Publié

Afrodyssée, le meilleur du savoir-faire vestimentaire made in Africa 

Afrodyssée, le meilleur du savoir-faire vestimentaire made in Africa. [RTS]
Afrodyssée, le meilleur du savoir-faire vestimentaire made in Africa. - [RTS]
Début mai se tenait la 6e édition d’Afrodyssée à Genève. Un événement unique en son genre qui met en avant des créatrices et créateurs venus d’Afrique. Entre défilés de mode et marché des designers, Nouvo s’est faufilé dans les coulisses de ce festival pour discuter avec des artistes engagés. 

Samedi 7 mai, la Maison communale de Plainpalais à Genève était pleine à craquer de personnes venues assister au festival Afrodyssée. "L'Afrique est dynamique. L'Afrique est jeune. Je suis si fière de ce que je vois", a déclaré la directrice générale de l’OMC Ngozi Okonjo-Iweala. Venue à titre personnel, elle a lancé le défilé de mode.

Du Kenya en passant par la Guinée ou encore la Côte d'Ivoire, sur tout un week-end, près d'une trentaine de stylistes venus d'un peu partout en Afrique viennent présenter leur collection. L'objectif du festival: promouvoir des créatrices et créateurs qui mettent en avant une mode durable et responsable. "L'idée d'Afrodyssée, c'est de faire une sélection de designers. Il y a des modes africaines, il n'y en a pas une seule", explique son fondateur Vincent Jacquemet quelques heures avant l’ouverture du festival.

Pour lui, l’histoire d'Afrodyssée vient de "la volonté de changer les caricatures que les gens peuvent avoir sur l'Afrique. On a envie d'être positifs. On a aussi envie de montrer qu'il y a des gens qui ont des succès."

Lafalaise Dion, la reine des cauris

Parmi les plus gros succès, la designeuse Lafalaise Dion, dont certaines des créations ont été portées par Beyoncé. "Ça a été un très, très beau coup de projecteur et ça a été aussi un beau message", explique la styliste ivoirienne. "Pas pour moi, mais pour plein de générations de créateurs à travers l'Afrique, de se dire que c'était possible de créer depuis le continent et d'avoir de telles opportunités à travers le monde."

Lafalaise Dion lors d'un fashion show à Dakar. [AFP - John Wessels]
Lafalaise Dion lors d'un fashion show à Dakar. [AFP - John Wessels]

Celle que l’on surnomme "la reine des cauris" a souhaité se réapproprier ces coquillages que l’on trouve en Afrique de l’Ouest.

"J'ai grandi dans une famille catholique avec plein d'influences ivoiriennes, plein d'influences occidentales, et j'avais besoin de rechercher ma balance. Je cherchais à savoir qui je suis en tant qu'Ivoirienne et quelles sont les croyances des Ivoiriens, quelles étaient leurs croyances avant l'époque coloniale, avant l'esclavage et tout ça. (…) Et pendant cette recherche de moi-même, j'ai découvert le cauris, qui était comme le symbole de la culture ouest africaine. Il était d'abord utilisé comme monnaie (…) parce qu'il représentait la femme, le divin féminin. En fait, j'ai senti comme une mission de me réapproprier le cauris, de pouvoir créer des pièces contemporaines avec."

"On ne se rend pas compte, mais c'est une sorte de petit écosystème qui se passe ici. Et vous avez autant l'Europe, l'Afrique et les Africains d'Europe", explique Ivan Larson, en charge des relations publiques de l’événement.

"Au niveau des accessoires, vous avez la chance d'avoir une Suissesses qui s'appelle Dear Katiopae. Elle utilise les chutes d'or pour refaire d'autres bijoux. Donc il y a un côté écoresponsable, et ça valorise aussi le travail des artisans sur place."

"Vous l’envoyez comme déchet, je le ramène comme trésor"

Un peu plus loin dans les stands de designer se trouve la marque "Marché Noir Lomé Paris". Pour son fondateur Amah Aviyi, "c'est plus qu'une marque, c'est un état d'esprit. Je fais de l'artisanat avec des pièces tissées au Ghana, mais aussi du vintage."

Son idée,"c'est vraiment d'être sur de la slow fashion et d'aller contre ce courant de la super consommation à tout va."

"Quand j'ai commencé à me lancer dans le vintage en tant que business, c'était en fin 2011, début 2012. Je me suis rappelé qu’on envoyait beaucoup de vêtements de seconde main en Afrique. Je suis retourné sur les marchés au Togo chiner des bleus de travail, des robes, des choses comme ça."

Il évoque aussi acte militant, comme une manière de dire: "Vous l'envoyez comme déchet, je le ramène comme trésor."

"C’est africain, mais universel"

Pour Khadija Aisha Ba, fondatrice de L’Artisane, le message est simple: "rendre quelque chose de traditionnel, pas forcément cliché. Quelque chose qui fait partie de notre culture qu'on doit assumer. J'essaie de rendre le boubou cool."

La Sénégalaise veut mettre fin aux stéréotypes, aux clichés qui cantonnent certains styles, certains patterns, à quelque chose d'africain. "Je veux que ce soit universel en fait. C'est africain, mais universel!"

Un événement lié à l’actualité

Pour autant, l’organisation d’un événement comme celui-là n’est pas chose aisée. "On est dans la caricature de ce qui ne va pas avec l'Afrique, c'est-à-dire que c'est très, très compliqué de faire venir un ressortissant africain aujourd'hui. (…) Même s'il a du talent, même s'il intéresse des gens, il y a énormément de barrières", explique Vincent Jacquemet.

Sur les 34 designers invités, seuls 28 ont pu venir à Genève. "On se rend compte qu'aujourd'hui, ça reste aussi un geste politique de vouloir réunir des créateurs africains sur un week-end à Genève, même si on parle d'ouverture, même si on parle d'intérêt. Il y a effectivement beaucoup de barrières", ajoute l’organisateur.

L’événement a même été confronté à l'actualité. Nafisa Hafiz, une jeune créatrice soudanaise, n'a pas pu quitter son pays à cause du conflit.

>> Ecouter le sujet de La Matinale sur le conflit au Soudan :

Le Soudan s'enfonce dans une guerre catastrophique pour la population (vidéo)
Le Soudan s'enfonce dans une guerre catastrophique pour la population (vidéo) / La Matinale / 4 min. / le 16 mai 2023

"Il y a effectivement des réalités qui sont violentes en Afrique. On était très content de pouvoir accueillir la marque 'Nucy'. Ce sont des gens qui travaillent avec les traditions du désert. Et voilà, vous l'avez vu il y a trois semaines, la guerre a éclaté de nouveau (...) Et malheureusement, aujourd'hui, elle est terrée dans sa cave et elle ne peut plus voyager."

Afrodyssée, c'est un événement qui va au-delà du vêtement. Que ce soit le marché des designers, l’ambiance autour des stands de spécialités culinaires et les shows, le festival a été plébiscité par le public romand. La mode africaine est plurielle, engagée et on n'a pas fini d'en parler.

Hélène Joaquim

Publié