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Des témoignages confirment le malaise au sein du département de Pierre Maudet

Temps présent
Le Mystérieux Monsieur Maudet / Temps présent / 48 min. / le 16 mai 2024
Des témoignages récoltés par l'émission Temps Présent confirment que les nombreux départs au sein du département dirigé par Pierre Maudet sont bien liés à son management, ce qu’il conteste.

Que se passe-t-il dans le Département de la santé et des mobilités dirigé par Pierre Maudet depuis un an? Pas moins de cinq démissions de cadres se sont succédé en quelques mois ainsi que trois absences de longue durée. L'Office cantonal de la santé (OCS) est particulièrement touché. Les deux directeurs des régies publiques sous tutelle de Pierre Maudet, HUG et TPG, ont également donné leur démission.

Pierre Maudet avait pourtant annoncé avoir appris de "la période qu'il avait vécue", lors de la précédente législature. Il avait été réélu il y a un an au Conseil d'Etat, cinq ans après l'éclatement de l'affaire d'Abou Dhabi qui lui a valu une condamnation pénale pour acceptation d'un avantage. Il avait finalement donné sa démission en automne 2020 à la suite d'un premier rapport intermédiaire qui faisait état de souffrances parmi les fonctionnaires sous ses ordres.

Quelques mois seulement après son entrée en fonction en juin dernier, son management était à nouveau pointé du doigt dans un premier article du Temps.

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"Il n'écoute pas, mais pense tout savoir"

L'émission de la RTS Temps Présent a mené l'enquête et confirme le malaise dans son département. Plusieurs fonctionnaires ont accepté de raconter ce qui s'y passe, mais anonymement car, tenus par un devoir de fidélité, ils risquent des mesures disciplinaires.

Il dénigre les cadres, même en public

Témoignage anonyme au sein de l'administration

En voici quelques extraits: "Les responsables au-dessus de nous sont en mode panique constante. On n'arrive plus à travailler." "Il dénigre les cadres, même en public." "Il est de plus en plus contrôlant. Il a une idée de surpuissance. Il n'y a que lui qui sait." "Il n'écoute pas, mais pense tout savoir, plus que les autres."

Les témoignages recueillis font état d'un besoin de contrôle excessif et d'un manque de confiance dans l'expertise de ses cadres. Ces reproches ont des similitudes avec ceux qui avaient émergés des deux audits entourant sa démission en octobre 2020. L'un d'eux avait été confié à l'ancien juge fédéral Jean Fonjallaz.

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Pas plus d'absences à l'OCS qu'ailleurs, selon Pierre Maudet

Face à ces critiques, voici ce que Pierre Maudet écrit à Temps Présent: "Les critiques peuvent être comprises à l'aune de certains dossiers santé qui ne m'ont pas été remontés et qui ont potentiellement des conséquences financières importantes pour l'Etat".

"Tous les départements connaissent des absences de longues durées, les taux d'absence de l'OCS ne sont pas plus élevés que dans les autres offices de l'État. Le cas de la médecin cantonale est particulier, car ses absences de longue durée sont antérieures à la nouvelle législature."

La médecin cantonale a bien été absente durant la précédente législature, mais cela était dû à un accident.

Management mis en cause

Pour chaque départ et absence, Temps Présent a pu croiser plusieurs sources et voici ce qu'elles affirment: le management de Pierre Maudet est bien en cause. Il a soit accéléré ou initié ces changements de carrière. Ce que conteste Pierre Maudet.

 Le directeur des HUG n'a jamais fait état de désaccords

Pierre Maudet, conseiller d'Etat genevois

Dans son mail, il indique que deux des personnes citées ont précisé que leur départ n'avait rien à voir avec lui, qu'il avait même offert un poste d'importance à l'un d'entre eux. Enfin, "le directeur des HUG n'a jamais fait état de désaccords" et celui des TPG a souhaité "réduire son engagement professionnel très intense à deux ans de l'âge de la retraite".

"Des signes de dysfonctionnement"

Autant de départs au sein d'une administration publique relève de l'exception. Comment l'interpréter et quelles peuvent en être les conséquences?

Pour David Giauque, professeur à l'Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP), "ce sont clairement des signes de dysfonctionnement et cela peut mettre en danger un département. Il peut y avoir un effet de ruissellement sur tous les collaborateurs et collaboratrices qui sont en dessous dans la chaîne hiérarchique".

Quant à la perte d'expertise, "cela peut avoir des conséquences sur les cinq-dix prochaines années. Le temps de l'administration publique n'est pas le temps du politique".

Pierre Maudet lors de son assermentation, le 31 mai 2023, après avoir été élu une nouvelle fois au Conseil d'Etat, dont il avait démissionné. [KEYSTONE - MARTIAL TREZZINI]
Pierre Maudet lors de son assermentation, le 31 mai 2023, après avoir été élu une nouvelle fois au Conseil d'Etat, dont il avait démissionné. [KEYSTONE - MARTIAL TREZZINI]

Groupe de confiance

En septembre déjà, les premiers fonctionnaires s'étaient adressés au Groupe de confiance, une structure indépendante au sein de l'Etat de Genève et qui est chargée d'aide à la gestion des conflits relationnels au travail. Il a bien recueilli les témoignages de certains collaborateurs du Département de la santé et des mobilités et remis un rapport toujours confidentiel au Conseil d'Etat.

Mais sa marge d'action est limitée, car le groupe de confiance ne peut que mener des investigations sur des membres du personnel de l'Etat et non pas sur les magistrats élus.

Les fonctionnaires contactés dans le cadre de Temps Présent se disent très déçus du manque de réaction du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. Nathalie Fontanet, en charge des ressources humaines, a refusé de donner une interview.

Elisabeth Logean et Philippe Mach

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