Publié

Irrégularités dans la suspension de la secrétaire générale du DIP genevois

Des irrégularités apparaissent dans la procédure de suspension de la secrétaire générale du Département genevois de l’instruction publique (DIP), pouvant aboutir à sa réintégration, a appris lundi la RTS, qui a obtenu une interview de l'intéressée.

L’annonce de la suspension de la secrétaire générale par la cheffe du DIP Anne Emery-Torracinta et par le président du Conseil d’Etat François Longchamp, annoncée samedi 17 mars par voie de presse, avait suscité la surprise.

Or, la RTS a appris que des règles de procédure n’auraient pas été respectées ce jour-là, à commencer par le droit élémentaire, pour la secrétaire générale, à être entendue concernant les faits qui lui étaient reprochés (écouter son interview plus bas).

Au centre de la polémique, le contrat signé par la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta et la société informatique dirigée par le compagnon de la haut-fonctionnaire, portant sur un montant de 50'000 francs.

>> Lire aussi : Les extraits du contrat signé par la cheffe de l'Instruction publique genevoise

"S'il devait être confirmé qu'Anne Emery-Torracinta a signé le contrat en parfaite connaissance de cause, la suspension pourrait même constituer un abus d’autorité au sens du code pénal", commente Romain Jordan, avocat spécialiste de droit administratif.

Conseil d'Etat pas consulté?

Autre problème, le Conseil d'Etat, à qui revient la décision de suspendre un collaborateur, n’a pas donné son accord le jour dit. Le président, François Longchamp a pris seul la décision, avec la cheffe du DIP. Les magistrats n’auraient pas même été informés, mais auraient appris la nouvelle dans la presse, selon les informations de la RTS.

Certes, le président de l'exécutif peut prendre des mesures provisionnelles dans l’urgence, mais rien dans les faits relatés ne paraît justifier qu’il n’ait pas tenté de convoquer une séance extraordinaire, ou attendu quelques jours pour permettre à la secrétaire générale de se défendre.

De fait, la décision a été avalisée le mercredi suivant lors de la traditionnelle séance du Conseil d’Etat. Un magistrat aurait tout de même fait inscrire son opposition formelle.

Argument pour la défense

Pourquoi une telle précipitation? Pour des raisons politiques ou par crainte que le collège des magistrats ne suive pas? Une partie des conseillers d’Etat interrogés ont en effet confié hors micro qu’ils désapprouvaient cette décision, qualifiée de mauvais signal pour les collaborateurs de l'Etat au vu des faits. Mis devant le fait accompli, ils l’auraient confirmée pour ne pas désavouer deux collègues en période électorale.

La conséquence de ces irrégularités pourrait constituer un argument de poids pour la défense de la secrétaire générale, qui vise sa réintégration.

Le président du gouvernement François Longchamp a fait savoir que le Conseil d’Etat ne commentait pas une procédure en cours, réalisée néanmoins "dans le cadre des étapes formelles prévues par la loi".

La secrétaire générale livre sa version des faits

Dans une interview accordée à la RTS lundi, la secrétaire générale du DIP Marie-Claude Sawerschel a donné sa version des faits et commenté sa suspension.

Marie-Claude Sawerschel, secrétaire générale (suspendue) du Département genevois de l'instruction publique (DIP). [DR]DR
Marie-Claude Sawerschel exprime son indignation quant à l'affaire qui a mené à sa suspension / La Matinale / 4 min. / le 26 mars 2018

"Trois quarts d'heure avant cette annonce, j'ai reçu un coup de téléphone de la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta, qui me disait que j'allais être suspendue, pour des raisons qui ne m'étaient pas du tout claires", relate-t-elle.

"Elle m'a proposé une phrase qui allait être donnée à la presse, disant que j'avais demandé à être suspendue de mes fonctions. Je n'ai pas fait cette demande, je n'ai pas à la faire, je m'y suis refusée", poursuit-elle.

"Sacrifiée à la manière d'un bouc émissaire"

"On m'a recommandé de démissionner", affirme-t-elle encore, en soulignant qu'elle n'a pas eu l'occasion de s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés avant l'annonce de sa suspension dans la presse.

"C'est un comble pour n'importe quel collaborateur de l'Etat, et après les 38 ans que j'ai passés au service du Département de l'instruction publique, c'était une demande proprement consternante", s'insurge la secrétaire générale, s'estimant "sacrifiée à la manière d'un bouc émissaire" et condamnant des faits "inacceptables et d'une violence extrême".

Laetitia Guinand/kkub

Publié