Publié

Des solutions à l'étude pour enfouir les excédents de CO2 dans le sous-sol suisse

Les tunnels du Mont Terri (JU) abritent des laboratoires qui pourraient jouer un rôle important dans les objectifs climatiques de la Suisse. [Keystone - Georgios Kefalas]
Science qui peut! - Enfouir nos excédents de CO2 en Suisse? / Science qui peut ! / 2 min. / le 30 juin 2023
La Confédération peine à s'assurer des places de stockage pour son CO2 dans les grands sites qui sont sur le point d'ouvrir et qui joueront un rôle dans l'objectif de la neutralité carbone pour 2050. Mais ces places sont chères et le temps presse.

Des pays comme les Pays-Bas, l'Islande, la Norvège et l'Ecosse ont déjà mis au point d'énormes installations pour enfouir le carbone à des milliers de mètres sous les fonds marins, principalement dans d'anciens réservoirs liés à ses gisements pétroliers épuisés.

En Suisse aussi, si l'on veut atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, il faudra diversifier les solutions. Et la Confédération planche déjà sur ce qui pourrait être une option indigène à la problématique du stockage du CO2: enfouir le dioxyde de carbone sous le Plateau suisse, si possible à proximité des cimenteries et des usines de traitement des déchets, principales industries émettrices.

>> Lire également : La Suisse peine à s'assurer des places de stockage pour son CO2

Études menées dans le Jura

Des études sont menées actuellement dans le laboratoire sous-terrain du Mont-Terri, dans le canton du Jura, pour déterminer si les argiles à Opalinus que l'on trouve dans le sous-sol de cette région sont suffisamment étanches pour empêcher une remontée du gaz carbonique à la surface. On y évalue également une éventuelle augmentation des risques sismiques liée à la migration du CO2.

Directeur du laboratoire, Christophe Nussbaum suit l'expérience en cours, qui fait suite à un projet-pilote similaire en Allemagne dans des roches gréseuses. Mais ce qui est inédit dans les recherches du Mont Terri, c'est qu'en injectant le CO2 directement dans les roches d'argile, on peut évaluer si elles sont vraiment étanches. Il s'agit d'une question centrale pour l'acceptation de ce type de stockage par la population.

Car le concept du stockage dans des roches perméables est basé sur la minéralisation du CO2, soit le processus par lequel il va se fixer à la roche. Or, ce processus prend des dizaines, voire des centaines d'années. Il est donc essentiel de s'assurer que la roche de couverture argileuse qui se trouve au-dessus est vraiment étanche.

"Nos premiers résultats montrent que lorsque le CO2 migre dans la roche, il a tendance à se dégazer. (...) Ce n'est par forcément une bonne nouvelle, car on pourrait avoir des fuites plus importantes", indique Christophe Nussbaum, dans La Matinale de la RTS.

>> Voir aussi l'interview de Christophe Nussbaum dans La Matinale :

L'invité de La Matinale – Christophe Nussbaum, géologue
L'invité de La Matinale – Christophe Nussbaum, géologue / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 13 min. / le 7 juillet 2023

Export toujours nécessaire

Pour que cet enfouissement soit totalement sûr, il faudrait creuser, en Suisse, des forages à 800, voire 2000 mètres de profondeur. En outre, grâce à l'augmentation de la pression en profondeur, le CO2 passerait de l'état gazeux à l'état d'un liquide "supercritique", très dense, ce qui permettrait de diminuer son volume par un facteur 500 et donc d'en stocker davantage. Christophe Nussbaum avance le chiffre d'un coût de 2 milliards de francs "pour un système de stockage avec plusieurs forages" en Suisse. La mise en oeuvre de l'infrastructure sera "plus rapide" que le nucléaire, assure le directeur du laboratoire souterrain du Mont Terri.

La Confédération va désormais lancer un programme national d'exploration du sous-sol pour définir des zones propices à l'enfouissement du CO2. Même s'il restera certainement nécessaire de continuer à en exporter une partie. Si les résultats expérimentaux sont convaincants, on se dirige certainement vers une solution hybride: une partie du CO2 sera exporté vers la mer du Nord et une autre sera enterrée dans le sous-sol suisse.

"On est dans une course contre-la-montre", estime Christophe Nussbaum. "Il faut passer à la vitesse supérieure. Il y a une volonté politique en Suisse et dans l'Union européenne de lancer des programmes conséquents. Actuellement, dans le monde, on a stocké 30 millions de tonnes de CO2 au cours des vingt-cinq dernières années, soit l'équivalent des émissions annuelles de la Suisse. Au niveau mondial, on est à 33 gigatonnes par an. Il faudrait 33'000 sites de la taille de celui en mer du Nord pour absorber ce CO2."

>> Lire sur le même sujet : La captation de CO2 ne suffira pas pour que la Suisse atteigne l'objectif du zéro émission

Sophie Iselin/jop

Publié