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Mahnaz Shirali: "Le voile n'est qu'un prétexte, la jeunesse iranienne vise la chute du régime"

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Mahnaz Shirali, sociologue et politiste iranienne
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Mahnaz Shirali, sociologue et politiste iranienne / La Matinale / 12 min. / le 30 septembre 2022
Depuis la mort de Masha Amini, les manifestations se multiplient en Iran. Une contestation incarnée par une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans les préceptes de la République islamique et qui n'a désormais plus rien à perdre, a expliqué vendredi dans La Matinale la sociologue et politologue iranienne Mahnaz Shirali.

Chaque soir, depuis deux semaines, des manifestations ont lieu dans plusieurs villes iraniennes en réponse à la mort de Masha Amini, le 16 septembre dernier. La Kurde de 22 ans a été arrêtée par la police des moeurs pour ne pas avoir porté correctement son voile. Elle est décédée trois jours plus tard dans un hôpital de Téhéran.

Depuis, la contestation ne faiblit pas dans le pays. Un mouvement qui a la particularité d'émaner de toutes les classes sociales, a expliqué vendredi dans La Matinale la politologue et sociologue Mahnaz Shirali. "Contrairement aux révoltes précédentes, qui étaient très localisées et concentrées sur une certaine classe sociale, celle-ci concerne toute la jeunesse iranienne, qu'elle soit aisée ou pauvre. Tous se sont solidarisés autour du sort de cette jeune fille."

>> Les témoignages de femmes à Téhéran qui sont fières d'avoir entraîné des hommes dans leur sillage :

A Téhéran, des femmes fières d'avoir entraîné les hommes dans la rue
A Téhéran, des femmes fières d'avoir entraîné les hommes dans la rue / L'actu en vidéo / 1 min. / le 30 septembre 2022

Une génération plus radicale que la précédente

L'auteur de l'ouvrage "La jeunesse iranienne: une génération en crise", observe également une nette différence entre la génération actuelle et celle d'il y a vingt ans, bien moins vindicative face au pouvoir en place. "Nous sommes aujourd'hui face à des jeunes qui n’ont plus rien à perdre et qui rejettent l'islam dans sa totalité. Ils manifestent leur volonté politique au péril de leur vie".

Nous sommes aujourd'hui face à des jeunes qui n’ont plus rien à perdre

Mahnaz Shirali, sociologue et politologue iranienne

Par ailleurs, si la question du voile a été le point de déclenchement de la révolte, il n'est aujourd'hui plus qu'un prétexte. "Les manifestants le scandent ouvertement dans la rue, le but est désormais la chute du régime et son remplacement par un régime élu par le peuple".

La rébellion contre la police des mœurs est également propre à la nouvelle génération. "L'ancienne génération avait l’espoir d’une réforme du régime. Aujourd’hui, les jeunes ont compris que la république islamique n’est pas réformable", poursuit la spécialiste.

>> Plus d'informations : La police iranienne des mœurs, cible des manifestations après la mort de Mahsa Amini

Quelle responsabilité de la communauté internationale?

Enfin, pour Mahnaz Shirali, il relève de la responsabilité de la communauté internationale de soutenir le mouvement de contestation et de mettre la pression sur la République islamique.

Mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, la jeunesse iranienne n’attend rien de la communauté internationale. Ses yeux sont rivés sur ses propres dirigeants. "Ils se demandent pourquoi ces derniers sont systématiquement en guerre contre les grandes puissances alors qu'ils n'ont pas la capacité de se lancer dans ce genre de conflit".

Hélène Krähenbühl

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L'Iran menace ses célébrités qui soutiennent les manifestations

L'Iran a également menacé de "s'en prendre" à ses célébrités qui ont soutenu ces derniers jours les manifestations déclenchées par la mort de  Mahsa Amini. "Nous allons nous en prendre aux célébrités qui ont soufflé sur les braises" des "émeutes", a déclaré le gouverneur de la province de Téhéran, Mohsen Mansouri, cité jeudi par l'agence de presse ISNA.

Mercredi, l'agence de presse Mehr a fait état de l'arrestation de l'ancien animateur de la télévision publique Mahmoud Shahriari, accusé d'"encourager les émeutes et de solidarité avec l'ennemi". Le réalisateur Asghar Farhadi, deux fois oscarisé, a ainsi exhorté dimanche les peuples du monde entier à "être solidaires" avec les manifestants.

Par ailleurs, l'ancienne star de l'équipe nationale de football Ali Karimi a publié à plusieurs reprises sur Instagram et sur Twitter des messages de soutien aux manifestations.