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La Libye exclue du Conseil des droits de l'homme

Les membres de l'Assemblée générale de l'ONU ont respecté une minute de silence lundi en hommage des victimes de la répression en cours en Libye. [UN/Jean-Marc Ferre]
Les membres de l'Assemblée générale de l'ONU ont respecté une minute de silence lundi en hommage aux victimes de la répression en cours en Libye. - [UN/Jean-Marc Ferre]
L'Assemblée générale des Nations unies a suspendu mardi à l'unanimité l'appartenance de la Libye au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Elle a invoqué les violences commises par les forces libyennes sur les manifestants anti-Kafhadi.

L'Assemblée générale composée de 192 membres a décidé la suspension, par consensus, de la Libye, sans voter, après que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon eut demandé une "mesure décisive" contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

Une décision d'ores et déjà historique

A Genève, lors d'une session extraordinaire qualifiée d'ores et déja d'historique, le Conseil des droits de l'homme avait réclamé vendredi la suspension de la Libye de ses rangs, une première pour la principale instance onusienne chargée de défendre les droits de l'homme. Cette recommandation avait besoin d'une décision de l'Assemblée générale pour être effective.

Cette décision survient alors que l'insurrection contre le colonel Mouammar Kadhafi est entrée mardi dans sa troisième semaine. L'insurrection a annoncé la création d'un conseil militaire à Benghazi pour mettre en place une armée de l'opposition.

L'opposition s'organise

"Un conseil militaire a été créé la nuit dernière", a déclaré une responsable de l'opposition à Benghazi, à 1000 km à l'est de Tripoli. La liste des membres de ce conseil, embryon d'une future armée que l'opposition peine encore à étendre aux autres villes de l'ouest et de l'est qu'ils contrôlent, n'a pas encore été totalement définie.

Ce conseil doit à terme faire la liaison avec des organisations similaires dans les autres villes "libérées" du pays. Selon un avocat respecté et membre de l'opposition, "il y a encore des réserves sur certains noms". "Nous essayons de favoriser les officiers qui ont commencé la révolution dès le départ", dit-il.

Des officiers ralliés à la cause anti-Kadhafi évoquent depuis plusieurs jours une marche ou des opérations de soutien aux opposants de Tripoli. Mais le général Ahmed Qatrani, chargé de la gestion des forces militaires à Benghazi, a exclu une telle idée.

"Tripoli est pris en otage"

"Tripoli est pris en otage. Nous sommes en contact avec les opposants là-bas, mais ils nous demandent de ne rien faire. Ils disent être capables" de mener eux-mêmes l'insurrection, explique le général Qatrani. Des postes de contrôle ont été mis en place dans et autour de la capitale par les militants pro-Kadhafi et le pain et l'essence y étaient rationnés, selon un habitant.

Les militaires à Benghazi tentent de conseiller les insurgés à l'ouest sur la manière de lutter contre les forces pro-Kadhafi. L'armée régulière a été très affaiblie par le colonel Kadhafi qui craignait des coups d'Etat au profit de milices armées. Après 15 jours de contestation, l'opposition contrôle tout l'est et de nombreuses villes de l'ouest, Tripoli et ses environs restant sous le contrôle des forces pro-Kadhafi.

A la frontière entre la Libye et la Tunisie, la situation a atteint un niveau de "crise" après le passage de 70'000 à 75'000 personnes fuyant la répression de Tripoli depuis le 20 février, s'est alarmé le Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR). Pour sa part, l'Union européenne a indiqué être prête à faire face à un afflux massif de réfugiés en provenance de la Libye.

agences/vkiss/hof


PLUSIEURS CENTAINES DE MARINES DEPLOYES EN MEDITERRANEE

Robert Gates a annoncé mardi que les Etats-Unis allaient envoyer en Méditerranée plusieurs centaines de "marines" ainsi que deux navires amphibies. Le secrétaire à la Défense a précisé devant la presse que ces forces pourraient servir à une éventuelle opération d'évacuation et d'assistance humanitaire.

Navires militaires américains en Méditerranée [U.S. Navy - U.S. Navy/Mass Communication Specialist 3rd Class Scott Pittman]
Navires militaires américains en Méditerranée [U.S. Navy - U.S. Navy/Mass Communication Specialist 3rd Class Scott Pittman]

A Ismaïlia, à l'embouchure sud du canal de Suez, un responsable égyptien a confirmé que deux navires amphibies de l'US Navy - l'"USS Kearsage", capable d'embarquer 2000 "marines", et l'"USS Ponce" devaient franchir mercredi matin le canal en direction de la Méditerranée.

Les Etats-Unis étudient actuellement toute une série d'options concernant la Libye mais aucune décision n'a été prise, ont indiqué des responsables du Pentagone. L'administration Obama accentue ses pressions en faveur d'un départ du pouvoir du colonel Mouammar Kadhafi.

Le nouveau ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a estimé mardi qu'une intervention militaire de l'OTAN en Libye "mérite d'être regardée à deux fois" et pourrait être "extrêmement contre-productive" dans l'opinion arabe.

"Avant d'en arriver là, nous essayons d'accentuer les pressions pour faire tomber Kadhafi, il va tomber, il tombera, parce qu'il est déjà isolé dans Tripoli", a ajouté le ministre, interrogé par la chaîne de télévision française TF1. Alain Juppé a pris ses fonctions mardi en remplacement de Michèle Alliot-Marie.

"Les Américains font bouger leurs bateaux, ils n'ont pas décidé d'intervenir militairement. En tout cas, pour nous, il y a une règle très stricte, c'est le Conseil de sécurité des Nations unies qui a la légitimité de décider de faire la paix ou la guerre, car intervenir, c'est faire la guerre", a-t-il mis en garde.


LES MANIFESTATIONS SE POURSUIVENT DANS LE MONDE ARABE

TUNISIE:  Le mouvement islamiste Ennahda (Renaissance) a obtenu sa légalisation, alors que la valse des démissions se poursuivait sur le front gouvernemental. Trois nouveaux ministres se sont retirés mardi du gouvernement de transition, contribuant à son affaiblissement. Deux ministres avaient déjà démissionné lundi, au lendemain du départ du premier ministre Mohammed Ghannouchi. Ces défections en cascade témoignent du cafouillage politique dans lequel se débat le gouvernement de transition. Affaibli, celui-ci aurait accepté l'idée de la mise en place d'une Assemblée constituante et de renoncer à l'organisation d'une élection présidentielle.

YÉMEN: Une manifestation massive a de nouveau envahi le centre de la capitale yéménite Sanaa pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh. Plusieurs dirigeants de l'opposition, qui avait appelé à faire de mardi une "Journée de colère" contre le régime, ont pris part à la manifestation, ainsi que des représentants des tribus. Le président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, s'en est pris au président américain, avec une violence inusitée, et a accusé Tel Aviv et Washington d'orchestrer les "révoltes arabes". Il a aussi limogé les gouverneurs de cinq provinces (quatre dans le sud, une dans l'ouest) où se déroulent de violentes manifestations contre son pouvoir.

BAHREÏN: Des milliers de manifestants ont de nouveau marché mardi dans les rues de Manama, affirmant l'unité nationale du petit royaume où les communautés sunnite et chiite se côtoient. Depuis le 14 février, des manifestations exigent un changement politique dans cet archipel gouverné par une dynastie sunnite, au pouvoir depuis plus de 200 ans. Des manifestants qui campent depuis des jours sur la place de la Perle, dans le centre de Manama, ont des exigences plus radicales et veulent la chute de la dynastie des Al-Khalifa. Cette lignée règne sur un royaume de 1,2 million d'habitants dont la moitié sont étrangers. La population autochtone est majoritairement chiite.

OMAN: Dernier venu dans la vague de contestation qui agite l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient depuis plus de deux mois, des blindés ont dispersé des manifestants à Sohar. Ils réclamaient des emplois et des hausses de salaires, et bloquaient le port et une route conduisant à la capitale Mascate. Quelque 300 activistes participaient en soirée à un sit-in à Mascate.

IRAN:  Les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des rassemblements interdits de partisans de l'opposition dans le centre de Téhéran, selon des sites d'opposition. Plusieurs sites d'opposition avaient appelé les partisans de l'ancien Premier ministre Mir Hossein Moussavi et de l'ancien président du Parlement Mehdi Karoubi à manifester pour réclamer leur libération.

TERRITOIRES PALESTINIENS: Inspirés par le vent de contestation qui balaie le monde arabe, les jeunes Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza s'efforcent, en dépit des obstacles, de lancer leur propre "révolution" pour mettre fin aux divisions interpalestiniennes. Frustrés par les échecs répétés des tentatives de réconciliation entre le Fatah du président Mahmoud Abbas et le Hamas islamiste au pouvoir à Gaza, ces jeunes - qui ne se réclament d'aucune faction - se regroupent via Facebook et Twitter pour oeuvrer à "l'unité" du mouvement national palestinien. Ils sont à l'origine de plusieurs rassemblements ces derniers jours à Ramallah et à Gaza. Avec plus ou moins de succès.

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Embargo européen sur les armes

Après l'ONU et les Etats-Unis, l'Union européenne a par ailleurs adopté lundi un embargo sur les armes contre la Libye et des interdictions de visa contre le colonel Kadhafi et 25 de ses proches. Depuis mardi, les pays européens gèlent les avoirs de Mouammar Kadhafi, de membres de sa famille et de responsables du régime libyen.

Paris a indiqué que toutes les options étaient à l'étude pour mettre fin à l'instabilité, dont celle de l'interdiction du survol du territoire libyen qui nécessiterait toutefois l'implication de l'Otan et l'approbation de l'ONU. L'Italie s'est déclarée favorable à une interdiction du survol de la Libye mais selon le Canada, il "ne semble pas y avoir de consensus" sur une telle mesure.

Les Etats-Unis ont annoncé mardi que cette interdiction de vol nécessitera toutefois une "action militaire préalable". L'établissement d'une zone d'interdiction de survol en Libye pour protéger la population des exactions du régime du colonel Kadhafi nécessiterait la destruction préalable des défenses anti-aériennes du pays, a affirmé le général américain commandant la zone.

Les Etats-Unis ont en outre accusé lundi le gouvernement libyen de brouiller la retransmission des programmes des chaînes d'information étrangères, soulignant que cette initiative démentait les propos du colonel Kadhafi selon lesquels tout est calme dans le pays. L'Occident se prépare à aider les opposants, qui ont créé un "Conseil national indépendant" chargé de représenter "les villes libérées".

Un bunker de Kadhafi "swiss made"

Un bunker de Mouammar Kadhafi, situé à Al-Baïda, une ville libérée par le mouvement de contestation du régime, a été construit en partie au moyen de la technologie de la firme zurichoise Luwa. La chaîne de télévision qatarie Al-Jazira a diffusé des images montrant un filtre à air portant l'insigne de l'entreprise.

"Je suis très étonné. Cela ressemble à une installation de la protection civile suisse", a indiqué Erich Buser, un ingénieur civil, lundi soir dans l'émission "10 vor 10" de la télévision alémanique.

L'équipement de l'abri d'Al-Baïda est pratiquement identique aux installations suisses, et remonte aux années 1980 ou 1990, a indiqué Erich Buser sur la base des images diffusées par la chaîne qatarie. Cet ingénieur civil a installé pendant des années des filtres à air.

"Je peux m'imaginer qu'ils ne l'ont pas crié sur les toits", a ajouté Erich Buser. La construction d'abri de protection civile à l'étranger n'est toutefois pas illégale. "Cela n'est pas une arme offensive", a souligné l'ingénieur.

Les images d'Al-Jazira montrent une journaliste examinant les locaux du palais du colonel Kadhafi à Al-Baïda, notamment le bunker construit en dessous du palais.

L'entreprise Zellweger Luwa, dont le siège est situé à Uster (ZH), avait également livré dans les années 1980 des équipements pour la construction d'un bunker pour Saddam Hussein. Les abris de l'ancien dictateur irakien avaient été détruits dans les bombardements américains.

Un bunker comme celui construit à Al-Baïda ne protège pas des frappes aériennes précises, a déclaré Erich Buser. Mais il protège des attaques chimiques ou nucléaires.