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"Américains et Iraniens savent qu'il n'y a jamais de fuite avec la Suisse"

L'ambassadeur de Suisse à Washington Jacques Pitteloud. [RTS - Raphaël Grand]
L’ambassadeur Jacques Pitteloud s’exprime sur les relations entre la Suisse et les Etats-Unis / Tout un monde / 7 min. / le 9 décembre 2019
Ancien agent secret, Jacques Pitteloud est depuis cent jours ambassadeur de Suisse à Washington. Après l'échange de deux prisonniers entre les Etats-Unis et l'Iran, il revient sur la légendaire discrétion qui fait la force de la diplomatie suisse.

A Washington, Jacques Pitteloud est en charge d'assurer le suivi des grands dossiers qui lient la Suisse et les Etats-Unis. L'un d'entre eux - la protection des intérêts américains en Iran - a permis ce week-end un échange de prisonniers et la Maison Blanche a remercié la Suisse pour ses bons offices.

>> Lire : Echange de prisonniers entre l'Iran et les Etats-Unis grâce à la Suisse

Dans cette période de tension particulière entre Washington et Téhéran, l'interaction de la diplomatie helvétique est intense mais pas forcément plus qu'à d'autres moments. "Les échanges par le biais de la Suisse ont toujours été intenses", souligne Jacques Pitteloud lundi dans l'émission Tout un monde. "C'est un rôle qui est extrêmement important pour nous, qui nous donne une visibilité exceptionnelle dans cette capitale pour un pays de notre taille."

C'est cette discrétion légendaire des Suisses qui fait que nous pouvons continuer à gérer cette relation.

Jacques Pitteloud

"Et c'est une visibilité" qui tient au fait que les Américains et les Iraniens savent qu'il n'y a jamais de fuite et que donc nous ne dévoilons jamais le contenu de ce qui se passe", poursuit l'ambassadeur. C'est précisément cette discrétion légendaire des Suisses sur ce dossier qui fait que nous pouvons continuer à gérer cette relation."

Une "fenêtre d'opportunité" pour l'accord de libre-échange?

Un autre grand dossier, économique celui-ci, est celui d'un possible accord de libre-échange entre la Suisse et les Etats-Unis. Les discussions ont repris après l’échec de 2006. La semaine passée, l’ambassadeur a du reste accompagné une délégation économique d’Avenir Suisse à Washington. Car le moment pourrait s'avérer particulièrement favorable avant que la fenêtre d'opportunité ne se referme.

"Maintenant serait un moment favorable pour lancer ce genre de négociation", relève le diplomate. "Ce serait en tout cas un moment certainement plus favorable que dans six mois, où le pays sera vraiment totalement absorbé par la campagne présidentielle."

Un accord de libre-échange serait une cerise sur le gâteau, une garantie pour l'avenir.

Jacques Pitteloud

L'ambassadeur souligne que les relations économiques avec les Etats-Unis sont en ce moment excellentes, tout comme la balance commerciale. "Un accord de libre-échange serait une cerise sur le gâteau, une garantie pour l'avenir", dit-il. Mais Jacques Pitteloud reconnaît que l'intérêt d'un tel accord reste relativement modeste côté américain, "parce qu'il y a une approche assez mercantile: qu'est-ce que nous avons à gagner à un accord de libre-échange?", se demandent-ils.

L'attitude de la Suisse, elle, est plus large: "Dans un monde dans lequel le libre-échange fait l'objet de plus en plus d'attaques de tous les côtés, quand les pays qui croient au libre-échange décident de s'engager aussi formellement, il y a toute une valeur symbolique et politique qui va bien au-delà d'une croissance des échanges commerciaux qui de toute façon sont excellents et continuent à croître."

Pas de feu vert de Berne

L'ambassadeur précise ne pas avoir reçu de feu vert du Conseil fédéral pour négocier cet accord de libre-échange. Mais les discussions se poursuivent avec une administration Trump qui semble apprécier cette Suisse neutre, indépendante, et dont l’économie libérale plaît aux conservateurs américains.

Propos recueillis par Raphaël Grand/oang

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