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Minarets: l'ONU se penche sur l'interdiction

Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme étudie la conformité de l'interdiction.
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme étudie la conformité de l'interdiction.
Alors que l'ONU étudie la conformité de l'interdiction des minarets décidée par le peuple suisse avec le droit international, la votation soulève un tollé international. Les voisins européens se disent «scandalisés», tandis que les pays musulmans accueillent le scrutin comme une «insulte».

Un porte-parole du Haut Commissariat de l'ONU aux droits de
l'homme a précisé que l'ONU prendra position sur le résultat du
scrutin. "Des experts sont en train d'examiner la question sur le
plan légal", a-t-il affirmé. Il n'a pas indiqué quand la prise de
position de l'ONU sera rendue publique.



Lors de la campagne, des experts de l'ONU avaient mis en garde les
autorités fédérales à plusieurs reprises en raison du caractère
discriminatoire de l'initiative.



Dans ses recommandations finales, publiées le 30 octobre, le
comité des droits de l'homme de l'ONU s'était déclaré préoccupé par
l'initiative anti-minarets et "la campagne d'affiches
discriminatoire" qui l'accompagnait.

Un objet de vote gênant

Le secrétaire général du Conseil de l'Europe Thorbjorn Jagland a
lui estimé que le vote suisse suscite des interrogations sur la
pratique de référendums populaires lorsque le sujet relève des
droits fondamentaux, tout en soulignant que se prononcer sur des
problèmes de société est un droit en démocratie.



L'interdiction des minarets touche, selon Th.Jagland, à la liberté
de religion et à l'interdiction de toute discrimination. "Si la
Cour européenne des droits de l'homme était saisie d'une requête,
ce serait à elle de décider si l'interdiction de construire de
nouveaux minarets est compatible avec la Convention" a-t-il
affirmé. Le ministre de l'Intérieur suédois, Tobias Billström, a
lui aussi jugé à Bruxelles "surprenant" de soumettre un tel sujet à
référendum.



L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est pour sa
part déclaré "très préoccupée" par le résultat du référendum qui
risque, selon elle, "d'encourager des sentiments d'exclusion et
d'approfondir les clivages" dans nos sociétés.

Malaise européen face à l'islam

Les pays de l'Union européenne ont aussi déploré
individuellement le vote suisse. Présente à Bruxelles lundi,
la ministre suisse de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf , n'a pas caché son
embarras.



"C'est l'expression d'un préjugé et peut-être même d'une peur mais
il est clair qu'il s'agit à tous égards d'un signe négatif", a
déclaré le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt,
dont le pays assure la présidence de l'UE.

La victoire des anti-minarets dans un
référendum en Suisse dimanche relève d'une peur de l'islamisation
du pays qui existe aussi en Allemagne et qui doit être "prise au
sérieux", estime lundi un responsable du parti de la chancelière
Angela Merkel, la CDU.



Critiquer la décision suisse serait contre-productif, avertit
Wolfgang Bosbach, responsable de la commission des Affaires
intérieures du Parlement, dans le quotidien Berliner Zeitung. Ce
résultat traduit la peur d'une islamisation de la société, et
"cette crainte doit être prise au sérieux", a-t-il ajouté.



Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner , s'est lui déclaré "un peu scandalisé"
par une vote qui est selon lui "une expression d'intolérance". "Il
ne faudrait pas donner le sentiment de stigmatiser une religion, en
l'occurrence l'islam", lui a fait écho à Bruxelles le ministre
français de l'Immigration Eric Besson.



Le Vatican a évoqué une "entrave (à) la liberté de religion", tout
en reconnaissant l'existence d'un "sentiment d'aversion et de
peur". Amnesty International a dénoncé «une violation de la liberté
religieuse, incompatible avec les conventions signées par la
Suisse».

Un vote récupéré par les partis d'extrême droite

Le député néerlandais d'extrême droite Geert Wilders a appelé
les Pays-Bas à organiser une consultation populaire similaire au
référendum sur l'interdiction de minarets tenu dimanche en Suisse,
selon le site internet de son parti lundi.



«Ce qui est possible en Suisse doit également pouvoir se faire
ici», a déclaré le député dans un texte publié par le site du Parti
pour la liberté (PVV), qui occupe neuf sièges sur 150 à la chambre
basse du parlement.



«Nous allons appeler le gouvernement à faire en sorte qu'un tel
référendum soit possible aux Pays-Bas», a-t-il précisé à l'agence
de presse néerlandaise ANP, saluant «un résultat fabuleux» après
l'adoption de l'interdiction des minarets par 57,5% des votants
suisses lors du référendum de dimanche.



Il a affirmé que son parti, qui dénonce une «islamisation» de
l'Europe et qualifie le Coran de «fasciste », pouvait aussi en
prendre l'initiative par le biais d'une proposition de loi.



En France, la vice-présidente du Front National, Marine Le Pen, a
appelé les «élites» françaises, comme suisses, à «cesser de nier
les aspirations et les craintes des peuples européens qui, sans
s'opposer à la liberté religieuse, rejettent les signes
ostentatoires que veulent imposer des groupes politico-religieux
musulmans».



agences/sbo

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Le monde musulman en état de choc

Les principales organisations musulmanes françaises ont exprimé leur "tristesse" et leur "consternation". Pour le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, "le résultat de ce vote a surpris voire choqué tous les citoyens européens épris de paix et de justice". Le résultat de ce vote, ajoute-t-il "vient nous rappeler une fois de plus que le Vivre ensemble n'est jamais définitivement acquis".

Dans les pays musulmans, les quelques réactions qui sont tombées (plusieurs Etats musulmans vivaient lundi un jour férié) étaient vives.

Le Kosovo et la Turquie, deux des principaux pays dont sont issus les musulmans de Suisse, ont réagi avec incompréhension et déception au vote sur les minarets. La ministre turc de la culture a dénoncé une violation de la liberté de culte. "Un tel référendum anachronique n'aurait pas dû avoir lieu dans l'époque que nous vivons", a-t-il estimé.

La Libye a critiqué la décision du peuple suisse. Selon l'agence officielle Jana, ce vote renforce les tendances racistes dans le pays.

Le grand Mufti d'Egypte, Ali Gomaa, a estimé que le vote des Suisses était "une insulte", mais il a demandé à ses frères religieux de ne pas se sentir provoqués par cette interdiction. Le grand Mufti a aussi encouragé les 400'000 musulmans vivant en Suisse à utiliser les moyens légaux pour contester le résultat de la votation.

Le secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) Ekmeleddin Ihsanoglu s'est dit lundi "déçu et préoccupé" par la "recrudescence des incitations anti-islamiques en Europe", appelant lui aussi à des réactions "pacifiques".

La Nahdlatul Ulama, principale organisation musulmane d'Indonésie, plus grand pays musulman au monde, y a vu un signe de "haine" et d"'intolérance", tout en appelant elle aussi à "ne pas réagir avec excès".

Ce vote "reflète l'islamophobie extrême" des Occidentaux a jugé pour sa part le Pakistanais Khurshid Ahmad, vice-président du Jamaat-e-islami. Pour ce parti islamique radical siégeant au parlement, "cette nouvelle décision viole les principes de compréhension mutuelle et de tolérance religieuse".

Un influent dignitaire religieux chiite libanais, l'ayatollah Fadlallah, a dénoncé un vote "destiné à inciter au racisme contre les musulmans en Occident".