Le climat en questions. [RTS]
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FAQ sur le climat

Réchauffement et dérèglement climatique, c'est la même chose? Quelle est l'empreinte carbone des Suisses? Pourquoi la lutte contre le réchauffement climatique n'avance pas plus vite? RTSinfo répond aux réponses les plus fréquentes sur le dérèglement climatique et ses effets sur le quotidien.

Réchauffement et dérèglement climatique, c'est la même chose? Quelle est l'empreinte carbone des Suisses? Pourquoi la lutte contre le réchauffement climatique n'avance pas plus vite? RTSinfo répond aux réponses les plus fréquentes sur le dérèglement climatique et ses effets sur le quotidien.

Réchauffement et dérèglement climatique, c'est la même chose?

  • Réchauffement et dérèglement climatique, c'est la même chose?

Le réchauffement climatique désigne l'augmentation de la température moyenne de la surface terrestre, même s'il est souvent utilisé pour évoquer les changements climatiques de manière générale.

Le dérèglement climatique et les changements climatiques évoquent l'ensemble des phénomènes inhabituels provoqués par l'activité humaine: sécheresses, incendies, élévation du niveau des mers, inondations, fonte des glaces polaires, tempêtes…

  • Quelles sont les principales conséquences du dérèglement climatique?

Il y a des conséquences directes comme la hausse des températures de l'air et de l'eau, l'élévation du niveau des mers, l'intensification des précipitations, l'augmentation des cyclones et des sécheresses, la fonte des glaciers ou encore le dégel du pergélisol.

Et des conséquences indirectes comme la baisse des rendements agricoles, la multiplication des crises alimentaires, la prolifération de maladies, la diminution des ressources en eau, l'augmentation du nombre de réfugiés climatiques, la perte de biodiversité... Et tout cela a bien sûr un coût économique énorme.

  • C'est quoi l'effet de serre?

C'est un processus naturel qui a une influence majeure sur les températures qui règnent sur Terre. La surface terrestre est réchauffée par le rayonnement solaire et le reflète à son tour dans l'atmosphère qui le tient en partie captif.

Sans cet effet, la température sur notre planète avoisinerait les -18°C! Mais depuis plusieurs décennies, les climatologues s'alarment quant à une accentuation de l'effet de serre, produite par l'industrialisation et les activités humaines.

L'effet de serre. [OIEau, 2019]
L'effet de serre. [OIEau, 2019]
  • Qu'est-ce qu'une empreinte carbone?

C'est la quantité de gaz à effet de serre émise par une personne, une entreprise, une ville ou un pays. Elle inclut les émissions directes (ce qui sort des véhicules, chaudières, etc.), indirectes (quantité émise à l'étranger pour produire les biens de consommation ou matières premières importés, ainsi que leur transport), très indirectes (placements financiers sur des entreprises émettant beaucoup de gaz à effet de serre, par exemple, traitement de fin de vie des produits). On parle aussi de scopes 1, 2 et 3. Le scope 3 peut représenter 95% des émissions selon les entreprises.

  • Comment on la calcule?

L'empreinte carbone se mesure en tonnes d'équivalent CO2. Par exemple, 1 tonne équivalent CO2 correspond à environ à 138 repas avec du boeuf ou 1961 repas végétariens, 42 jeans en coton, 4590 kilomètres en voiture, un aller-retour Paris-New York en avion et 64 smartphones (sans compter tout ce qu'ils dépensent en données numériques!).

  • Quelle est l'empreinte carbone des Suisses?

L'empreinte carbone des Suisses est évaluée à environ quinze tonnes par an et par personne, dont les deux tiers sont provoqués à l'étranger. Elle se situe dans le top 15 des pays les plus émetteurs. Cela s'explique entre autres par notre pouvoir d'achat et notre propension à voyager. Avec les investissements financiers, l'empreinte suisse est encore multipliée par vingt.

  • Combien pèsent l'alimentation, les transports, le logement ou encore les énergies dans l'empreinte carbone?

Ces proportions varient selon les pays. En Suisse, selon des calculs de l'EPFL, on estime que 30% de l'empreinte carbone des individus est attribuée au transport (soit quatre tonnes qui se partagent à égalité entre la voiture et l'avion), 15% à notre alimentation (dont la moitié revient à la viande, aux produits laitiers et aux oeufs) et 25% à notre habitat (principalement pour le chauffage).

A l'échelle du pays, selon le recensement de l'Office fédéral de l'environnement, un tiers environ revient au transport, un quart à l'industrie, un quart aux bâtiments et 14% à l'agriculture.

A l'échelle du Globe, plus des deux tiers incombent aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), le reste à la déforestation.

Des calculateurs en ligne adaptés à la Suisse permettent dévaluer globalement son empreinte personnelle: WWF, myclimate.

  • La compensation carbone, ça sert à quelque chose?

L'idée est de compenser ses émissions de carbone en finançant des projets qui permettent de réduire d'autres émissions. Par exemple, des projets d’énergie éolienne ou géothermique, des usines de biogaz ou des projets de reforestation pour capter le CO2 dans l'atmosphère.

Cette stratégie est toutefois réservée à celles et ceux qui en ont les moyens et n'induit pas les changements de comportement nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique.

De nombreuses études soulignent les limites du reboisement; les arbres captent la quantité de carbone qui leur est "allouée" sur trente ou quarante ans, alors que nous devons réduire les émissions dès maintenant, certaines espèces plantées sont inadaptées et utilisent énormément de terre dans des pays qui en auraient besoin pour les cultures.

En outre le reboisement est loin de pouvoir compenser ne serait-ce que la déforestation.

Les étapes de la contribution à la neutralité carbone. [Capitaine carbone]
Les étapes de la contribution à la neutralité carbone. [Capitaine carbone]
  • A quoi sert le GIEC?

Le GIEC est le Groupe d’expertise intergouvernemental sur l'évolution du climat créé en 1988 par les Nations unies en vue de fournir des synthèses périodiques sur les changements climatiques. Ces spécialistes ne produisent aucune étude mais compilent ce qui a été publié jusque-là. Le dernier rapport, diffusé en mars 2023, synthétise ainsi les connaissances scientifiques acquises entre 2015 et 2021.

Ces rapports permettent de se faire une idée régulière de l'état des connaissances et de la gravité de la situation. Ils identifient également les possibilités de limiter l'ampleur du dérèglement climatique et les manières de s'adapter aux changements attendus. Cette production scientifique est au coeur des négociations internationales sur le climat, elle est fondamentale pour alerter les personnes appelées à prendre des décisions politiques.

  • Quels sont les scénarios possibles?

Le GIEC a identifié cinq scénarios:

Deux projections optimistes correspondent aux objectifs fixés par l'accord de Paris: maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C. Les nations agissent sans attendre et réduisent dès 2020 et drastiquement l'usage qu'elles font des énergies fossiles.

La neutralité carbone est atteinte au milieu du XXIe siècle et les émissions finissent par devenir négatives, car l'humanité commence à en retirer de grandes quantités de l'atmosphère à l'aide de technologies qui seront mises au point. A la fin du siècle, la Terre s'est réchauffée de 1,4°C (premier scénario) à 1,8°C (deuxième scénario), selon la vitesse à laquelle nous agissons.

Dans le scénario modéré, les émissions de CO2 demeurent élevées jusqu'au milieu du siècle. A la fin du XXIe siècle, les températures ont augmenté de 2,7°C. Cette projection est "à peu près cohérente" avec les engagements pris à l'horizon 2030 par les nations qui ont signé l'accord de Paris.

Dans la prévision pessimiste, la coopération internationale s'effondre à mesure que s'installent des gouvernements nationalistes. La croissance économique et le progrès social prennent du retard. Les émissions de CO2 continuent d'augmenter et font monter la température de 3,6°C par rapport à l'ère préindustrielle.

Les épisodes de sécheresse et d'inondations s'aggravent considérablement, la banquise arctique disparaît l'été, et les vagues de chaleur qui ne survenaient qu'une fois tous les cinquante ans se produisent quarante fois plus souvent et sont beaucoup plus intenses.

Dans un dernier scénario, qualifié d'"étrange",  l'humanité n'arrive non seulement pas à inverser la courbe des émissions, mais en plus, elle poursuit l'extraction d'énergies fossiles et son mode de vie énergivore. Les pays extraient et brûlent de plus en plus de charbon au fil du siècle et la planète se réchauffe de 4,4°C. La Terre est une étuve, mais la démocratisation des énergies fossiles permet aux humains d'être mieux équipés pour s'adapter au climat que dans un monde inégalitaire et paupérisé, gangrené par le nationalisme.

  • La Suisse est-elle menacée?

Bien sûr. Et les changements ont déjà commencé. Le réchauffement observé en Suisse est deux fois plus rapide que la moyenne planétaire, en raison notamment du recul de l'enneigement et de la distance aux océans.

Les températures sont en hausse. Chaque hiver, nous connaissons moins de jours froids et l'isotherme du zéro degré remonte en altitude en toutes saisons. Les vagues de chaleur sont plus intenses et plus fréquentes.

La pluviométrie diminue et les sécheresses augmentent. Nos glaciers reculent, voire s'effondrent, comme à Tourtemagne à l'été 2020.

Les eaux des lacs se réchauffent et le Léman n’a pas subi de brassage complet depuis onze ans, ce qui raréfie l’oxygène en profondeur et nuit à la biodiversité.

  • Que fait la Suisse?

La Suisse s'est engagée à réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre sur son territoire d'ici à 2030 par rapport à 1990, pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Le loi climat acceptée en juin 2023 prévoit des mesures d'incitation pour atteindre cette neutralité à temps. Par exemple, 1,2 milliard pour les entreprises qui développeront des technologies respectueuses du climat, comme des systèmes de filtration du CO2.

Ce texte vise également à axer la production d'énergie principalement sur l'hydraulique et le photovoltaïque avec un soutien de l'éolien, du solaire thermique, du biogaz et de la biomasse.

Des mesures incitatives existent également au niveau cantonal, pour soutenir les propriétaires dans l’assainissement énergétique de leur logement, par exemple.

  • Pourquoi la lutte contre le réchauffement climatique n'avance-t-elle pas plus vite?

Il existe de nombreux facteurs explicatifs. Un certain nombre d'industries et d'Etats dépendent économiquement de l'énergie fossile et n'ont aucun intérêt à encourager les changements. Les politiques de lutte contre le dérèglement climatique peuvent entrer en conflit avec les politiques économiques ou sociales. Par exemple, taxer le carburant ou les vols en avion pèse davantage sur les plus pauvres.

La classe dirigeante actuelle est plutôt âgée et moins sensibilisée à ce sujet; elle se projette forcément moins en 2050.

La désinformation organisée par les intérêts pétroliers est massive. Beaucoup de personnes et d'acteurs manquent de connaissances sur le sujet et estiment de ce fait qu'il n'y a pas d'urgence à agir. Or, le cerveau humain est programmé pour réagir aux dangers immédiats et concrets.

Certaines valeurs freinent également l'action, comme la croyance que l'économie ou la technologie peuvent tout résoudre ou comme la priorité donnée à la liberté individuelle.

Dans ce cas, devoir diminuer sa consommation personnelle est très mal perçu, d’autant plus si les autres autour de soi ne le font pas. L'exemplarité est donc primordiale pour accélérer la lutte, au niveau des individus, des entreprises ou des Etats.

>> Voir le reportage de Temps présent:

>> Ecouter aussi l'épisode du Point J:

Textes: Caroline Stevan (Le Point J) et Valentin Jordil (RTSinfo.ch)

Conseil scientifique: Martine Rebetez, professeure de climatologie à l'Université de Neuchâtel et à l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL)