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L'orientation sexuelle reste un tabou bien présent dans le monde du travail

Un label distingue les entreprises ayant une vraie politique d'inclusion des personnes LGBTI
Un label distingue les entreprises ayant une vraie politique d'inclusion des personnes LGBTI / L'éclairage d'actualité / 3 min. / le 19 février 2020
Le géant de la parfumerie Firmenich pourrait devenir la première entreprise romande récompensée par un label pour sa politique d'inclusion des personnes LGBTI. Invitée de La Matinale, l'experte en prévention des discriminations Caroline Dayer salue cette avancée.

Alors que la norme anti-homophobie vient de faire un beau score lors des dernières votations, le monde de l'économie se met à bouger sur les questions liées à l'orientation sexuelle dans le monde du travail. En Suisse, 18 sociétés, toutes alémaniques, ont déjà obtenu le label Swiss LGBTI. Créé par les associations Network et Wybernet en 2018, il distingue les entreprises dotée d'une vraie politique d'inclusion des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes.

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Promouvoir des valeurs d'ouverture

En Suisse romande, le spécialiste des arômes et parfums Firmenich a commencé la procédure pour l'obtenir et pourrait devenir pionnier de ce côté-ci de la Sarine. L'entreprise a reçu mardi dans ses bureaux de Meyrin (GE) l'ambassadeur romand du label LGBTI.

"Pour nous, c'est très important de créer un environnement de travail où chacun se sente respecté et puisse apporter le meilleur de lui-même. Ça nous permet d'attirer et de retenir les meilleurs talents. Le retour sur investissement est quodidien. Aujourd'hui, il faut se comprendre, comprendre les différentes cultures et les leviers de motivation de chacun pour créer des équipes qui performent, témoigne Véronique Baulet, en charge des avantages sociaux et de la politique de diversité et d'appartenance pour Firmenich.

Quant à la possibilité de profiter du label pour s'acheter une bonne image à peu de frais, ses promoteurs ne s'en formalisent pas: "Son obtention représente une centaine d'heures de travail, c'est plutôt contraignant. Après, si les entreprises s'en servent pour leur communication, c'est tant mieux! C'est le but du jeu: promouvoir des valeurs fortes, des valeurs d'ouverture et d'inclusivité... Il faut que ça serve à l'interne mais aussi à l'externe", considère Raphaël Hatem, l'ambassadeur romand de ce label LGBTI.

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Peu pris en compte par le monde du travail

Le monde du travail prend encore très peu en compte l'orientation et l'identité sexuelle, car on considère souvent que ces questions relèvent de la vie privée. Pourtant, "on ramène pas mal de sa vie privée dans son lieu de travail. On travaille avec des personnes, qui ont toujours deux côtés: le professionnel et le privé. On peut pas découpler les deux", estime Félix Frowein, responsable de la division "soin du corps et produits ménagers" du groupe et homosexuel. Selon lui, dire que ces questions doivent rester du domaine privé est assez artificiel. Il n'imagine plus devoir cacher son orientation sexuelle sur son lieu de travail.

On ramène pas mal de sa vie privée dans son lieu de travail. On travaille avec des personnes, qui ont toujours deux côtés: le professionnel et le privé. On peut pas découpler les deux

Félix Frowein, cadre chez Firmenich

Invitée de La Matinale de la RTS mercredi, Caroline Dayer, docteur et chercheuse en prévention des violences et discriminations, conseil pour les entreprises salue ces avancées. "On a parlé les discriminations liées au sexe, et maintenant, on met en avant les LGBTI. On voit une vraie prise de conscience. Jusqu'ici, on se concentrait sur le contexte scolaire, en raison des violences et du silence. Mais l'autre bastion, c'est le monde du travail, car beaucoup de personnes ne peuvent pas être elles-mêmes au travail", constate la spécialiste.

"Ne pas être soi-même au travail a un impact sur la santé"

Selon elle, le tabou de l'orientation sexuelle est encore bien présent dans le monde du travail, même s'il diffère beaucoup en fonction de la taille ou du secteur de l'entreprise. "On voit aussi que la Suisse allemande est beaucoup plus avancée sur ces aspects", poursuit Caroline Dayer. "Ne pas être soi-même au travail a un impact sur la santé, et crée un climat de travail délétère. Or, 70% des personnes concernées ont été la cible directe ou ont été témoins de violences, railleries ou insultes.

Etre la cible de discriminations au travail n'a rien à voir avec la vie privée. C'est quelque chose qui est de l'ordre professionnel, voire sociétal

Caroline Dayer, docteur et chercheuse en prévention des violences et discriminations

Pour elle aussi, l'argument visant à confiner la question de l'orientation sexuelle à la sphère privée n'a pas lieu d'être, d'autant plus que les gens parlent "tout le temps" d'hétérosexualité au travail. "Etre la cible de discriminations au travail n'a rien à voir avec la vie privée. C'est quelque chose qui est de l'ordre professionnel, voire sociétal", insiste la chercheuse.

>> Ecouter son interview dans La Matinale:

Propos recueillis par Valérie Hauert
Sujet radio: Cléa Favre
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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