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L'"espace neutre" lausannois a recueilli 131 victimes de violences domestiques en un an

Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la Sécurité et de l'Economie de la ville de Lausanne. [Keystone - Valentin Flauraud]
Vers une meilleure prise en charge des victimes de violence: interview de Pierre-Antoine Hildbrand / Le 12h30 / 3 min. / le 7 juin 2023
Inédit en Suisse, l'espace neutre ouvert il y a un an par la police lausannoise a accueilli et soutenu 131 victimes de violences domestiques. Toutes ont bénéficié d'un suivi comprenant une analyse des risques et 20% d'entre elles ont bénéficié d'un suivi ultérieur afin de recevoir un soutien sur la durée.

"Ce n'est pas encore assez", a commenté mercredi devant les médias la cheffe de l'Unité spéciale pour la prise en charge des victimes, l'inspectrice principale Albane Bruigom. Elle a toutefois souligné les excellents retours sur cette nouvelle prise en charge. "La police, vous ne nous avez pas oubliées", entend-elle souvent de la part des victimes. Le local est par ailleurs très bien perçu, selon elle.

Selon les statistiques, 832 cas de violence domestique ont été enregistrés à Lausanne en 2020, 820 en 2021 et 748 en 2022. La création d'une telle Unité spéciale et d'un local neutre et convivial partait du principe que bon nombre de victimes ne se présentaient pas dans les postes de police traditionnels. Seuls 10% le font en général, selon les estimations de la police.

Aucun refus de suivi

Entre le 1er juin 2022 et le 31 mai 2023, 131 personnes victimes de violences ont été accueillies, soutenues et conseillées par les spécialistes de l'Unité spéciale, a indiqué Albane Bruigom. Pour ces 131 cas, il y a eu une intervention de la police-secours et une plainte a été enregistrée. "Toutes ont accepté ce nouveau suivi". Pierre-Antoine Hildbrand, municipal lausannois en charge de la sécurité interrogé dans le 12h30 de mercredi, rapporte qu'il s'agissait principalement de victimes "de violence domestique avec des coups et des expulsions prononcées".

Lors de ces rencontres, souvent entre 20 minutes et une heure, les agents ont évalué les risques encore encourus et mis en oeuvre les mesures de protection nécessaires. Une grille d'évaluation de la situation des victimes de violence développée par des spécialistes de la police judiciaire a servi de base.

Environ 20% de ces victimes ont même bénéficié d'un suivi ultérieur afin de recevoir un soutien et des conseils sur la durée, a précisé la cheffe de l'unité, composée de 25 personnes. Outre la responsable, seize membres de la police-secours, six agents de proximité et deux policiers judiciaires font partie de l'équipe. Ils bénéficient d'une formation spéciale.

Renforcement des effectifs

Pierre-Antoine Hildbrand et le commandant de la police municipale Olivier Botteron ont annoncé un renforcement des effectifs. Une criminologue épaule désormais Albane Bruigom et un membre supplémentaire de la police judiciaire sera engagé d'ici l'été.

L'accueil des victimes se fait sur rendez-vous, après un premier contact avec la police. Il peut s'agir de personnes violentées dans le cadre familial ou agressées dans la rue en raison de leur genre, de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance ethnique ou religieuse.

L'espace n'est pas réservé aux femmes, mais ouvert à tous. Par souci de discrétion, la police ne souhaite pas rendre l'emplacement public.

ats/juma/Martine Clerc

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Un accompagnement différent de l'accueil dans un commissariat

L'accompagnement des victimes dans l'Unité spéciale de Lausanne est différent de l'accueil dans un commissariat de police, précise Pierre-Antoine Hildbrand. Dans un commissariat, il y a" tout le travail très formel de prise de plainte et de documentation en vue de la justice, mais ensuite les personnes sont laissées à elles-mêmes. Alors que là, la cheffe de l'Unité prend vraiment le temps d'appeler chaque victime pour connaître l'évolution de la situation".

Pour accomplir cette mission de la meilleure manière possible pour la victime, les policiers ont reçu des formations spécifiques. Le municipal lausannois précise qu'elles ont par exemple porté sur "comment s'adresser à des victimes et comment prendre en compte leur parcours afin de leur éviter de répéter plusieurs fois ce qui est arrivé".

Le système est tel que "les personnes de l'Unité ont accès au dossier, elles voient le journal des événements de police puis elles le complètent, ce qui leur permet de mieux accompagner dans la durée ".