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Modifier les nuages pour faire tomber la pluie ne résoudrait pas la sécheresse mondiale

Des fusées hygroscopiques sont libérées lors d'un vol d'ensemencement de nuages effectué par le Centre national de météorologie, entre Al Ain et Al Hayer aux Émirats arabes unis, le 24 août 2022. [Reuters - Amr Alfiky]
Science qui peut!- La technique d'ensemencement des nuages utilisée pour faire tomber la pluie / La Matinale / 2 min. / le 5 mai 2023
Les Etats-Unis, la Chine, les Emirats arabes unis ou le Mexique font partie des nombreux pays à miser sur l'ensemencement des nuages pour faire tomber la pluie dans les zones arides. Mais malgré son efficacité, cette technique pose des questions dont les réponses pourraient la rendre inapplicable à l'échelle planétaire.

En mars, le Mexique a lancé un programme d'ensemencement des nuages pour faire tomber la pluie sur les Etats de Tamaulipas et de Baja California, au nord-est et au nord-ouest. Le pays fait des tests depuis plusieurs décennies, dont certains ont permis d'éteindre au moins 25 incendies causés par la sécheresse, selon la Commission nationale mexicaine des zones arides (CONAZA) en charge du dernier projet.

Cet engouement conduit à augmenter l'intérêt mondial pour cette technique, au point d'envisager un emploi à grande échelle.

Dans ce sens, un pan de la recherche tente d'évaluer l'efficacité du procédé. En Suisse par exemple, l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich planche sur la question. Cette recherche a reçu un important financement de l'Union européenne.

Provoquer les précipitations

La technique de l'ensemencement des nuages consiste à introduire des aérosols pour faire exploser les cumulus et ainsi provoquer des précipitations. Les particules injectées provoquent la condensation et la formation de gouttes d'eau. Dans le détail, ces corps étrangers s'alourdissent sous l'effet de l'agglomération des molécules d'eau autour d'eux et provoquent la pluie.

L'iodure d'argent est l'aérosol le plus souvent utilisé. Il est dispersé dans les airs avec des avions, des drones ou depuis le sol avec des canons.

Une technique utilisée depuis les années 1940

Cette technique est apparue pour la première fois à New York en 1946 pour lutter contre la sécheresse qui sévissait. Puis en 1950, elle a été détournée pour protéger les cultures de la grêle en cas d'orage.

Plus récemment, les exemples d'essais sont nombreux. La Chine y a eu recours lors des Jeux olympiques de Pékin en 2008 pour éviter la pluie durant la cérémonie d'ouverture. Les Emirats arabes unis effectuent eux des milliers d'heures de vol par année pour tenter de percer les nuages.

Une méthode controversée

Cette méthode soulève toutefois de multiples questions. Tout d'abord, pour ensemencer des nuages, il faut évidemment des nuages, mais ceux-ci sont rares pendant les périodes de sécheresse. La technique est donc impuissante dans les zones arides.

Une autre interrogation porte sur les difficultés à mesurer l'effet produit. Dans ce sens, la revue Nature a publié le 1er mai un article sur le rapport coût-bénéfice de ces initiatives qui posent plusieurs questions.

Ainsi, les nuages ciblés auraient-ils de toute façon éclaté sans intervention humaine? Dans ce cas, le recours à l'ensemencement est inutile. Ensuite, modifier les nuages prive-t-il d'autres régions de précipitations? Ce qui pourrait créer des tensions géopolitiques. Et enfin combien valent de telles interventions?

L'un des scientifiques interrogés par la revue scientifique admet qu'il y a une "théorie évidente" que l'ensemencement des nuages puisse fonctionner mais doute que cela fonctionne à chaque fois. Il explique que modifier la composition d'un nuage peut "augmenter les précipitations" comme "les supprimer".

Une méthode polluante

La pratique est également pointée du doigt pour la pollution qu'elle engendre. L'iodure d'argent n'est en effet pas biodégradable.

Désaliniser l'eau de la mer ou recycler l'eau potable serait une meilleure solution pour lutter contre la sécheresse. Mais cela implique un changement sociétal et une volonté politique, ce qui prend du temps.

Sujet radio: Sophie Iselin

Adaptation web: Julie Marty

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