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Sur les pas de Philippe Lazzarini dans son opération de sauvetage de l'UNRWA

Philippe Lazzarini, 30 jours pour sauver l’UNRWA
Philippe Lazzarini, 30 jours pour sauver l’UNRWA / Temps présent / 24 min. / le 4 avril 2024
Le Suisse Philippe Lazzarini, commissaire général de l'UNRWA, est en pleine tourmente: depuis plusieurs semaines, il multiplie les rencontres diplomatiques pour convaincre les pays donateurs de ne plus geler le financement de l'agence, alors que la situation humanitaire est catastrophique dans la bande de Gaza. Temps Présent a pu le suivre dans cette course contre la montre.

Depuis des années , l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est en ligne de mire des autorités israéliennes. Mais elle est maintenant frappée par des secousses sismiques qui pourraient signifier sa disparition pure et simple.

Fin janvier, des accusations touchent l'UNRWA en plein cœur. Israël affirme que 12 employés de l'agence ont participé d'une manière ou d'une autre à l'attaque meurtrière du Hamas. Depuis lors, les accusations israéliennes se sont multipliées, faisant peser la suspicion sur l'ensemble de l'organisation.

>> Lire à ce sujet : Israël accuse des employés de l'Unrwa d'être impliqués dans l'attaque du 7 octobre

"Lorsque cette allégation m'a été communiquée, j'ai été absolument horrifié. Et j'ai immédiatement pris un certain nombre de mesures. La première a été de licencier les 12 employés, même avant de faire une revue et de savoir si oui ou non ces allégations sont fondées. Deuxièmement, je suis allé voir le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres et nous nous sommes mis d'accord qu'une commission d'enquête pour établir les faits devait être mise en place au plus vite", rappelle Philippe Lazzarini jeudi soir dans Temps Présent.

L'agence tient à un fil, absolument; elle tient à un fil pas seulement financièrement, mais aussi politiquement

Philippe Lazzarini, commissaire général de l'UNRWA

Aujourd'hui, cet organe vital aux Palestiniens est menacé d'asphyxie. Les principaux Etats donateurs qui font vivre l'organisation se sont détournés. "L'agence tient à un fil, absolument; elle tient à un fil pas seulement financièrement, mais aussi politiquement. On a entendu les autorités israéliennes indiquer qu'elles ne souhaitaient plus voir l'UNRWA à Gaza. On a vu nous aussi une pression pour que l'UNRWA parte de Jérusalem. Et en réalité, il y a aussi une pression pour que l'UNRWA cesse ses activités en Cisjordanie", regrette-t-il.

Un rôle central

Constamment remise en question par Israël, l'agence n'en joue pas moins un rôle central au Proche-Orient, et ce depuis 75 ans. En 1948, 700'000 Palestiniens sont contraints à l'exil lors de la création de l'État d'Israël. L'UNRWA est fondée un an plus tard pour venir en aide à ces réfugiés, en attendant une solution politique.

Elle répond aux besoins de cette population dans trois domaines: l'éducation, les soins de santé et les services sociaux. Les réfugiés et leurs descendants représentent aujourd'hui 5'900'000 personnes.

L'un des plus gros employeurs

Depuis octobre, les besoins ont explosé à Gaza. Et l'UNRWA est devenue le fournisseur principal de l'aide humanitaire. Les réfugiés sont disséminés dans 58 camps au Liban, en Jordanie et en Syrie, mais aussi dans diverses villes en Cisjordanie occupée, ainsi qu'à Gaza, où 75% de la population palestinienne est enregistrée auprès de l'UNRWA.

L'agence est aussi l'un des plus gros employeurs auprès des Palestiniens. Dans la région, elle emploie 30'000 personnes. À Gaza, ils sont environ 13'000.

Le budget de l'UNRWA dépend principalement des contributions volontaires des États. L'agence comptait sur 850 millions de dollars, mais suite aux allégations portées contre elle, de gros contributeurs ont gelé leur soutien. L'UNRWA est ainsi privée de plus de la moitié de ses fonds. La recherche des centaines de millions manquants passe par New York. C'est un marathon diplomatique décisif qui se prépare avec l'équipe de l'UNRWA auprès des Nations unies.

Sur le terrain, la situation ne cesse de se dégrader. Chaque jour en moyenne, un employé de l'UNRWA est tué à Gaza. Et Israël continue à faire obstacle à l'entrée des convois humanitaires.

Né à La Chaux de Fonds il y a 60 ans, Phillipe Lazzarini en a passé plus de 30 à tenter de guérir les ravages de la guerre, de la Bosnie au Liban, du Rwanda à l'Iraq. Il est commissaire général de l'UNRWA depuis 2020.

Nicolas Wadimoff et Luis Lema (pour Le Temps)

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