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Canicule en Inde: survivre au réchauffement climatique dans les quartiers pauvres

Un bidonville de New Delhi, en Inde. [AP Photo/Keystone - Altaf Qadri]
En Inde, une ONG aide les personnes défavorisées à survivre aux températures extrêmes / Tout un monde / 5 min. / le 18 mai 2022
Le nord de l'Inde et le Pakistan connaissent ces dernières semaines des vagues de canicules sans précédent. Les populations pauvres sont particulièrement touchées, car leurs logements sont vulnérables. En Inde, l'ONG Mahila Housing SEWA Trust leur vient en aide en développant des méthodes de toits rafraîchissants.

Le mois de mars 2022 a été le plus chaud jamais enregistré en Inde, et les mois suivants ont également battu des records dans plusieurs villes. Le Pakistan voisin est aussi touché. L'enfer du réchauffement climatique devient une réalité dans ces pays.

>> Lire : Une vague de chaleur record s'abat sur l'Inde et le Pakistan

Le thermomètre a dépassé les 49 degrés dimanche dans la capitale New Delhi, un record absolu. Et le gouvernement estime que les températures moyennes du pays devraient augmenter de plus de 4°C en un siècle, soit cinq fois plus rapidement qu'au siècle dernier.

Les oiseaux épuisés tombent du ciel, et certaines régions desséchées sont sous perfusion des livraisons d'eau par le rail. Les scientifiques ont prévu que la situation devrait encore s'aggraver en Asie du Sud-Est dans les années à venir.

>> Les explications du 12h45 :

Réchauffement climatique: Les températures dépassent les 50 degrés en Inde et au Pakistan
Réchauffement climatique: Les températures dépassent les 50 degrés en Inde et au Pakistan / 12h45 / 1 min. / le 18 mai 2022

Conditions intenables

Plus longues et intenses, précoces et répétées, les périodes de grandes chaleurs deviennent de plus en plus dangereuses pour la santé, et particulièrement celle des plus pauvres, qui doivent survivre dans des maisons non ventilées.

Dans la ville d'Ahmedabad, au nord-ouest de l'Inde, les habitantes et les habitants du quartier populaire de Bhagwati Nagar subissent la chaleur de plein fouet. Depuis plus d'un mois, le thermomètre dépasse tous les jours les 40 degrés. Dans les petites maisons aux murs de briques et de ciment surmontés de toitures en tôle d'amiante, la vie est devenue intenable depuis des semaines.

"Je ne peux travailler que le matin et le soir après 17h. La journée, il fait bien trop chaud. Donc cela réduit mes revenus", confie une habitante. "Nos trois enfants sont aussi constamment malades à cause de cette chaleur. Ils vomissent et ont des diarrhées", poursuit-elle.

À Ahmedabad, deux millions de personnes habitent dans ces quartiers pauvres, soit près d'un tiers de la population de la ville. En 2010, une canicule similaire avait causé plus de 1300 morts dans cette ville.

Peinture sur toitures

Dans ce contexte, l'association Mahila Housing SEWA Trust (MHT) s'est donnée pour mission d'aider à rafraîchir les maisons, à travers différentes techniques. La plus simple et la moins chère consiste à peindre les toits avec une peinture blanche spéciale qui réfléchit les rayons du soleil.

Cette technique permet de gagner quelques degrés à l'intérieur du logement, ce qui permet d'y travailler un peu plus. Mais peindre un toit de 10m coûte l'équivalent d'environ 30 francs. Soit une somme trop élevée pour ces familles, qui est donc souvent payée par l'ONG.

MHT a aussi développé une autre technique, plus élaborée et efficace, pour les foyers plus aisés: elle consiste en l’installation d’un toit amovible composé de déchets organiques et d’emballages, qui servent d'isolants. Le coût d'une telle installation dépasse alors 1500 francs, mais peut faire baisser la température de plus de 10°C.

>> Dans Tout un monde, le climatologue Jean Rouzel soulignait que "l'adaptation doit donc aller de pair avec la lutte contre le réchauffement". Voir aussi son interview : Jean Jouzel, climatologue: "Nous vivons aujourd'hui ce que nous envisagions depuis 50 ans"

Les grands immeubles pointés du doigt

Depuis 12 ans, MHT a aidé plus de 6800 foyers du nord de l'Inde. Une démarche récompensée lors de la COP26 de novembre dernier. La municipalité d'Ahmedabad prévoit de s'en inspirer et de peindre certains toits avec cette peinture réfléchissante. Mais pour Bhavana Maheriya, responsable du programme sur le changement climatique au sein de l'ONG, il faut aller plus loin.

"Les grands immeubles construits sous les programmes publics sont très énergivores. Leur climatisation émet beaucoup de chaleur, et ce sont les pauvres qui souffrent de ce réchauffement", explique-t-elle. "Les autorités doivent donc réintégrer les techniques traditionnelles qui réduisent la chaleur intérieure et peindre ces bâtiments avec une peinture réfléchissante."

D'autant que, dans un pays qui s'urbanise à grande vitesse, le problème devrait s'accentuer. Chaque année, les villes indiennes accueillent 12 millions de personnes supplémentaires.

>> Écouter également :

Dina Ionesco, manager de la convention cadre de l'ONU sur les changements climatiques, évoque les défis du réchauffement
Dina Ionesco, manager de la convention cadre de l'ONU sur les changements climatiques, évoque les défis du réchauffement / 19h30 / 3 min. / le 30 avril 2022

Sébastien Farcis/jop

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