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La voiture volante se rapproche de la réalité

Image d'illustration d'un appareil électrique à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) au-dessus de Paris. Un projet qui pourrait se réaliser lors des JO 2024 [Volocopter]
La voiture volante se rapproche de la réalité / La Matinale / 4 min. / le 31 mai 2022
On en voit dans les films, les jeux vidéo ou les bandes dessinées. Mais la réalité rattrape gentiment la fiction. Désormais, la marque suédoise Jetson propose au grand public son engin volant.

Vous avez peut-être déjà rêvé de vous asseoir dans un drone pour vous balader entre les montagnes ou éviter les embouteillages. Avec son buggy du ciel, l'entreprise suédoise Jetson vous permet de vivre cette expérience.

Sur sa fiche technique, l'appareil peut vous emmener jusqu'à 400 mètres d'altitude pour une vitesse au sol de 100 km/h. Les moteurs électriques permettent un vol d'une vingtaine de minutes. Prix de l'objet: un peu moins de 90'000 francs. L'entreprise en a vendu trois en Suisse. Ils seront livrés en 2023.

>>Vidéo de présentation du Jetson One:

A-t-on le droit de décoller en Suisse avec cet appareil? Faut-il un permis? Quelles sont les règles en vol? Est-ce sûr? Les questions se multiplient, tant l'objet est encore insolite. Car cet engin n'entre dans aucune catégorie.

La décision est sans appel. "Cet appareil n’est pas certifié et ne peut pas être utilisé en Suisse", annonce Antonello Laveglia, porte-parole de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC). Et les acheteurs ne peuvent rien y changer. Le constructeur doit faire certifier son système novateur.

Problème. Les bases légales pour le certifier n’existent pas, selon l'OFAC. "Le travail nécessaire en vue d’une certification serait très important parce qu’il faudrait 'en parallèle' également définir les exigences légales applicables. D’ailleurs les exigences pour les pilotes (formation/licence) ainsi que les procédures devraient aussi être établies", explique Antonello Laveglia.

Pas d'appareil certifié en Europe

Pour l'instant, aucun véhicule de ce type n'est certifié en Europe. Pourtant, le travail avance. Il est fait par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA). Une série de règles viennent d'être publiées concernant l'exploitation des drones et une proposition de règlement pour exploiter des "taxis aériens" devrait être mise en consultation publique dans les prochaines semaines.

Au centre de ces démarches, on trouve le concept de mobilité aérienne urbaine, comprenez le transport de passagers ou de marchandises dans des environnements complexes comme les villes.

Et les défis sont nombreux pour l'EASA. Les standards de navigation, la formation des pilotes (à bord ou à distance) ou encore l'intégration sécurisée de ces aéronefs dans l'espace aérien actuel.

Mais la machine administrative est lancée. On pourrait donc avoir des sortes de voitures volantes dans notre ciel. Et plus vite qu'on le croit. L'agence européenne estime que cette mobilité aérienne urbaine devrait devenir une réalité d'ici 3 à 5 ans. Le Japon ou la Corée du Sud préparent l'arrivée des taxis volants pour 2025.

Une flotte de drones

Mais n'imaginez pas les voitures de "retour vers le futur" ou les taxis du "Cinquième élément". Aujourd'hui, les appareils sont principalement électriques et ressemblent plutôt à des drones ou de petits hélicoptères.

Les investisseurs y croient et les projets se multiplient. En mars, un des leaders du marché, la start-up allemande Volocopter, a levé 170 millions de dollars. Désormais, tous les grands constructeurs s'y mettent. Airbus, Hyundai, Suzuki, Boeing, Rolls-Royce. Le futur marché se chiffrera en milliards.

Et la Suisse n'est pas en reste. Les Zurichois de Dufour Aerospace travaillent avec la Rega pour créer l'ambulance aérienne du futur. L'entreprise vient de s'installer au Canada, à Montréal, deuxième marché mondial d'hélicoptères.

Désormais, les regards sont tournés vers Singapour. Volocopter devrait ouvrir la première ligne commerciale pour transporter des passagers en 2024, avec un an de retard sur le programme initial.

>>Vol d'essai du Volocopter à Singapour

Dans un premier temps, il s'agira de vols touristiques au-dessus de Marina Bay, puis des vols transfrontaliers vers l'Indonésie et la Malaisie. Le projet prévoit l'installation de quatre à six vertiports d'ici 2030.

A Paris pour les JO?

Un système que l'on devrait retrouver à terme dans plusieurs grandes métropoles. En Europe, à Paris, la course est lancée pour faire une démonstration à l'occasion des JO de 2024. La région veut profiter de la médiatisation pour présenter son pôle de compétence autour de l'aéroport de Paris (ADP) et de la RATP.

L'objectif est de pouvoir faire une trentaine de kilomètres en ville de Paris en seulement quinze minutes. Le prix? Entre un et deux euros le kilomètre, selon les souhaits de la RATP en 2020.

En mars, un prototype du Volocopter 2X a effectué des vols d'essais sur l'aérodrome de Pontoise. L'appareil électrique à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) a transporté un pilote, mais a aussi été télépiloté.

>>Volocopter à l'aérodrome de Pontoise (F) pour des tests acoustiques

Une technologie faite pour durer dans la capitale française. "On voit qu'il y a des cas d'usage qui peuvent rapidement être mis en place, notamment pour les transferts d'organes, de poches de sang ou peut-être même de malades entre hôpitaux en Île-de-France ", estime Romain Erny, expert en mobilité pour Choose Paris Region, association de promotion économique.

Dans les grandes métropoles congestionnées, les drones pourraient également rendre des services pour le transport de marchandises en urgence. "Dans un deuxième temps, on pensera au transport de passager", analyse Romain Erny. "Nous pensons également qu'il faut augmenter la capacité de ces appareils. Ils doivent pouvoir transporter plus qu'un pilote et son passager".

On est encore loin d'une concurrence pour le métro, le train ou le bus. Au centre de la démarche, les développeurs de ces projets se posent une question: comment rendre cette nouvelle technologie acceptable pour la population?

Gérer les nuisances

Car les nuisances sont nombreuses. La première de toute: la sécurité. Dans les zones à forte densité, personne ne veut prendre le risque d'un accident qui ruinerait la confiance. Il faut donc une fiabilité à toute épreuve ou au moins équivalente au trafic aérien actuel.

Un autre enjeu est le bruit que fait l'appareil en volant à une altitude comprise entre 100 et 300 mètres au-dessus de la ville. Les moteurs électriques sont d'énormes ventilateurs qui feraient trois à quatre fois moins de bruit qu'un hélicoptère. Des mesures sont menées actuellement pour définir un seuil maximal en vue d'une certification.

Il ne faut pas créer de la jalousie dans la société. On entend déjà les conducteurs pris dans les bouchons pester contre ces appareils qui filent comme le vent. La vie privée en prend aussi un coup. Ces nouveaux couloirs aériens offriront de points de vue inédits sur les immeubles ou les jardins. Sans oublier une certaine pollution visuelle.

La technologie est encore en plein développement. Une fois les lois votées, la population et les politiques convaincus, il s'agira de faire passer une nouvelle pilule: le transport autonome. Comme pour les voitures, l'industrie rêve de système entièrement piloté par l'intelligence artificielle.

Pascal Wassmer

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