Publié

Arméniens et Turcs commémorent le génocide

Le génocide de 1915 est considéré comme un élément déterminant de l'identité nationale arménienne.
Le génocide de 1915 est considéré comme un élément déterminant de l'identité nationale arménienne.
L'Arménie a célébré samedi le 95e anniversaire du début des massacres d'Arméniens commis par les Turcs ottomans pendant la Première Guerre mondiale sur fond de regain de tension avec le voisin turc. Pour la première fois, des commémorations ont aussi eu lieu sur sol turc.

La coalition au pouvoir à Erevan a suspendu jeudi la procédure
de ratification au Parlement des accords signés en octobre dernier
avec la Turquie en vue d'une normalisation des relations entre les
deux pays.

Cette décision a été présentée comme la conséquence des
déclarations du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan,
subordonnant la ratification des protocoles dans son pays à la
conclusion d'un traité de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur
la question épineuses du Haut-Karabakh. Erevan exige pour sa part
une ratification sans condition préalable.

Ces accords sont censés permettre aux deux pays de surmonter
leur passé commun et les divergences d'interprétation sur les
massacres d'Arméniens commis par les Turcs ottomans entre avril
1915 et juillet 1916.

Une question de terminologie

Les célébrations de cet événement sont toujours l'occasion d'un
regain d'animosité entre les deux pays



Erevan considère les massacres comme un élément déterminant de
l'identité nationale arménienne et parle, à l'instar de nombreux
Etats et historiens occidentaux, d'un "génocide". La Turquie
rejette le terme et dément la mort d'un million et demi
d'Arméniens.



Elle assure que de nombreux Turcs musulmans et kurdes, ainsi que
des Arméniens chrétiens, ont été tués lorsque les forces russes ont
envahi l'Anatolie orientale durant la Première Guerre
mondiale.



Samedi, des milliers de personnes se sont réunies sur une colline
de la capitale arménienne pour déposer des tulipes rouges et des
oeillets blancs au pied d'un monument aux morts.


Vendredi soir, des milliers de personnes avaient défilé à Erevan
pour réclamer la reconnaissance du génocide arménien par Ankara,
certains manifestants brûlant des drapeaux turcs.



Des manifestations similaires ont été organisées par la diaspora
arménienne dans plusieurs villes à travers le monde. Plusieurs
milliers de personnes se sont ainsi réunies à Beyrouth, brandissant
des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: "Turquie, le dossier
noir de la justice" ou "L'Impunité pour la Turquie nourrit la
culture de la violence".



Aux termes des accords conclus en octobre, Erevan et Ankara
avaient convenu de nouer des relations diplomatiques et d'ouvrir
leur frontière dans les deux mois suivant la ratification de ces
textes par leurs Parlements.



Aucune des deux assemblées n'a encore procédé au vite, les deux
capitales s'accusant réciproquement de traîner des pieds pour
adopter les accords.

Délicat ménage à trois

La condition posée par la Turquie vise à satisfaire
l'Azerbaïdjan, un pays allié riche en pétrole et en gaz. Les
Arméniens de souche du Haut-Karabakh, soutenus par l'Arménie
chrétienne, ont rejeté l'autorité de l'Azerbaïdjan musulman et pris
le contrôle de sept districts voisins au début des années 1990,
lors d'un conflit qui a fait 30'000 morts.



Vendredi, le ministre azerbaïdjanais de la Défense, Safar Abiyev,
a déclaré que son armée était prête à "frapper n'importe quelle
cible sur le territoire arménien" si l'ordre lui en était
donné.



Son homologue arménien, Seyran Ohanyan, a répondu samedi qu'Erevan
souhaitait résoudre le différend pacifiquement tout en adressant
une mise en garde: "Si l'Azerbaïdjan a recours à la force contre
notre peuple, cela aura un impact très négatif pour l'Azerbaïdjan,
cela créera une situation désespérée."



reuters/afp/jeh

Publié

Un tabou tombe à Istanbul

Des défenseurs des droits de l'homme, intellectuels et artistes turcs ont pour la première fois commémoré publiquement samedi à Istanbul les massacres d'Arméniens de 1915-17, brisant ainsi un tabou en Turquie.

La section stambouliote de l'Organisation des droits de l'homme (IHD) a organisé une commémoration pour la rafle de 220 membres de l'intelligentsia arménienne, le 24 avril 1915, point de départ des massacres.

Rassemblés sous le slogan "Plus jamais ça" sur les marches de la gare d'Haydarpasa d'où est parti le premier convoi de déportation, une centaine de manifestants ont rendu hommage aux Arméniens disparus.

Encadrés par la police et suivis par une myriade de caméras, ils portaient des photos en noir et blanc de quelques-uns des déportés dont la plupart ne sont pas revenus.

La police a tenu à bonne distance un groupe de contre-manifestants dont d'anciens diplomates qui arboraient des drapeaux turcs.

Quarante-deux diplomates turcs ont été assassinés par l'organisation extrémiste arménienne Asala dans les années 1970 et 1980.

Une autre manifestation devait avoir lieu à 18h00 sur la place Taksim, au coeur de la partie européenne d'Istanbul.

Des intellectuels et artistes ont signé une pétition appelant "tous ceux qui ressentent cette grande douleur" à manifester leur deuil.

Pour ne pas heurter, le texte évoque la "Grande catastrophe", au lieu d'employer le terme "génocide" mais malgré cette précaution, les organisateurs craignaient des incidents.