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Microgravité et radiations affectent la santé des astronautes

La microgravité et les rayons ionisants affectent la santé des astronautes dans l'espace.
La microgravité et les rayons ionisants affectent la santé des astronautes dans l'espace. / 19h30 / 2 min. / le 6 août 2019
Ils sont 560 astronautes à avoir pu voler dans l'espace, dans des capsules soumises aux radiations ionisantes et à zéro gravité. Des conditions qui ne sont pas sans conséquence pour leur santé. Des médecins étudient l'impact des séjours prolongés sur le corps, pour anticiper les risques.

Elon Musk, le CEO de l’entreprise SpaceX, entend renvoyer des humains sur la Lune en 2023. Quant à la NASA, elle prévoit la prochaine mission vers Mars pour 2030. Pour atteindre la planète rouge, il faut compter 300 jours dans l'espace avec les techniques actuelles de propulsion.

Il faudrait donc compter trois ans au minimum à une mission habitée pour aller et revenir de Mars. Très long, voire trop pour les astronautes pourtant sélectionnés et surentraînés, à cause de l’absence de gravité et des radiations ionisantes.

Le défi des radiations

Les rayonnements proviennent de l'activité nucléaire du soleil et bombardent les astronautes. "Les radiations ionisantes sont l’un des plus grands défis pour le voyage dans l’espace, affirme Christopher Mason, généticien à l’Université de Cornell à New York. Une fois arrivé sur la planète, ce n’est pas si grave car on peut se protéger ou s’abriter sous terre. Mais pendant le vol, les radiations sont le plus à craindre."

L’impact des radiations ionisantes dépend de la durée et de la trajectoire effectuée dans l’espace. Il est cinq fois supérieur pour un trajet vers Mars que sur l’ISS car le champ magnétique terrestre protège des radiations dans les orbites basses.

Tests sur des jumeaux

Depuis Youri Gagarine - le premier humain dans l’espace en 1961 - 560 hommes et femmes ont voyagé dans l’espace, avec un temps de séjour de quelques mois. Mais les séjours de longue durée sont rares. Seuls quatre individus ont passé plus d’un an dans l’espace.

Récemment, la NASA a livré les résultats de la première étude complète sur les effets de l'espace sur le corps humain, publiée en avril dans la revue Science. Grâce à Scott Kelly, astronaute américain, qui a séjourné 340 jours dans la station spatiale internationale (ISS) alors que son frère jumeau Mark, astronaute lui aussi, est resté sur Terre comme contrôle.

Plus de 300 échantillons ont été collectés (sang, selles et urine) et des tests menés pendant 25 mois (avant, pendant et après la mission). "Ce fut une surprise pour nous, raconte Christopher Mason qui a participé à l’étude. On a vu beaucoup d’altérations dans l’ADN récupéré dans le sang. Ces défauts ont persisté même six mois après le retour sur Terre. Le corps était toujours en train de se réparer, de s’adapter au retour à la gravité sur la planète. Beaucoup de ces changements étaient inattendus et plus longs que prévu."

"Ma peau était en feu"

Au moins une dizaine de processus physiologiques clés ont été modifiés chez Scott Kelly lors de son séjour dans l’espace, avec des risques différents. Parmi les changements les plus importants, selon les experts, on note ceux liés aux radiations: elles ont provoqué des altérations dans les chromosomes et l’ADN de l’astronaute.

Ces modifications sont des marqueurs de risque de vieillissement prématuré et de cancer. Autre risque à prendre au sérieux, l’absence de gravité. La microgravité est responsable d’une accumulation de fluide corporel dans le haut du corps et la tête, provoquant un changement structurel du cœur et des vaisseaux sanguins ainsi que des problèmes durable de la vision. Enfin, l’étude a montré qu’après le stress du retour, les capacités intellectuelles de Scott Kelly étaient moins bonnes, même après six mois sur Terre.

Séjourner dans l’espace et en revenir est définitivement une épreuve pour le corps humain. "Quand je suis rentré, mon corps était vraiment douloureux, témoigne l’astronaute de la NASA. Ma peau n’avait rien touché pendant 340 jours à part des vêtements. Quand elle était en contact avec quelque chose, elle était comme en feu. (…) Si on doit aller sur Mars, on devra trouver un moyen pour avoir de la gravité."

Manque de données chez les femmes

Les dernières études épidémiologiques - réalisées surtout lors de courts séjours dans l’espace - ne montrent pas d’augmentation de maladies cardiovasculaires ou de la mortalité. Mais il manque des données sur les longues missions et avec des profils d’astronautes plus variés génétiquement.

"On a beaucoup appris mais les astronautes sont majoritairement des hommes blancs assez âgés, donc on en sait moins sur les femmes, précise Christopher Mason. Il semble qu’elles soient moins affectées par les problèmes aux yeux. Peut-être que la première mission vers Mars sera surtout composée de femmes car leurs yeux résistent mieux aux vols spatiaux?"

Davantage de données seront nécessaires pour envoyer les premiers humains vers une planète lointaine.

Aurélie Coulon/boi

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