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Comment le discours antisémite s'est-il construit au fil de l'histoire?

Depuis le 7 octobre et le début de la guerre qui oppose le Hamas à Israël, le nombre d'actes antisémites a augmenté en France, mais aussi en Suisse. Ces actes sont notamment l'expression d'un sentiment anti-juif qui a une très longue histoire.

L'histoire de la haine des juifs a commencé il y a des siècles. Le discours antisémite s'est construit sur une complexe toile de mythes et de préjugés.

Les origines

Dès l'Egypte antique, des premières traces écrites témoignent de la diffusion de mythes anti-juifs. Apion, directeur de la bibliothèque d'Alexandrie, propage l'idée que les juifs sont misanthropes, hypocrites et conspirent pour détruire l'Egypte.

Il colporte aussi une thèse qui sera réutilisée plus tard par les chrétiens, la Russie tsariste puis les nazis: le mythe du sacrifice humain. Les juifs sont soupçonnés d'enfermer des païens dans leurs synagogues pour les engraisser et les tuer lors de la Pâque afin d'utiliser leur sang dans le pain azyme.

L'antisémitisme chrétien

Avec l'essor du christianisme, de nouveaux mythes et préjugés anti-juifs se développent. Les chrétiens, qui cherchent à se distinguer des juifs, développent le mythe du peuple déicide, attribuant au peuple hébreu la responsabilité de la mort de Jésus.

Ce mythe, notamment popularisé par le Nouveau Testament et le personnage de Judas, marque le début d'une longue série de discriminations et de persécutions. Les juifs sont alors accusés de divers crimes, tels que l'empoisonnement de puits et la profanation d'hosties.

Ces persécutions prennent la forme de violences anti-juives dès le début du premier millénaire avec les premières croisades, mais aussi avec l'inquisition espagnole au XVe siècle.

L'antisémitisme racial

Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, l'association entre les juifs et l'argent, apparue au cours du Moyen Âge, fait un retour en force. Les juifs, notamment à travers la fameuse famille Rothschild, deviennent le symbole du capitalisme et de l'exploitation de la classe ouvrière.

En parallèle, des théories racistes se développent sur la base d'arguments biologiques et un nouveau mythe fait son apparition: la hiérarchisation des races. C'est à travers ces théories que le terme "sémite" fait pour la première fois son apparition.

Au même moment, un document refait surface: le protocole des sages de Sion. Il se présente comme un plan de conquête du monde établi par les juifs et les francs-maçons. Un texte qui a été fabriqué de toutes pièces par la police du tsar en 1903.

Même faux, ce document est utilisé comme argument antisémite dans toute l'Europe et finit par se retrouver dans les mains d'Adolf Hitler. Les nazis synthétisent les arguments antisémites de l'Antiquité à nos jours pour légitimer leur idéologie. La haine des juifs atteint alors son paroxysme avec la Shoah, au cours de laquelle six millions de juifs sont exterminés.

L'antisémitisme moderne

La fin de la Seconde Guerre mondiale et la découverte des camps de concentration ne met pas un terme à la haine des juifs. Les survivants, cherchant à récupérer leurs biens, sont mal accueillis dans de nombreuses régions, entraînant des violences meurtrières.

Avec la création contestée de l'Etat d'Israël en 1948, l'antisémitisme adopte une nouvelle forme. L'antisionisme, qui s'oppose à l'existence de cet État, devient pour certains un nouvel argument antisémite masqué. Des dirigeants de pays arabes s'approprient d'anciens mythes antisémites, comme le protocole des sages de Sion, pour fédérer leur peuple contre Israël.

Aujourd'hui

L'antisémitisme demeure une réalité dans le monde contemporain, la montée des violences au Proche-Orient a des répercussions sur l'augmentation des actes antisémites ailleurs dans le monde.

En Suisse romande, 378 actes antisémites ont été recensés entre le 7 octobre et le 30 novembre 2023, selon la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD), soit six fois plus que sur la même période en 2022.

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Garance Aymon

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