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La famille d'un bébé retiré à sa maman dès la naissance poursuit le Canton de Vaud

Garde d'un nourrisson retirée à sa mère au CHUV: interview de Manon Schick
Garde d'un nourrisson retirée à sa mère au CHUV: interview de Manon Schick / Forum / 9 min. / le 12 janvier 2024
Dans le canton de Vaud, une affaire suscite l'émotion. Une mère lutte depuis sept mois pour récupérer la garde de son bébé, placé en foyer peu après sa naissance au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), révèle vendredi le quotidien 24 heures.

L'histoire commence en mai dernier, lorsque la mère, une Lausannoise célibataire de 39 ans, accouche en urgence par césarienne d'une petite fille à la maternité du CHUV.

"Très vite après la naissance", selon elle, des critiques du personnel soignant émergent concernant son choix de devenir mère célibataire grâce à la procréation médicalement assistée, et une altercation éclate au sujet des dosages de biberons.

En quelques jours, le bébé est retiré à la mère, laissant cette dernière dans l'incompréhension totale. La mère rejette catégoriquement toute mise en danger de son enfant, mais elle reconnaît avoir été dans un état de fatigue et de vulnérabilité important après l'accouchement, une détresse qui, selon elle, n'aurait pas été suffisamment prise en compte par le personnel médical.

"Fonctionnement psychologique problématique"

Le CHUV, de son côté, explique que plusieurs membres du personnel soignant se sont rapidement inquiétés du bien-être du bébé. Sollicitée, l'équipe pluridisciplinaire spécialisée dans la prévention de la maltraitance infantile, le CAN Team, a signalé un "fonctionnement problématique de la mère sur le plan psychologique" à la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse, qui a requis des mesures superprovisionnelles.

La justice de paix du district de Lausanne a ensuite ordonné le placement du bébé, se basant sur plusieurs éléments, selon un document consulté par la RTS, dont des "difficultés en termes de portage et d'apprentissage alimentaire, un niveau de compréhension extrêmement faible, un manque d'initiative et une éventuelle pathologie psychiatrique".

Environ 700 situations à risque

L'équipe dédiée du CHUV déclare évaluer environ 700 situations à risque chaque année, signalant 10% d'entre elles. Des mesures d'aide - des soins à domicile, un suivi pédopsychiatrique, une aide à trouver un logement ou encore un accompagnement en cas de toxicomanies - sont généralement proposées aux parents en difficulté pour éviter un retrait de garde, mais dans ce cas précis, la mère aurait refusé ces propositions, selon l'hôpital. Un point de désaccord entre les parties, la mère contestant avoir reçu de telles propositions.

La bataille se poursuit désormais devant la justice, la famille ayant fait appel au Tribunal cantonal, mais le recours a été rejeté. La procédure est actuellement en cours au Tribunal fédéral.

Situations "souvent mal comprises"

Interrogée vendredi dans l'émission Forum, la directrice de la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ), Manon Schick, ne souhaite pas s'exprimer sur ce cas précis, invoquant un devoir de réserve. Elle dit toutefois comprendre l'émotion suscitée par cette affaire.

"L'intervention de l'Etat dans l'intimité des familles peut être vécue comme quelque chose de très intrusif, et souvent, elle est mal comprise par des parents qui peuvent être dans une grande détresse", explique-t-elle.

Elle rappelle qu'il y a une mise en danger de l'enfant quand le parent n'est pas en capacité d'assurer sa sécurité. "Dans notre grille de critères d'analyse, nous avons cinq éléments - qui vont des violences psychologiques et physiques aux abus sexuels, en passant par la violence domestique au sein du couple parental - mais dans certains cas, nous sommes simplement confrontés à de la négligence, qui peut parfois être grave. Quand il y a de la négligence avec un bébé, par exemple, il peut y avoir des situations où les besoins de l'enfant ne sont pas respectés."

"Le placement est le dernier recours"

Manon Schick assure qu'être célibataire n'est pas un désavantage pour les parents inspectés par la DGEJ. "Il s'agit probablement d'un désavantage dans le fait qu'on ne peut pas recourir à l'autre parent pour 'compenser' le manque d'un des parents. (...) Mais en aucun cas, nous allons discriminer une personne parce qu'elle est célibataire. Aujourd'hui, il est possible pour quelqu'un qui est célibataire d'adopter un enfant ou d'être famille d'accueil."

Sur un millier d'enfants placés, pour quelques jours ou plusieurs années, dans le canton de Vaud, Manon Schick indique qu'environ 200 enfants ont entre 0 et 6 ans, "ce qui est relativement peu". "Le placement est le dernier recours afin de protéger l'enfant."

Sujet radio: Charlotte Frossard et Thibaut Schaller

Adaptation web: vajo

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