les avalanches tuent plus que la route. Un message rappelé au moment du lancement d'une nouvelle campagne de prévention.

>> Lire : Le Valais se mobilise pour réduire les accidents liés aux avalanches

Pour éviter de se retrouver dans une situation délicate, il faut bien sûr prendre des précautions en amont: notamment regarder la météo et savoir quel est le danger d'avalanche. Le site Avalanche Check souligne que 95% des accidents mortels d'avalanche ont lieu lorsque les degrés 2 ou 3 (sur 5) sont annoncés dans le bulletin d'avalanches du SLF, l'Institut pour l'étude de neige et des avalanches. Dans 90 à 95% des cas, les personnes accidentées ont elles-mêmes déclenché leur avalanche.

La prévention passe aussi par des exercices pratiques. Skieuses et skieurs sont encouragés à se former et se perfectionner, de plus en plus de monde étant attiré par le hors-piste.

Une simulation grandeur nature

A Verbier, il est possible de s'entraîner à rechercher une personne prise sous une coulée dans un DVA-parc. La simulation grandeur nature est menée par Robin Monard. Aspirant guide, il souligne que le matériel de sécurité de base est un DVA, une sonde et une pelle. Puis il explique à ses élèves à quoi s'attendre: "Différentes balises ont été placées avec des planches en bois qui vont nous permettre d'effectuer des recherches avec notre détecteur de victime d'avalanche".

L'une des participantes s'est mise à la peau de phoque de manière soutenue depuis deux ans. Pour elle, c'est une évidence de suivre un tel cours: "Je connais des gens qui sont décédés dans des avalanches. Même les pros, les meilleurs guides de montagne, peuvent s'en aller très rapidement. S'entraîner, c'est le minimum qu'on puisse faire pour sa propre sécurité et celle des autres. Surtout celle des autres".

"A une époque, on ne parlait pas de ce danger, on disait juste: 'Il n'a pas eu de chance, il est passé sous une coulée'. C'est vrai que j'ai fait des sorties et, avec le recul, je pense que certaines fois, on a pris des risques", avoue cet autre habitué de la montagne.

Une coulée d'avalanche simulée dans le DVA-parc de Verbier, un lieu d'entraînement pour rechercher une victime ensevelie sous la neige. [RTS - Guillaume Rey]
Une coulée d'avalanche simulée dans le DVA-parc de Verbier, un lieu d'entraînement pour rechercher une victime ensevelie sous la neige. [RTS - Guillaume Rey]

Agir vite et bien

Paul-Victor Amaudruz, responsable de la sécurité de Téléverbier, a dû intervenir de nombreuses fois sur le domaine. Il constate souvent beaucoup de défauts de formation: "Il y a le côté émotionnel de l'avalanche. Il ne faut pas commencer à se demander ce que je dois sortir: une pelle? La sonde? Il faut que ça vienne d'instinct. Il faut répéter et répéter. Nous, on est tous les jours dans la neige et on s'entraîne régulièrement".

Et d'insister sur la connaissance de son matériel et la rapidité à avoir: "Intervenir trente minutes après une avalanche, c'est déjà intervenir dans la zone de mort". Car, dans le secours, ce sont les premières minutes qui sont primordiales: "C'est ça qui est le plus dur dans notre métier: nous, on est confrontés à la mort".

Mais Paul-Victor Amaudruz se remémore une fin heureuse. Alors qu'il était en train de secourir quelqu'un dans une avalanche, il voit survenir une coulée sur un autre versant: "Je sors les jumelles et je dis: 'Mais il y a un skieur là-dedans!' Un hélico était en approche: je saute dedans et, avant de prendre notre blessé, je demande à aller voir ce qui se passe. En remontant la coulée, je vois un bras qui sort. Je saute de l'hélico et on l'a sorti: il était vivant! Son copain était 300 mètres plus bas. Le temps qu'il remonte et qu'il sorte le DVA, c'était fini, c'est sûr".

Ne pas céder à l'euphorie

Lake a eu de la chance: son frère et ses amis l'ont retrouvé rapidement. Forrest n'oublie pas la leçon apprise ce jour de mars: "On ne peut pas se permettre de négliger les risques: la Nature est beaucoup plus forte que nous et on doit savoir la respecter".

Il avoue s'être laissé emporter par l'euphorie, face à la pente: "On n'a pas su rester humbles, ni prendre les décisions adéquates face à la situation. On va continuer à faire du hors-piste, mais en prenant beaucoup plus de précautions".

>> Ecouter l'interview de Laurent Vaucher, directeur de Téléverbier, sur la prévention du risque d'avalanche :

Forum: En fait-on assez pour la prévention des avalanches déclenchées par la pratique du hors-piste? [Forrest Schorderet]Forrest Schorderet
Les autorités valaisannes lancent une campagne de prévention contre le risque d'avalanche: interview de Laurent Vaucher / Forum / 6 min. / le 22 janvier 2022

Reportage 15 Minutes: Katia Bitsch & Guillaume Rey

Version web: Stéphanie Jaquet

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Skieur de randonnée tué dans une avalanche en Valais

Le skieur de randonnée grièvement blessé vendredi après-midi dans une avalanche alors qu'il se trouvait sur les hauts de Conthey (VS) a succombé à ses blessures dimanche. Le Valaisan de 72 ans avait été héliporté à l'hôpital de Sion.

L'homme faisait partie d'un groupe de cinq randonneurs qui avaient effectué l'ascension du sommet "Tita da Terra Naire" dans la région du col du Sanetsch. Lors de la descente, à 2400 mètres d'altitude, il a été emporté par une avalanche de 35 mètres de large et 150 mètres de long.

Il a tout de suite été secouru par ses compagnons, qui l'ont localisé et dégagé de la neige. Inconscient, le malheureux a été médicalisé sur place, puis héliporté à l'hôpital de Sion, où il a succombé à ses blessures dimanche dans la soirée