Publié Modifié

Apprendre l'amour malgré le handicap

Dans ce village genevois, les histoires de cœurs sont nombreuses. À Aigues-Vertes, près de 200 adultes vivent avec des déficiences intellectuelles. Dans la série "Comme les autres", Nouvo explore les relations amoureuses sous toutes ses facettes. De l'apprentissage de l'amour, à la vie de couple en passant par l'intimité et la perspective de fonder une famille, Aurélie, Andréa, Marton, Kathleen, et Sabrina ont accepté de partager leur quotidien et de se livrer sur leur définition de l'amour.

Hélène Joaquim et Dilon Dauti

La fondation Aigues-Vertes

qu’est-ce que c’est ? 

Des ateliers, une ferme, une mairie, une chapelle, un café, des infrastructures sportives, 18 résidences adaptées et même un arrêt de bus. L'institution reconnue d'utilité publique ressemble bel et bien à un village.

Le village d'Aigues-Vertes dans le canton de Genève
Le village d'Aigues-Vertes (GE)

Aigues-Vertes a été développé par une communauté anthroposophe qui s'est inspirée d'un village du Yorkshire (Botton) en Grande-Bretagne. La fondation a été créée en 1961 par des parents de personnes en situation de handicap. Dès ses débuts, l'intégration sociale et économique des bénéficiaires est au cœur du projet.

La population accueillie présente une variété de diagnostics tels que la trisomie 21, syndrome de X fragile, troubles du spectre de l'autisme. Toutes et tous rencontrent des difficultés d'apprentissage. Aujourd'hui près de 280 professionnels travaillent au sein de l'institution. Comme le prévoit la Convention des Nations unies pour les personnes handicapées, l'objectif est de favoriser une vie quotidienne aussi ordinaire, autonome et inclusive que possible.

Épisode 1

"Apprendre à aimer"

Dans ce premier épisode, on part à la rencontre d'Aurélie, Marton et Kathleen.

Aurélie est maire du village, elle travaille sur l'exploitation agricole de la fondation et depuis le début de l'année elle est aussi serveuse dans un café en dehors du village. Avec beaucoup de tendresse, Aurélie se confie sur son histoire. "C'est juste hallucinant le parcours que j'ai fait. Au début, ce n'était pas facile. J'avais un besoin médicamenteux qui était énorme." Quand le sujet de l'amour est évoqué, Aurélie répond: "je suis archi-timide sur ça, je ne suis pas encore très à l'aise (…) ce sont mes deux objectifs cette année  trouver l’amour et être un petit plus tactile".

"C'est très difficile de rencontrer quelqu'un ou de maintenir une relation", explique Sonia Gorgone, responsable du groupe "Vie Intime Affective et Sexuelle". Cette psychologue de formation travaille depuis 16 ans dans ce village dont elle est tombée amoureuse. Par des suivis individuels ou des groupes d'expression, Sonia et son équipe interviennent auprès des bénéficiaires qui le souhaitent ou des professionnels qui travaillent dans le village.

De son coté, Marton est un fin mélomane. Sa passion: le piano. Il réalise actuellement des études de composition à la Haute École de Musique de Genève. "A l'école, mes camarades n’ont jamais su que j'avais un handicap", raconte-t-il. Et pourtant, il est conscient que pour d’autres personnes, cela n'a pas toujours été évident. Il est en couple avec une autre villageoise: Kathleen. "Dans un monde d'intolérance, de préjugés, ce n'est jamais facile. (…) mais maintenant, elle est avec des gens qui la comprennent."

Avec son chat ou à l'équitation, la jeune femme de 35 ans s'épanouit au contact des animaux. Depuis toute petite, elle monte à cheval dans un ranch à Bernex. L'équitation est sa thérapie: "J'ai beaucoup de capacité pour ça et c’est là où je suis la plus douée. Ce n'est pas parce qu'on est handicapé qu'on est débile. On sait faire les choses comme vous tous", lâche-t-elle.

Épisode 2

"Être en couple"

Déménager et vivre en couple, des étapes de vie importantes. Dans ce deuxième épisode, les habitants et habitantes d'Aigues-Vertes nous ouvrent les portes de leur intimité. Gagner en indépendance quand on vit avec une déficience intellectuelle, ça se prépare. C'est notamment le rôle de Sonia Gorgone, responsable du pôle vie indépendante à Aigues-Vertes. Cet hiver, plusieurs couples ont eu l'opportunité de déménager dans une nouvelle maison à l'extérieur d'Aigues-Vertes. Ils et elles ont accepté de nous livrer ce grand changement, un peu stressant. 

"L'amour, c'est faire des bisous à la bouche, des câlins. Et des sentiments! Trop de sentiments. Dans un coeur, ça fait: boum, boum, boum, boum", plaisante Andréa, 28 ans. La jeune femme vient de déménager avec son copain Sandro dans une nouvelle maison à Bernex. Avec d'autres bénéficiaires d'Aigues-Vertes, le couple vit maintenant à l'extérieur de la fondation. Depuis quelques années, Andréa travaille au tea-room du village: "j'aime beaucoup mon travail", explique-t-elle.

Pour Sonia Gorgone, pendant très longtemps, on a comparé les adultes qui vivent avec des déficiences à des enfants. "Cela n'était pas vraiment en phase avec une vie d'adulte qui rencontre d'autres personnes, qui a des désirs. On est toujours confronté à deux valeurs: la liberté, le choix d'un côté, la sécurité et le besoin d'aide d'un autre côté, mais aujourd'hui, ça a quand même changé. Tout un cheminement est en train de se faire avec la Convention relative aux droits de personnes handicapées." Toutes des façons d'être de l'institution qui doivent être modifiées avec la société.

Épisode 3

"Faire l'amour sans tabou"

Avoir de l'affection pour quelqu'un, cela se concrétise-t-il toujours par des relations intimes? A Aigues-Vertes, le sexe n'est pas tabou. "Quand on est amoureux et tout, on s'adapte et on dort dans le même lit", résume Andréa, 28 ans. "Quand je vois le joli corps de Sandro, je tombe par terre", ajoute-t-elle en riant.

Dans cet épisode, Marton et Andréa ont accepté de nous parler de leur intimité.

Ici, on met tout en place pour que les villageois et villageoises s'épanouissent comme les autres. Par exemple, des ateliers gérés par le groupe "Vie Intime, Affective et Sexuelle" sont organisés toutes les semaines. Le thème du jour: les règles. Un tampon, une serviette, une culotte de règles... "Le but, c'est déjà de pouvoir faire des choix. S'il existe plusieurs alternatives, on se dit que la personne pourra faire le choix qui est le plus confortable pour elle", explique Sonia Gorgone. "Le sang, c'est pas bleu? " "C'est quoi, un tampax? "

Épisode 4 - diffusion le 11 mai

"Fonder une famille"

 « Quand je vois un enfant, ça me fait quelque chose », explique Andréa. « Aigues-Vertes, ce n’est pas fait pour les bébés », rétorque Kathleen. Fonder une famille, devenir parent, c'est un droit. Dans ce village genevois, le désir de parentalité existe. Pourtant, depuis sa fondation en 1961 il n'y ait jamais eu de naissance, pourquoi ?

Dans cet épisode, les bénéficiaires de la fondation se confient sur leur envie ou non de devenir parent, ou de se marier. De son côté, Sonia et le groupe VIAS ("Vie Intime, Affective et Sexuelle") font tout pour accompagner les villageois et villageoises dans leurs projets. 

A l'occasion de la Saint-Valentin, Aigues-Vertes s'est transformé en village de l'amour. L'espace bien-être a ouvert ses portes à celles et ceux qui souhaitaient s'apprêter. Pendant la soirée, un diner romantique était organisé avec rose et petit concert intimiste.