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Un sarcophage romain saisi aux Ports francs de Genève

Ports francs de Genève. [Laurent Gillieron]
Les douanes suisses ont découvert le sarcophage sous une couverture aux Ports francs de Genève. - [Laurent Gillieron]
Plusieurs pièces de grande valeur archéologique ont été découvertes aux Ports francs de Genève et mises sous séquestre. Ankara réclame la restitution d'un sarcophage romain qui pourrait provenir de fouilles illicites en Turquie.

Tout a commencé fin 2010. En vertu de la nouvelle législation douanière qui vise à lutter contre le trafic d’œuvres d’art, une équipe de l’Administration fédérale des douanes demande à avoir accès à l’inventaire de la galerie genevoise Phoenix Ancient Art. L’endroit est connu des collectionneurs et des amateurs d'antiquités du monde entier. S’y vendent et s’y achètent les plus belles pièces gréco-romaines, grâce à l’entregent et la culture de ses propriétaires, les frères genevois libanais Ali et Hisham Aboutaam.

Les douze travaux d'Hercule sous séquestre

Les douaniers se rendent ensuite aux Ports francs de Genève dans le show room de la grande galerie. L’endroit qui regorge habituellement d’objets, est vide. La société Inanna Art Services qui sert d’entreposeur et de transitaire à Phoenix Ancient Art, est également passée au crible. Surprise: sous une couverture, les inspecteurs découvrent un monumental sarcophage romain datant du IIe siècle après Jésus-Christ. Il s’agit d’un tombeau de marbre, orné d’une sculpture représentant les douze travaux d’Hercule. Un exemplaire quasiment identique est exposé au musée d’Antalya, en Turquie.

Les douaniers mettent l’objet sous séquestre. D’autre pièces de provenance suspecte sont alors saisies, dont deux sarcophages libanais antropomorphes (à forme humaine). Le dossier, étayé par des spécialistes de l’Office fédéral de la culture (OFC), est transmis au Parquet de Genève qui ouvre une enquête à l’été 2011 et décide de se concentrer sur les trois sarcophages.

Un objet provenant de fouilles illicites

Celui aux Douze travaux d’Hercule intéresse particulièrement les enquêteurs. Selon les informations de la RTS, il pourrait provenir de fouilles illicites sur le site archéologique gréco-romain de Perge, à 22 kilomètres d’Antalya. Ankara a déjà fait parvenir à la justice genevoise une demande de restitution, pour l’instant incomplète. Les autorités libanaises, averties de l’ouverture d’une enquête, n’ont pas encore réagi officiellement.

Le sarcophage romain aurait pu connaître un tout autre destin. En 2010, Ali Aboutaam, le propriétaire de Phoenix Ancient Art, l’avait proposé à la vente à Jean-Claude Gandur, le grand collectionneur et mécène du Musée d’art et d’histoire de Genève. L’affaire ne s’était pas conclue, car l’objet éveillait déjà des soupçons.

Zones d'ombre

Contacté par la RTS, Ali Aboutaam n’a pas voulu s’exprimer directement. Dans un fax, son avocat Bastien Geiger – également administrateur de Phoenix Ancient Art – reconnaît que son client a bien proposé le sarcophage à la Fondation Gandur, mais il précise qu’il agissait pour le compte d’un tiers dont il refuse de dévoiler l’identité (voir encadré).

Pour le reste, il affirme que "Phoenix Ancient Art n’est pas visée par la procédure pénale ouverte à Genève", dans la mesure où les antiquités suspectes ont été saisies dans les locaux d’Innana Art Services. Selon des informations douanières, l’importation en Suisse de ces objets s’est faite au nom de la galerie Phoenix qui fait souvent appel à la société Inanna Art Services pour entreposer ses objets ou les faire transiter dans un autre pays.

Agathe Duparc

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La réponse de Phoenix Ancient Art

"Phoenix Ancient Art SA, qui est active dans le cadre de la vente, de l’achat et de la consignation d’objets d’art, plus largement du commerce de ce type d’objets, a recours aux services – au même titre que d’autres sociétés qui poursuivent les même buts qu’elle – d’Inanna Art Services SA."

"Monsieur Ali Aboutaam s’occupe, le plus souvent personnellement, de la vente ou de l’acquisition d’objets dans le cadre de ses attributions au sein de Phoenix Ancient Art SA. Tel a été le cas pour ce qui concerne le sarcophage que vous évoquez auprès de le Fondation Gandur."

"Je ne suis pas autorisé à vous révéler l’identité du ou de la propriétaire du bien en question (sarcophage). Les autorités sont toutefois informées de cette question."

"Phoenix Ancient Art SA n’est pas visée par la procédure pénale faisant suite à la dénonciation de l’Administration fédérale des douanes en relation avec le sarcophage précité."