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"L'exploitation des ressources spatiales aura lieu et on ne peut pas la laisser se faire sans nous"

L'Europe ne doit pas rater le coche de l'exploitation des ressources spatiale. [Keystone - Darek Delmanowicz - EPA]
Pour que l'Europe ne rate pas l'exploitation des ressources spatiale: interview de Christine Lavarde / Tout un monde / 9 min. / le 7 juin 2023
L'Europe doit saisir l'opportunité de l'exploitation des ressources spatiales, dont l'humanité a besoin à la fois pour la conquête spatiale et pour la transition énergétique sur Terre, selon un rapport parlementaire français. Comparée aux Etats-Unis et à la Chine, l'Europe tarde à se positionner.

"Il existe une réelle opportunité économique sur la Lune et Mars, où il sera possible un jour d'habiter en transformant les ressources naturelles indispensables à l'homme", estime la sénatrice française Christine Lavarde, co-auteure du rapport. Les parlementaires français mettent en garde contre une appropriation de ces ressources par les Etats-Unis et la Chine.

Eau et régolithe lunaires

Parmi ces ressources "stratégiques", le rapport cite notamment l'eau lunaire. "L'eau est disponible en quantité limitée et surtout centralisée", explique Christine Lavarde dans l'émission Tout un monde. "C'est-à-dire qu'elle est disponible sur le pôle Sud de la Lune, dans des cratères", poursuit la sénatrice Les Républicains (LR).

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La Lune dispose également de ressources minérales, présentes dans le régolithe lunaire. "Le régolithe est une poussière très fine, abrasive et cancérigène, mais qui, une fois qu'on la découpe en toutes petites molécules, permet d'apporter des matériaux", précise Christine Lavarde. Certaines start-ups essaient aujourd'hui de transformer cette poussière pour fabriquer des panneaux solaires notamment.

Abondance de ressources sur Mars

Le rapport souligne toutefois que la Lune fait pâle figure par rapport à Mars en termes de ressources. "Ce qu'on trouve sur la Lune, on le trouve en quantité beaucoup plus importante sur Mars", s'enthousiasme Christine Lavarde. La planète dispose de beaucoup d'eau, mais également d'oxygène.

"L'oxygène n'est pas disponible directement, mais l'atmosphère de Mars est composée à 95% de CO2", explique la sénatrice. "Le CO2, c'est de l'oxygène et du méthane. Et le méthane est une source d'énergie. Donc ça veut dire que sur Mars, en utilisant les ressources de l'atmosphère, on pourra fabriquer des biens indispensables pour la respiration humaine et aussi pour les processus industriels", poursuit-elle.

Quant au sol martien, il contient déjà tous les nutriments nécessaires aux plantes, ce qui permettrait de le cultiver, précise le rapport.

Missions habitées

Des métaux précieux sont présents sur plusieurs autres astres. L'astéroïde Psyché, par exemple, "contiendrait l’équivalent de 700 trillions de dollars de fer, de nickel, d’or et d’autres métaux précieux", selon le rapport. "L'ensemble des ressources minérales disponibles sur cet astéroïde permettrait de faire vivre l'humanité sur des millions d'années", affirme Christine Lavarde.

L'ensemble des ressources minérales disponibles sur l'astéroïde Psyché permettrait de faire vivre l'humanité sur des millions d'années

Christine Lavarde, sénatrice "Les Républicains" des Hauts de Seine

La difficulté réside aujourd'hui dans les coûts liés au prélèvement des matières sur ces astres pour les rapatrier sur Terre. Christine Lavarde plaide donc pour des missions habitées sur la Lune et à terme, sur Mars. "Décoller de la Lune est beaucoup plus facile puisque la force de gravité est moins forte, donc il faut moins d'énergie pour quitter la Lune et aller prélever quelque chose", explique-t-elle. "Mais par contre, pour faire tout ça depuis la Lune, il faut être en capacité de pouvoir y vivre et de s'y installer", poursuit-elle.

Selon Christine Lavarde, les riches ressources présentes sur la Lune et sur les autres astres pourraient permettre à l'être humain de s'installer "dans ces territoires a priori hostiles".

Renforcer le droit international

Cette exploitation des ressources spatiales aura bien lieu, la sénatrice française en est convaincue. Et il ne faut pas que l'Europe la laisse se faire sans elle. "On sait que les premiers sur la Lune, ce seront les Américains ou les Chinois", affirme Christine Lavarde. En effet, les deux pays ont prévu d'installer durablement des bases sur la Lune à l'horizon 2030.

Mais "ça ne peut pas être premier arrivé, premier servi", avertit Christine Lavarde. Elle appelle donc à un nouveau cadre juridique. Car jusqu'à présent, il n'existe que des législation nationales à ce sujet. "Il faut vraiment renforcer le droit international et c'est là où l'Europe a une carte à jouer", explique-t-elle.

Encore des tabous

Il existe aussi un autre frein au développement de ce secteur. L'extraction des ressources spatiales représente encore un certain tabou, dont il s'agit de se débarrasser, selon Christine Lavarde.

Le schéma mental qu'on applique sur Terre ne s'applique pas de la même manière dans l'environnement extraterrestre

Christine Lavarde, sénatrice "Les Républicains" des Hauts de Seine

La sénatrice fait le parallèle avec la réouverture de mines en Europe occidentale, "qui soulève de vraies interrogations de la part des citoyens". Mais les situations ne sont pas du tout les mêmes, selon elle. "Dans l'espace, on n'a pas d'êtres vivants, on n'a pas de biodiversité. Donc, le schéma mental qu'on applique sur Terre ne s'applique pas du tout de la même manière dans l'environnement extraterrestre", explique-t-elle.

Selon Christine Lavarde, cette exploitation des ressources spatiales ne représente donc pas une nouvelle forme de colonialisme. Elle peut au contraire "être une solution pour favoriser la transition écologique de nos processus industriels sur Terre pour le bien commun de l'humanité".

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Emilie Délétroz

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Des "stations-service" sur la Lune

Exploiter les ressources disponibles sur la Lune pourrait également permettre de prolonger la durée de vie des satellites. Ceux-ci se sont multipliés ces dernières années, notamment pour l'exploitation des systèmes de télécommunication ou de géolocalisation. Or, ces satellites ont une durée de vie limitée et les orbites se retrouvent saturés par des débris.

Le rapport propose donc d'utiliser la Lune comme une sorte de "station-service" pour réapprovisionner satellites, stations spatiales et vaisseaux. "Si on sait garder les satellites en vie beaucoup plus longtemps, on évite de créer des débris et en plus, on répond à la question de la saturation", argumente Christine Lavarde.