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Une étude estime "limitée mais bien réelle" la possibilité d'une victoire de Marine Le Pen en 2022

L'extrême-droite française devient fréquentable: interview de Christèle Marchand-Lagier
L'extrême-droite française devient fréquentable: interview de Christèle Marchand-Lagier / Forum / 6 min. / le 22 avril 2021
Il y a 19 ans, l'extrême droite faisait son entrée au deuxième tour de l'élection présidentielle française. Depuis, le scénario s'est banalisé. Un think tank a publié mercredi une étude qui estime "limitée mais bien réelle" la possibilité de voir Marine Le Pen accéder à l’Elysée l'an prochain.

En France, la présence de Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle en 2022 semble presque aller de soi et, selon certaines analyses, la politicienne n'a jamais été aussi proche du pouvoir.

L'hypothèse d’une victoire de Marine Le Pen agite les commentateurs en France, l'écart dans les sondages entre la cheffe de l’extrême droite et le président actuel Emmanuel Macron se resserrant. La Fondation Jean Jaurès, groupe de réflexion proche du parti socialiste, donne dans une étude publiée mercredi trois pistes qui appuie ce scénario.

Tout d'abord, Emmanuel Macron n'est pas le président le plus impopulaire que la France ait connu ces dernières années, mais la détestation du chef de l'Etat chez une partie de l'électorat de gauche est évidente, et la question de la mobilisation de ces électeurs pour faire barrage en cas de duel entre le président et Marine Le Pen ne va plus de soi.

>> Réécouter l'interview dans Tout un monde de la sociologue française Anne Muxel sur le rôle que peut jouer le vote des jeunes dans l'élection de Marine Le Pen :

Les deux candidats à la présidence de la République française Emmanuel Macron et Marine Le Pen. [AFP - Alain Jocard/Eric Feferberg]AFP - Alain Jocard/Eric Feferberg
Vers un deuxième Macron-Le Pen en France? Interview d'Anne Muxel / Tout un monde / 9 min. / le 8 avril 2021

Un vote divisé à droite

L'étude souligne également la porosité entre l'électorat de la droite classique et le Rassemblement national. Le positionnement entre le parti d'extrême droite et les Républicains est parfois difficile à distinguer sur un certain nombre de thématiques. Une bonne partie de l'électorat de centre-droit est en réalité déjà acquise à Emmanuel Macron dès le premier tour.

Dans le cas d'un scénario Macron-Le Pen, il reste désormais à savoir comment vont voter au second tour celles et ceux qui auraient opté pour le candidat des Républicains lors du premier tour, une partie pouvant être tentée par le Rassemblement national.

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Pour Christèle Marchand-Lagier, maître de conférence à l'Université d'Avignon et chercheuse à l'Institut d'études politiques d'Aix en Provence, "cette porosité entre électorat de droite et d'extrême droite est réelle, mais il ne faut pas non plus la surestimer".

"Il y a des électeurs de droite qui ne voteront jamais pour Marine Le Pen car elle n'est pas convaincante sur le volet économique, mais aussi parce qu'ils ne partagent pas un certain nombre de valeurs portées par le Rassemblement national", analyse-t-elle.

Stratégie de "dédiabolisation"

Depuis plusieurs années, Marine Le Pen mène une stratégie de banalisation de son parti. La politicienne a lissé l'image du Rassemblement national et travaillé sur le plan économique, point faible de la candidate, en modérant notamment sa position sur l'Union européenne.

Selon Christèle Marchand-Lagier, cette stratégie fonctionne car elle est aussi "très largement servie par les médias qui offrent des tribunes au Rassemblement national, ainsi que par les autres responsables politiques qui placent de manière systématique les thèmes portés par le parti, qu'il s'agisse de l'immigration ou l'insécurité, au coeur des campagnes électorales".

"Le jeu sur ces thématiques contribue à banaliser le Rassemblement national et à faire penser que les thèmes sur lesquels il s'exprime sont des thèmes légitimes", ajoute la chercheuse.

Quoi qu'il en soit, cette stratégie semble porter ses fruits puisque Marine Le Pen suscite désormais moins de rejet. Il y a deux ans, 50% de la population française avait une très mauvaise opinion d'elle, contre 34% aujourd'hui.

Christèle Marchand-Lagier souligne toutefois, concernant l'élection présidentielle de 2022, qu'il est "difficile dans l'état actuel de l'offre politique de faire des pronostics sur l'issue du scrutin" et qu'"il faut rester prudent par rapport aux analyses qui sont publiées", tout en reconnaissant que celles-ci ont un intérêt pour évaluer les possibilités d'élection.

Alexandre Habay/iar

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