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Procès Tinner: débat autour des documents détruits

L'affaire des documents détruits puis retrouvés continue de faire des vagues.
La destruction des documents pourrait peser sur le procès Tinner.
La question de savoir si les frères Tinner et leur père, accusés de contrebande nucléaire, bénéficieront d'une procédure correcte reste ouverte. Car quelle que soit l'issue du bras de fer actuel entre le Conseil fédéral et la justice, la plus grande partie des documents versés au dossier a déjà été détruite.

Au début de la procédure pénale menée à l'encontre de la famille
Tinner, une grande quantité de dossiers, supports de données et
autres documents était disponible, a révélé la NZZ am Sonntag. Ce
matériel avait été saisi lors de perquisitions effectuées en 2004
lorsque le réseau d'Abdul Qadeer Khan, le "père" de la bombe
atomique pakistanaise, est tombé, et avec lui les Tinner.

Matériel manquant

Mais lorsque le juge d'instruction Andreas Müller a repris la
procédure des mains du Ministère public de la Confédération, il ne
restait plus qu'une fraction de ce matériel. Confronté à ce vide,
il a alors listé sur 21 pages, que l'ATS a pu consulter lundi, ce
qui manque.



Plusieurs douzaines d'ordinateurs, des centaines de disquettes, de
CD et de DVD, des sacs en plastique remplis de billets d'avion et
de justificatifs de banque, des cartes mémoires, des livres de
notes, des formulaires et bons de commandes, des documents de
voyages, des faxs ou encore des clés de voiture ont disparu. Huit
classeurs principaux et 79 classeurs fédéraux, qui contenaient les
actes de procédure du Ministère public de la Confédération,
manquent aussi à l'appel.

Contenu mystérieux

Selon le Conseil fédéral, les documents et autres pièces qui ont
été détruits ne contenaient pourtant que des informations de type
technologique, comme des plans de construction pour des armes
nucléaires et des centrifugeuses à gaz.



Le juge d'instruction n'a de fait reçu que 45 classeurs principaux
et 47 classeurs fédéraux avec leur documentation. Quant aux 38
classeurs qui ont ressurgi en avril 2009, suscitant la polémique
actuelle, leur contenu reste mystérieux.

La défense se plaint

Pour l'avocat d'Urs Tinner, Roman Bögli, cela ne change rien au
fait que la plus grande partie du matériel a déjà été détruit et
qu'il ne lui est désormais plus possible de mener une défense
correcte. C'est pourquoi il n'entend ni retirer ni modifier la
plainte qu'il a déposée contre la Suisse devant la Cour européenne
des droits de l'homme.



Une démarche soutenue par le professeur de droit public st-gallois
Rainer Schweizer. La défense pourrait pour chaque point
d'accusation faire valoir que du matériel à décharge a été détruit,
a-t-il relevé.

Réponse de l'expert

Pour Daniel Jositsch au contraire, il faut, dans cette affaire,
se demander, comme dans tout procès pénal, s'il est possible de
prouver, sur la base des documents disponibles et sans l'ombre d'un
doute, la culpabilité des accusés. Et le spécialiste en droit pénal
et conseiller national (PS/ZH) de rappeler qu'il arrive
régulièrement que des dossiers soient lacunaires parce que les
accusés détruisent ou mettent de côté du matériel important.



L'affaire Tinner n'est certes pas "un procès de tous les jours",
selon les termes du juriste lucernois Felix Bommer. Et d'expliquer
que ce qu'il y a de spécial dans la procédure à l'encontre des
Tinner, c'est que l'Etat réclame une peine au nom de ses plus hauts
intérêts mais qu'en même temps il détruit le matériel de
preuve.



Même si une preuve peut être établie sur la base du matériel à
disposition, il n'y a aucune certitude que le déroulement des faits
a été correctement reconstruit, a-t-il relevé. "On ne sait pas ce
que contenaient les documents détruits. Et de ce fait, on ne peut
pas exclure qu'ils contenaient du matériel à décharge", a dit Felix
Bommer.



ats/hof

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