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Minarets: le gouvernement tente de sauver la face

Hans-Rudolf Merz est la principale cible du rapport publié à Berne.
Devant la presse, le président a répété sa volonté de poursuivre le dialogue.
Cinq jours après la votation sur les minarets, le Conseil fédéral s'efforce de préserver l'image de la Suisse, ternie par le résultat du scrutin. Alors que Micheline Calmy-Rey accordait une interview au «Monde» vendredi, Hans-Rudolf Merz a annoncé qu'il s'entretiendrait avec le roi d'Arabie saoudite.

Le gouvernement s'est penché sur les résultats du scrutin lors
de sa séance de vendredi. Par la voix du président de la
Confédération Hans-Rudolf Merz, il a répété sa conviction que
l'acceptation de l'initiative anti-minarets n'équivalait pas un
refus des musulmans, de leur culture et de leur religion.



La ministre de justice et police Eveline Widmer-Schlumpf va
rencontrer ce mois encore la communauté musulmane de Suisse. Cette
rencontre s'inscrit dans la volonté du Conseil fédéral de
poursuivre le dialogue après le vote de dimanche contre la
construction de minarets.

Tirer les leçons du scrutin

Ce vote est l'expression de certaines peurs, lesquelles doivent
être prises au sérieux, a souligné l'Appenzellois, reprenant les
grandes lignes de l'argumentaire présenté déjà dimanche par le
Conseil fédéral. Il s'agira d'analyser de manière approfondie les
motifs ayant poussé la majorité des votants à déposer un «oui» dans
les urnes.

«Nous devons rester serein
et ne pas surréagir», a affirmé Hans-Rudolf Merz qui pense que ce
résultat de dimanche est un cas spécifique qui ne se répétera pas
souvent. Selon lui, la réflexion que mènent les autorités
influencera les décisions que le Parlement devra prendre à l'avenir
sur de telles initiatives. Les Chambres fédérales examinent
d'ailleurs déjà cette question.



Hans-Rudolf Merz refuse pour l'instant de dire ce que le Conseil
fédéral fera si la Cour européenne de Strasbourg devait condamner
la Suisse. Il est trop tôt pour spéculer de l'avenir des minarets
tant qu'aucune décision de justice n'a été rendue. Pas question non
plus d'aller vers une interdiction de la burka ou d'autres
expressions de l'islam, comme certains partis l'ont aussitôt
proposé.

Un coup de fil aux Saoudiens

Le Conseil fédéral veut aussi favoriser le dialogue à
l'étranger. Hans-Rudolf Merz a annoncé qu'il avait l'intention de
téléphoner au roi d'Arabie saoudite, «qu'il connaît bien». La
ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a pour sa part
déjà eu un contact téléphonique avec son homologue turc. Il s'agira
de soigner les contacts avec les pays musulmans.



«Nous n'avons pas à nous excuser mais à expliquer les
circonstances dans lesquelles la votation s'est déroulée», a répété
Hans-Rudolf Merz. A ses yeux, il est important que la Suisse
informe les chefs d'Etat du monde musulman et qu'elle puisse
identifier leurs préoccupations.



Répondant à un journaliste inquiet d'éventuelles représailles, le
président de la Confédération a encore assuré qu'il n'avait pas
connaissance de menaces sur la sécurité du pays.

Un allié

Au milieu de toutes ces craintes et ces critiques, la Suisse a
trouvé vendredi un allié. Le ministre allemand des Affaires
étrangères Guido Westerwelle a pris la défense de la Suisse après
les sévères critiques dont elle a été l'objet en raison du vote sur
l'interdiction de construire des minarets.



La Suisse est une des plus anciennes démocraties, bâtie sur
l'égalité et la tolérance, a-til dit. Il aurait préféré que
l'initiative sur laquelle se prononçait le peuple dimanche dernier
connaisse un autre sort. Mais affirmer maintenant que la Suisse est
devenue un pays non-démocratique et intolérant est «totalement
inapproprié», a-t-il affirmé dans un entretien accordé au quotidien
«Frankfurter Allgemeine Zeitung» dans son édition de samedi.



agences/sbo

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«Le résultat aurait été le même en France», selon Micheline Calmy-Rey

Micheline Calmy-Rey s'exprimait elle dans un entretien au journal «Le Monde» vendredi. Un référendum sur l'interdiction des minarets, s'il était organisé en France, donnerait le même résultat qu'en Suisse, a estimé la conseillère fédérale.

Car ce vote «reflète des peurs et des craintes qui sont aussi présentes dans d'autres pays», a-t-elle ajouté.

«La Suisse n'est pas un pays de révolutions. Les gens s'expriment, et n'ont pas peur de dire des choses. Je suis assez sûre que si ce vote avait eu lieu ailleurs, en France par exemple, il aurait donné le même résultat», a déclaré la cheffe de la diplomatie helvétique

«Cette affaire surgit dans un pays qui ne connaît pas de problèmes d'extrémisme musulman», a-t-elle estimé. «Le gouvernement et les partis politiques ont été surpris du résultat. Reste que les Suisses ne vivent pas seulement entre eux. Ils habitent au coeur de l'Europe. Leurs craintes sont les mêmes que celles qui s'expriment dans les pays voisins».

La cheffe du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) estime que ce vote, qui a suscité un émoi international, s'explique par «plusieurs composantes», dont certaines sont cependant spécifiquement suisses.

Elle cite à ce sujet «la retenue de deux Suisses en Libye depuis seize mois, les pressions internationales contre le secret bancaire, la crise économique, la peur de perdre son travail, la peur de l'extrémisme islamiste, l'amalgame entre islam et atteinte aux droits de la femme, etc».

Le référendum lancé par l'UDC visant à interdire la construction de minarets a été accepté dimanche par 57,5% des votants.